- Vous êtes Ambassadrice du Cluster Digital Africa (CDA), un réseau d’Experts dans ce domaine. Comment se présente aujourd’hui ce secteur en Afrique ?
Effectivement, en tant qu’Ambassadrice du Cluster Digital Africa (CDA), présidé par Amadou Diawara, j’ai la chance de faire partie d’un réseau dynamique qui œuvre à la transformation numérique du continent africain. Aujourd’hui, le secteur du Digital en Afrique est en pleine effervescence. On assiste à une véritable révolution portée par une jeunesse créative, des Start-up innovantes, et une volonté croissante des États à intégrer les technologies dans leurs politiques publiques.
Cependant, les défis restent nombreux : infrastructures inégales, fracture numérique entre les zones urbaines et rurales, accès limité à Internet haut débit ou encore formation insuffisante dans certains pays. C’est là que des structures comme le CDA prennent tout leur sens. Nous travaillons à fédérer les compétences, à renforcer les capacités locales et à créer des ponts entre les écosystèmes francophones et anglophones, entre les diasporas et les talents locaux. Le Digital est un levier puissant pour le développement, à condition qu’il soit inclusif, africain dans sa vision, et durable dans sa mise en œuvre.
- Comment la presse en ligne peut-elle contribuer à la démocratisation de l’information quand on sait que la connexion n’est pas une évidence dans beaucoup de pays du continent ?
La presse en ligne joue un rôle fondamental dans la démocratisation de l’information, en brisant les barrières traditionnelles d’accès et en diversifiant les sources. Elle permet à un plus grand nombre de voix de se faire entendre, y compris celles des jeunes, des femmes, et des populations souvent marginalisées dans les médias traditionnels. Toutefois, comme vous le soulignez, l’accès à Internet reste encore un luxe dans de nombreuses régions du continent.
C’est pourquoi les médias en ligne doivent penser leurs contenus de façon inclusive : miser sur des formats légers, accessibles sur mobile, et disponibles en langues locales. Il faut aussi renforcer les passerelles avec les radios communautaires ou les plateformes hybrides pour toucher les zones les plus reculées. Avec « Afrique Économie », nous avons fait le choix d’un journalisme accessible, engagé et utile. Nos contenus sont pensés pour être consultables même avec une faible connexion, et nous privilégions les formats courts, visuels et pédagogiques.
Nous mettons aussi l’accent sur des sujets économiques et sociaux qui parlent aux réalités africaines, en valorisant aussi bien les expériences francophones qu’anglophones. Car il est essentiel de créer des ponts entre ces deux sphères du continent, souvent cloisonnées, alors qu’elles partagent les mêmes défis et ambitions. La démocratisation de l’information passe par cette vision panafricaine, enracinée dans les réalités locales mais connectée aux autres cultures du continent. Une presse en ligne bien pensée peut incarner cette vision : proche des peuples, mais ouverte au monde.
- Justement, vous avez organisé un webinaire, le 18 avril 2025, avec pour thème : « Par la plume, contribuons au développement de l’Afrique ». Ce choix n’est pas anodin. Qu’est-ce qu’il en ressort de vos échanges ?
À travers cette conférence virtuelle, qui a réuni des Hommes de média de plusieurs pays, nous avons voulu réunir des Journalistes et des Communicants pour réfléchir ensemble à la responsabilité que nous portons en tant que faiseurs de récits, dans la construction du continent. L’Afrique a besoin de se raconter par elle-même, de manière authentique et stratégique. Trop souvent, notre image est façonnée de l’extérieur.
Pourtant, ce que nous écrivons, ce que nous publions, ce que nous choisissons de mettre en lumière a un impact direct sur la perception que nous avons de nous-même et sur celle que le monde a de nous. Nous pensons donc que ce webinaire est une prise de conscience collective, mais aussi des engagements concrets : écrire mieux, écrire vrai, écrire utile. Parce que la plume est un levier puissant de développement, de paix et de souveraineté.
- La question africaine vous intéresse à plus d’un titre. Le domaine des médias étant majoritairement dominé par la gent masculine, comment se présente-t-il en Côte d’Ivoire ?
Cela dit, les lignes bougent. En Côte d’Ivoire, on assiste à une émergence de Femmes Journalistes, Editorialistes, Directrices de médias, Productrices de contenus numériques, qui prennent la parole et imposent leur vision. C’est une évolution lente, mais bien réelle. Il faut saluer le travail de celles qui ont ouvert la voie, souvent dans la discrétion, et encourager la nouvelle génération à s’affirmer avec rigueur, professionnalisme et audace. Des femmes comme Agnès Kraidy, Journaliste-écrivaine, ancienne Rédactrice en chef à Fraternité Matin et Présidente du Réseau des femmes Journalistes de Côte d’Ivoire (REFJPCI), Marie-Catherine Koissy, Fondatrice et Directrice de Radio Cocody FM 98.5, première femme à posséder une radio en Côte d’Ivoire, ou encore feu Rosine Diodan, Journaliste chevronnée et respectée dans la profession, qui a été aussi mon Professeur à l’Institut des Sciences et Techniques de la Communication (ISTC), sont des figures emblématiques.
