Pourquoi un livre sur les 21 ans de relations entre le Maroc et l’Afrique ?
Le retour du Maroc au sein de l’Union Africaine en début d’année 2017 marque une étape majeure des relations et il me semblait important d’en faire un bilan. En effet, les liens politiques entre le Maroc et l’Afrique au Sud du Sahara remontent à bien plus loin, notamment au sein de l’Empire Almoravide avec l’Empire du Ghana dès le 11ème siècle ou encore avec la conquête de l’Empire Songhaï par les Saadiens et l’établissement du Pachalik de Tombouctou au 16ème siècle mais le sujet du livre est bien plus contemporain et couvre la période s’ouvrant après l’indépendance du Maroc en 1956. Les 20 dernières années sont certes importantes dans ces relations mais il est utile de rappeler l’implication du Maroc dans la construction africaine depuis les années 1960, notamment le Groupe de Casablanca qui a joué un rôle majeur et fût à la genèse de la défunte Organisation de l’Unité Africaine.
Des relations qui ont transcendé toutes les vicissitudes politico-économiques, voulez-vous dire ?
En effet, la séparation du Royaume de l’organisation continentale en signe de protestation contre le non-respect de la légalité internationale en 1984 ne signifiait pas l’arrêt des relations bilatérales et un souffle nouveau fût donné en 1999 pour une nouvelle vision du Sud. Cette vision développée durant ces 20 dernières années repose sur une stratégie de coopération et d’investissement dans plusieurs secteurs comme la banque, les télécommunications, l’assurance, l’immobilier ou encore l’agriculture, dans un cadre gagnant-gagnant et sur un socle de relations politiques, culturelles, spirituelles et diplomatiques antérieures qu’il fallait détailler pour expliquer la démarche plus large du Maroc en Afrique.
A votre avis, quels ont été les éléments fondateurs et les principaux leviers de ce partenariat gagnant-gagnant ?
Le partenariat gagnant-gagnant mis sur la table par le Royaume est en contraste avec les paradigmes existant jusqu’il y a peu en Afrique, ceux de projets ou de partenariats qui ne profitaient pas aux deux parties et qui maximisent les gains de certains investisseurs non-africains par rapport aux pays africains. Cette nouvelle démarche repose sur un élément fondateur majeur qui est la constitutionnalité du renforcement de la coopération Sud-Sud. En effet, dès le préambule de la Constitution marocaine et aux côtés de la définition de son unité forgée par la convergence de composantes arabo-islamiques, amazighe et saharo-hassanie nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen se trouve l’engagement du renforcement de la coopération Sud-Sud. Cet élément fondateur est accompagné de leviers pratiques que sont l’intégration économique en Afrique, l’agissement pour la paix et la sécurité, l’implication des secteurs publics et privés, ainsi que le renforcement des capacités de développement humain. Aussi, il est important de souligner que comme en 1961 avec la charte politique du Groupe de Casablanca, cette stratégie n’est dirigée contre aucun pays ni aucun continent puisque son ultime pilier est l’implication tripartite du Nord dans ce partenariat.
« L’Afrique doit faire confiance à l’Afrique » a dit le Roi. Peut-on parler d’un nouveau paradigme de partenariat Sud-Sud ?
Tout à fait. Que l’Afrique fasse confiance à l’Afrique résume bien cette nouvelle vision car au-delà de la théorie, la création d’un système économique d’abord régional puis continental intégré sera la clé de voûte de ce partenariat et l’Afrique en a aujourd’hui l’opportunité. Les flux d’investissements directs étrangers démontrent cette confiance car en tant que premier investisseur en Afrique de l’Ouest et second investisseur dans toute l’Afrique, le Maroc a su créer la confiance et la crédibilité, conditions sine qua non de ce partenariat.
La confiance dans la complémentarité et la fraternité ?
Aussi, la complémentarité économique régionale et continentale est un atout majeur, avec des PIB structurellement différents qui pourraient donner un souffle nouveau à l’économie africaine et l’expérience marocaine. Par exemple, avec la première plate-forme automobile en Afrique cela prouve, s’il le fallait encore, des gisements existants en Afrique. Se faire confiance signifie aussi se prendre en charge et ne plus compter sur l’assistance pour résoudre ses défis en termes de sécurité, de sortie du sous-développement et de la pauvreté. Enfin, se faire confiance implique la victoire contre l’afro-pessimisme et la réforme du secteur public afin qu’il aide l’initiative privée à fleurir dans les domaines tant attendus en Afrique que sont l’agriculture, l’industrie et les technologies.
Des relations qui ont transcendé toutes les vicissitudes politico-économiques, voulez-vous dire ?
En effet, la séparation du Royaume de l’organisation continentale en signe de protestation contre le non-respect de la légalité internationale en 1984 ne signifiait pas l’arrêt des relations bilatérales et un souffle nouveau fût donné en 1999 pour une nouvelle vision du Sud. Cette vision développée durant ces 20 dernières années repose sur une stratégie de coopération et d’investissement dans plusieurs secteurs comme la banque, les télécommunications, l’assurance, l’immobilier ou encore l’agriculture, dans un cadre gagnant-gagnant et sur un socle de relations politiques, culturelles, spirituelles et diplomatiques antérieures qu’il fallait détailler pour expliquer la démarche plus large du Maroc en Afrique.
