Au rythme actuel de la croissance démographique, les scientifiques prévoient une augmentation constante de la population mondiale jusqu’aux 9 milliards de personnes à l’horizon 2050.
Alors que la production alimentaire mondiale constitue déjà une grave pression sur l’environnement, la situation dans quelques décennies devrait encore s’exacerber et augure de plusieurs pénuries : manque de terres agricoles, d’eau, disparition des forêts et érosion de la biodiversité.
À défaut de pouvoir agir sur la démographie, un des enjeux majeurs qui se profilent déjà est de trouver le moyen de produire des ressources alimentaires suffisantes et durables. C’est dans cette perspective que l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) suggère le plus sérieusement du monde de prospecter la piste d’une production alimentaire à base d’insectes. Au Maroc, Pr Ahmed Hamdaoui est un des pionniers qui ont, depuis plusieurs décennies, travaillé sur le potentiel de valorisation alimentaire du criquet pèlerin.
Adaptation aux invasions acridiennes
Éprouvés à plusieurs reprises à travers leur Histoire par des invasions de criquets pèlerins, les Marocains ont déjà tenté de faire de l’insecte ravageur une denrée alimentaire.
« Je me rappelle que quand j’avais 5 ou 6 ans, notre ville de Jérada avait subi une invasion de criquets. À l’époque déjà, j’avais vu que certaines femmes ramassaient les criquets, les faisaient cuire puis sécher au soleil pour ensuite les assaisonner. Beaucoup les décortiquaient pour manger la partie abdominale de l’insecte. Souvent, les gens les mangeaient accompagnés de dattes. Sachant que les criquets sont riches en protéines et faibles en sucre, je réalise aujourd’hui que cette combinaison avec les dattes fournit un aliment complet », raconte le chercheur.
En 1994, Ahmed Hamdaoui avait commencé à travailler sur le criquet pèlerin dans le cadre d’une étude plutôt axée sur la physiologie et la biochimie. « Après la fin de ce projet, j’ai eu l’idée de continuer à travailler sur le processus d’élevage et de l’améliorer », poursuit-il.
Les acquis des chercheurs marocains
Au-delà de son apport nutritif intéressant, le criquet pèlerin est une denrée dont la production au Maroc s’avère très avantageuse en termes de consommation d’eau et de ressources.
« En Europe, pour ceux qui font l’élevage de criquets pèlerins, l’alimentation fournie pose beaucoup de problèmes car ça leur coûte très cher. Généralement, on utilise des feuilles de choux ou de salade ou de blé ou d’orge après germination des graines. Nous avons pour notre part opté pour l’utilisation de la luzerne pour nourrir nos insectes. Le climat de Marrakech s’y prête parfaitement bien », explique Pr Ahmed Hamdaoui, qui a par ailleurs déposé deux brevets de son système à l’OMPIC.
À ce stade, en plus des recherches menées par le chercheur et son équipe afin de combler toutes les lacunes de connaissance concernant l’apport nutritif du criquet à l’alimentation humaine, se pose le défi du rendement. « Pour produire un kg de farine, il faut 3 kg d’insectes (1500 criquets environ). Cela implique que les fermes d’élevages devront avoir une taille importante pour garantir une grande quantité de production», précise le chercheur.
Nécessité d’une volonté politique
Au vu de l’expérience acquise durant ces dernières décennies, Ahmed Hamdaoui estime que le Maroc dispose actuellement d’une avance sur les autres pays dans ce domaine. « Le criquet pèlerin est encore très peu utilisé dans la valorisation alimentaire, car, contrairement à ce que l’on pourrait croire, son élevage est une tâche difficile et coûteuse, surtout dans les conditions qui existent en Europe par exemple. Au Maroc, les conditions sont plus favorables, mais il y a encore du travail à faire », explique le biologiste.
Si le Maroc fait le pari d’encourager la recherche dans le domaine de la valorisation alimentaire du criquet pèlerin, notre pays pourrait se positionner en tant que pionnier dans une filière qui s’avère porteuse au regard des recommandations de la FAO.
« Pour lancer ce chantier, il faudrait une volonté politique qui comprend l’intérêt de développer cette filière et qui perçoit le retour sur investissement sur le long terme. Pour cela, il serait nécessaire d’encourager la recherche et de faciliter la création d’unités-pilotes de production », conclut Ahmed Hamdaoui. À bon entendeur !