Par leur parcours, elles prouvent que le leadership féminin dans les médias est une force crédible, audacieuse et résolument ancrée dans les réalités du continent. Personnellement, en tant que Directrice de Publication d’un média en ligne comme Afrique Économie, j’ai choisi de m’impliquer activement dans la production de contenus à forte valeur ajoutée, tout en créant de l’espace pour d’autres femmes Journalistes.
Il ne s’agit pas de revendiquer une place, mais de démontrer, par la qualité du travail, que cette place est naturelle, légitime et nécessaire. Le défi aujourd’hui, c’est de renforcer l’accès à la formation, de favoriser les opportunités de leadership féminin dans les rédactions, et de créer des réseaux de solidarité entre Femmes des médias. Parce qu’une presse africaine forte est une presse diversifiée, qui reflète toutes les voix de notre société.
- Vous êtes venue plusieurs fois au Maroc. Quels souvenirs retenez-vous de ces voyages ?
Je peux vous révéler que je suis même appelée dans mon pays, la Côte d’Ivoire, « la Marocaine », car j’ai de très bons rapports avec l’Ambassadeur du Royaume du Maroc en Côte d’Ivoire, SEM Abdelmalek Kettani, qui ne ménage aucun effort à chaque fois qu’il le peut, pour m’offrir des opportunités professionnelles au Maroc. Il y a dans ce pays une ouverture sur le monde, une volonté d’innovation et une conscience africaine affirmée qui résonnent profondément avec mes propres engagements.
Je me rappelle aussi de moments de contemplation au cours de mes missions, dans des lieux comme Marrakech, Dakhla, Rabat, Tanger, Kenitra, etc. où l’histoire se mêle à la modernité, où l’architecture raconte, et où l’on sent une âme. Pour moi, le Maroc n’est pas seulement un pays d’accueil, c’est un pont entre l’Afrique Subsaharienne, le Maghreb et l’Europe. Et en tant que femme africaine engagée dans les médias et le développement, je me sens à ma place dans cette dynamique de dialogue et de coopération.
- Enfin, quelle analyse faites-vous de la coopération entre votre pays et le Royaume du Maroc ?
Au-delà de ces partenariats économiques et institutionnels, je crois profondément que ce sont les liens humains qui font la force de cette coopération. Et la récente Coupe d’Afrique des Nations (CAN 2023), organisée avec brio par la Côte d’Ivoire, en a été une belle illustration. Le Maroc y a brillé par sa présence, non seulement à travers son équipe nationale et ses supporters, mais aussi par les élans de solidarité et de fraternité entre les deux peuples.
Cet événement sportif a renforcé l’affection mutuelle et le respect entre Ivoiriens et Marocains, au-delà du Sport. En tant que Journaliste, j’ai pu observer à quel point ces interactions, souvent spontanées, nourrissent une image d’unité africaine réelle et vécue. L’Afrique de demain ne se bâtira pas uniquement à travers les discours politiques, mais aussi à travers ces moments de communion, de célébration et de coopération culturelle.
L’avenir de cette coopération réside, à mon sens, dans le renforcement des synergies autour de la Jeunesse, du Numérique, des Industries culturelles et de l’Economie verte. La Côte d’Ivoire et le Maroc ont tout à gagner à miser sur leurs complémentarités. Ensemble, ils peuvent incarner une Afrique confiante, créative et tournée vers l’action. Et qui sait ? Très bientôt, nous aurons à nouveau l’occasion de nous retrouver, cette fois au Maroc, pour vivre une nouvelle CAN pleine d’émotions et de fraternité africaine. L’histoire continue de s’écrire entre nos deux pays.
Bon à savoir
Nadège Koffi, de son nom à l’état civil Koffi N’Guesshand Aya Nadège, est Experte en Communication et Entrepreneure ivoirienne, passionnée par l’Afrique et ses dynamiques contemporaines. Fondatrice et Directrice de Publication du média en ligne « Afrique Économie », lancé en 2017, elle s’impose comme une voix influente dans le paysage médiatique numérique africain, en mettant en lumière les initiatives économiques, sociales et culturelles du continent. Distinguée Meilleure Journaliste Web en 2020 par la Plateforme de la Presse Numérique de Côte d’Ivoire (PNCI), Nadège Koffi est également Ambassadrice du Cluster Digital Africa (CDA), un réseau d’Experts qui promeut la transformation digitale sur le continent. Elle occupe en parallèle la fonction de Coordonnatrice nationale de l’ONG Stand For Africa (SFA) en Côte d’Ivoire, une Organisation panafricaine basée à Houston, qui œuvre pour le développement et l’autonomisation des jeunes africains. Engagée, visionnaire et animée par une profonde foi en l’avenir de l’Afrique, Nadège Koffi allie passion pour la Communication stratégique et sens aigu des enjeux sociétaux. Elle poursuit actuellement un Master en Management des Politiques Publiques et Relations Internationales au Centre de Valorisation Professionnelle de Tunis (CVPT), consolidant ainsi sa trajectoire entre journalisme, plaidoyer et action publique. Pour ce qui du Cluster Digital Africa (CDA), c’est un Think Tank se présentant comme une plateforme d'intelligence collective axée sur le développement social, économique et culturel de l’Afrique à travers la transformation digitale. Sa mission centrale consiste à stimuler la recherche et le développement de solutions innovantes, en collaborant avec divers partenaires à travers le monde. Il vise à promouvoir le savoir et éclairer les décideurs, et ce à travers la conception de programmes, forum, conférences, formations axées sur la transformation digitale.