Alors que la production alimentaire mondiale constitue déjà une grave pression sur l’environnement, la situation dans quelques décennies devrait encore s’exacerber et augure de plusieurs pénuries : manque de terres agricoles, d’eau, disparition des forêts et érosion de la biodiversité.
À défaut de pouvoir agir sur la démographie, un des enjeux majeurs qui se profilent déjà est de trouver le moyen de produire des ressources alimentaires suffisantes et durables. C’est dans cette perspective que l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) suggère le plus sérieusement du monde de prospecter la piste d’une production alimentaire à base d’insectes. Au Maroc, Pr Ahmed Hamdaoui est un des pionniers qui ont, depuis plusieurs décennies, travaillé sur le potentiel de valorisation alimentaire du criquet pèlerin.
Adaptation aux invasions acridiennes
Éprouvés à plusieurs reprises à travers leur Histoire par des invasions de criquets pèlerins, les Marocains ont déjà tenté de faire de l’insecte ravageur une denrée alimentaire.
« Je me rappelle que quand j’avais 5 ou 6 ans, notre ville de Jérada avait subi une invasion de criquets. À l’époque déjà, j’avais vu que certaines femmes ramassaient les criquets, les faisaient cuire puis sécher au soleil pour ensuite les assaisonner. Beaucoup les décortiquaient pour manger la partie abdominale de l’insecte. Souvent, les gens les mangeaient accompagnés de dattes. Sachant que les criquets sont riches en protéines et faibles en sucre, je réalise aujourd’hui que cette combinaison avec les dattes fournit un aliment complet », raconte le chercheur.
En 1994, Ahmed Hamdaoui avait commencé à travailler sur le criquet pèlerin dans le cadre d’une étude plutôt axée sur la physiologie et la biochimie. « Après la fin de ce projet, j’ai eu l’idée de continuer à travailler sur le processus d’élevage et de l’améliorer », poursuit-il.
Les acquis des chercheurs marocains
Au-delà de son apport nutritif intéressant, le criquet pèlerin est une denrée dont la production au Maroc s’avère très avantageuse en termes de consommation d’eau et de ressources.
« En Europe, pour ceux qui font l’élevage de criquets pèlerins, l’alimentation fournie pose beaucoup de problèmes car ça leur coûte très cher. Généralement, on utilise des feuilles de choux ou de salade ou de blé ou d’orge après germination des graines. Nous avons pour notre part opté pour l’utilisation de la luzerne pour nourrir nos insectes. Le climat de Marrakech s’y prête parfaitement bien », explique Pr Ahmed Hamdaoui, qui a par ailleurs déposé deux brevets de son système à l’OMPIC.
À ce stade, en plus des recherches menées par le chercheur et son équipe afin de combler toutes les lacunes de connaissance concernant l’apport nutritif du criquet à l’alimentation humaine, se pose le défi du rendement. « Pour produire un kg de farine, il faut 3 kg d’insectes (1500 criquets environ). Cela implique que les fermes d’élevages devront avoir une taille importante pour garantir une grande quantité de production», précise le chercheur.
Nécessité d’une volonté politique
Au vu de l’expérience acquise durant ces dernières décennies, Ahmed Hamdaoui estime que le Maroc dispose actuellement d’une avance sur les autres pays dans ce domaine. « Le criquet pèlerin est encore très peu utilisé dans la valorisation alimentaire, car, contrairement à ce que l’on pourrait croire, son élevage est une tâche difficile et coûteuse, surtout dans les conditions qui existent en Europe par exemple. Au Maroc, les conditions sont plus favorables, mais il y a encore du travail à faire », explique le biologiste.
Si le Maroc fait le pari d’encourager la recherche dans le domaine de la valorisation alimentaire du criquet pèlerin, notre pays pourrait se positionner en tant que pionnier dans une filière qui s’avère porteuse au regard des recommandations de la FAO.
« Pour lancer ce chantier, il faudrait une volonté politique qui comprend l’intérêt de développer cette filière et qui perçoit le retour sur investissement sur le long terme. Pour cela, il serait nécessaire d’encourager la recherche et de faciliter la création d’unités-pilotes de production », conclut Ahmed Hamdaoui. À bon entendeur !
Oussama ABAOUSS
Repères
Les escargots ne sont pas des insectes
Aliments appréciés par les Marocains et consommés également dans certains pays d’Afrique de l’Ouest, les escargots sont ce qui se rapproche le plus d’un insecte sans pour autant faire partie de cette catégorie. Ces animaux appartiennent à la grande famille des gastéropodes, un embranchement du genre mollusque. Avec 67 kilocalories et 15 grammes de protéines pour 100 grammes, les escargots sont manifestement des aliments de qualité qui offrent également un taux élevé de magnésium, vitamine A et calcium.
Vous avez déjà mangé des insectes ?
Présent dans plusieurs produits alimentaires « standards » disponibles au Maroc, le colorant alimentaire E120 (appelé également rouge cochenille ou rouge Carmin) est obtenu en broyant le corps séché de la femelle d’un insecte (Dactylopius coccus), plus communément appelé cochenille. Cet insecte originaire d’Amérique latine vit sur une variété de cactus de la variété Opuntia. Le Pérou assure 80% de la production mondiale de ce produit. Le rouge Carmin peut représenter un problème pour les personnes allergiques.
L'info...Graphie
L’incursion des insectes dans le marché alimentaire européen
Il existe à ce jour plus de 1000 espèces d’insectes couramment consommées à travers le monde. Les plus grands marchés dans ce domaine sont la Thaïlande, la Chine, le Japon, l’Australie et le Pérou. En Europe, plusieurs entreprises se sont positionnées dans cette nouvelle niche économique.
Exemple des sociétés Jimini’s et Micronutris, basées en France, qui commercialisent déjà depuis plusieurs années des insectes consommables sous diverses formes : grillés pour l’apéritif, prêts à cuisiner, ou encore en poudre dans des barres protéinées, biscuits et farines.
Le chiffre d’affaires européen du marché des insectes comestibles pourrait ainsi dépasser 260 millions de dollars (220 millions d’euros) à l’horizon 2023, selon des prévisions réalisées par Meticulous Research. Cela représente une multiplication par trois de la taille du marché comparé à 2018. Malgré les réticences culturelles et les freins psychologiques des consommateurs européens, l’incursion des insectes dans le marché alimentaire est une tendance qui semble prendre de l’ampleur avec le temps.
Europe
L’UE valide la mise sur le marché d’un insecte comestible
Le 4 mai 2021, les 27 États membres de l’Union Européenne ont, pour la première fois, autorisé la mise sur le marché d’insectes en tant qu’aliments. Il s’agit principalement de larves du ténébrion, aussi appelées « vers de farine ».
Dès janvier 2021, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) avait conclu que celles-ci pouvaient être dégustées sans danger, « soit sous forme d’insecte entier séché, soit sous forme de poudre ». Les grandes surfaces européennes pourront donc bientôt proposer à la vente dans leurs rayons des aliments à base de larves du ténébrion, sous forme de farine, séchées prêtes à être consommées, ou encore sous forme de biscuits ou pâtes.
Selon le média RFI, « d’autres demandes ont été soumises à l’Union Européenne et devraient être étudiées ». Parmi ces dernières : celle de l’EFSA, société italienne qui se spécialise notamment dans la valorisation alimentaire des grillons et sauterelles, ou encore celle de la société d’Ynsect, leader français de la production de farine d’insectes pour l’alimentation animale et qui a déjà développé « un ingrédient à base de protéines d’insectes déshuilés » pour fabriquer des « barres énergétiques » à l’intention des sportifs.
La même source précise que « l’intérêt alimentaire des insectes a fait l’objet de plusieurs études. L’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) qualifie ces bêtes de « source alimentaire saine et très nutritive » et y voit même « une source de substitution » à la viande dans le cadre de la transition écologique ».
Dès janvier 2021, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) avait conclu que celles-ci pouvaient être dégustées sans danger, « soit sous forme d’insecte entier séché, soit sous forme de poudre ». Les grandes surfaces européennes pourront donc bientôt proposer à la vente dans leurs rayons des aliments à base de larves du ténébrion, sous forme de farine, séchées prêtes à être consommées, ou encore sous forme de biscuits ou pâtes.
Selon le média RFI, « d’autres demandes ont été soumises à l’Union Européenne et devraient être étudiées ». Parmi ces dernières : celle de l’EFSA, société italienne qui se spécialise notamment dans la valorisation alimentaire des grillons et sauterelles, ou encore celle de la société d’Ynsect, leader français de la production de farine d’insectes pour l’alimentation animale et qui a déjà développé « un ingrédient à base de protéines d’insectes déshuilés » pour fabriquer des « barres énergétiques » à l’intention des sportifs.
La même source précise que « l’intérêt alimentaire des insectes a fait l’objet de plusieurs études. L’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) qualifie ces bêtes de « source alimentaire saine et très nutritive » et y voit même « une source de substitution » à la viande dans le cadre de la transition écologique ».
3 questions au Pr Ahmed Hamdaoui, expert en élevage des criquets
« Il ne faut pas perdre l’avance technique que nous avons pu avoir sur les autres pays »
Biologiste et enseignant à l’Université Cadi Ayyad qui a accumulé une expérience de 20 ans en élevage de criquets en laboratoire, Pr Ahmed Hamdaoui répond à nos questions.
- À quelle étape êtes-vous actuellement concernant la création d’un centre-pilote de production ?
- Actuellement, nous sommes en train de finaliser le business plan. Dans ce projet, je suis entouré de jeunes qui sont motivés, car ils croient au potentiel du projet. Nous voulons lancer une start-up spécialisée qui portera le nom de Moroccan Jarad BiFtech (Bio Inov Food Technologie). Parmi les jeunes qui participent à ce projet, plusieurs étudiants et enseignants et également les fondateurs de l’incubateur Emerging Business Factory (EBF). Pour nous lancer, il faudra toutefois que nous obtenions les autorisations nécessaires, et nous espérons que cette étape ne tardera pas à se concrétiser.
- Existe-t-il des risques de fuites des criquets pèlerins à partir des stations d’élevages ?
- Pendant plusieurs années de recherche, je n’ai jamais eu de fuite, car un dispositif de sécurité veille à ce que ça ne puisse pas se produire. Évidemment, le risque zéro n’existe pas, mais les bénéfices sont bien supérieurs aux risques potentiels, sachant que même en cas de fuites, il est quasiment impossible que les criquets d’élevage se transforment en ravageur au vu des conditions très particulières et précises qui pourraient favoriser ce phénomène.
- Qu’en est-il du cadre juridique nécessaire pour réglementer l’activité d’élevage et de valorisation alimentaire du criquet pèlerin ?
- En Europe, les lois évoluent pour permettre de développer cette nouvelle filière et d’autoriser l’utilisation d’aliments à base d’insectes pour l’alimentation humaine. Je pense qu’il est primordial pour le Maroc de suivre la même démarche et ainsi nous engager dans un processus du même genre afin de ne pas perdre l’avance technique que nous avons pu avoir sur les autres pays.
- À quelle étape êtes-vous actuellement concernant la création d’un centre-pilote de production ?
- Actuellement, nous sommes en train de finaliser le business plan. Dans ce projet, je suis entouré de jeunes qui sont motivés, car ils croient au potentiel du projet. Nous voulons lancer une start-up spécialisée qui portera le nom de Moroccan Jarad BiFtech (Bio Inov Food Technologie). Parmi les jeunes qui participent à ce projet, plusieurs étudiants et enseignants et également les fondateurs de l’incubateur Emerging Business Factory (EBF). Pour nous lancer, il faudra toutefois que nous obtenions les autorisations nécessaires, et nous espérons que cette étape ne tardera pas à se concrétiser.
- Existe-t-il des risques de fuites des criquets pèlerins à partir des stations d’élevages ?
- Pendant plusieurs années de recherche, je n’ai jamais eu de fuite, car un dispositif de sécurité veille à ce que ça ne puisse pas se produire. Évidemment, le risque zéro n’existe pas, mais les bénéfices sont bien supérieurs aux risques potentiels, sachant que même en cas de fuites, il est quasiment impossible que les criquets d’élevage se transforment en ravageur au vu des conditions très particulières et précises qui pourraient favoriser ce phénomène.
- Qu’en est-il du cadre juridique nécessaire pour réglementer l’activité d’élevage et de valorisation alimentaire du criquet pèlerin ?
- En Europe, les lois évoluent pour permettre de développer cette nouvelle filière et d’autoriser l’utilisation d’aliments à base d’insectes pour l’alimentation humaine. Je pense qu’il est primordial pour le Maroc de suivre la même démarche et ainsi nous engager dans un processus du même genre afin de ne pas perdre l’avance technique que nous avons pu avoir sur les autres pays.
Recueillis par O. A.