A votre avis, quels ont été les éléments fondateurs et les principaux leviers de ce partenariat gagnant-gagnant ?
Le partenariat gagnant-gagnant mis sur la table par le Royaume est en contraste avec les paradigmes existant jusqu’il y a peu en Afrique, ceux de projets ou de partenariats qui ne profitaient pas aux deux parties et qui maximisent les gains de certains investisseurs non-africains par rapport aux pays africains. Cette nouvelle démarche repose sur un élément fondateur majeur qui est la constitutionnalité du renforcement de la coopération Sud-Sud. En effet, dès le préambule de la Constitution marocaine et aux côtés de la définition de son unité forgée par la convergence de composantes arabo-islamiques, amazighe et saharo-hassanie nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen se trouve l’engagement du renforcement de la coopération Sud-Sud. Cet élément fondateur est accompagné de leviers pratiques que sont l’intégration économique en Afrique, l’agissement pour la paix et la sécurité, l’implication des secteurs publics et privés, ainsi que le renforcement des capacités de développement humain. Aussi, il est important de souligner que comme en 1961 avec la charte politique du Groupe de Casablanca, cette stratégie n’est dirigée contre aucun pays ni aucun continent puisque son ultime pilier est l’implication tripartite du Nord dans ce partenariat.
« L’Afrique doit faire confiance à l’Afrique » a dit le Roi. Peut-on parler d’un nouveau paradigme de partenariat Sud-Sud ?
Tout à fait. Que l’Afrique fasse confiance à l’Afrique résume bien cette nouvelle vision car au-delà de la théorie, la création d’un système économique d’abord régional puis continental intégré sera la clé de voûte de ce partenariat et l’Afrique en a aujourd’hui l’opportunité. Les flux d’investissements directs étrangers démontrent cette confiance car en tant que premier investisseur en Afrique de l’Ouest et second investisseur dans toute l’Afrique, le Maroc a su créer la confiance et la crédibilité, conditions sine qua non de ce partenariat.
La confiance dans la complémentarité et la fraternité ?
Aussi, la complémentarité économique régionale et continentale est un atout majeur, avec des PIB structurellement différents qui pourraient donner un souffle nouveau à l’économie africaine et l’expérience marocaine. Par exemple, avec la première plate-forme automobile en Afrique cela prouve, s’il le fallait encore, des gisements existants en Afrique. Se faire confiance signifie aussi se prendre en charge et ne plus compter sur l’assistance pour résoudre ses défis en termes de sécurité, de sortie du sous-développement et de la pauvreté. Enfin, se faire confiance implique la victoire contre l’afro-pessimisme et la réforme du secteur public afin qu’il aide l’initiative privée à fleurir dans les domaines tant attendus en Afrique que sont l’agriculture, l’industrie et les technologies.
Entretien réalisé
par Wolondouka SIDIBE
par Wolondouka SIDIBE
Défis liés à Coronavirus
Consolider le leadership continental du royaume
Le Maroc est un acteur incontournable dans la dynamique économique et sécuritaire en Afrique. Pour maintenir ce cap, Policy Centre for the New South donne des pistes à travers ce livre de 120 pages, publié dans la deuxième quinzaine de juillet 2020.
L’auteur du livre « Le Maroc en Afrique », Amine Harastani Madani, souligne que « les nouveaux défis liés au Covid-19 émergent déjà et font miroiter de nouvelles difficultés pour le projet africain mais qui constituent, je l’espère, un électrochoc pour avancer plus rapidement. Le défi majeur qu’a posé le Coronavirus est le dimensionnement des systèmes de santé et la capacité à tester, à hospitaliser et à gérer les flux de malades et cela reste tributaire des politiques nationales en termes de santé ».
Sur le plan économique, voire stratégique, se pose dès lors la question de la mondialisation et de la dépendance de pays lointains souvent situés de l’autre côté du globe et lorsque les chaînes logistiques sont paralysées, comme tel est encore le cas, la viabilité de ce système peut être remise en cause. A ce sujet, Amine souligne que « le repos climatique dont a bénéficié la planète durant les mois de confinement témoigne du désastre écologique que nous sommes en train de faire subir à la Terre qui nous accueille, et ces deux éléments sont intimement liés, car la mondialisation des chaînes de production et de consommation ont un impact direct sur les chaînes logistiques et donc sur les émissions...
Capital de crédibilité
D’où se pose la problématique suivante : « L’Afrique a-t-elle besoin d’aller chercher si loin ses matières premières, ses matériaux, ses denrées et ses médicaments ? ». M. Amine répond sans détour. « Un modèle plus proche, plus frugal, plus responsable, plus durable est la solution la plus pragmatique pour cette sortie de crise et le Maroc pourra consolider son leadership en apportant son expérience, en partageant son chemin parcouru et en mettant à la disposition de l’Afrique son capital de crédibilité sur les questions de développement durable, par exemple », dit-il.
Il conclut en ces termes : « Imaginer un marché africain intégré, soutenable, performant et qui libérerait le continent du déséquilibre qui s’exerce sur lui du fait de la mondialisation qui ne lui a que peu profité, c’est ainsi, je le crois, le chemin le plus sage à suivre. Des chaînes de production et de consommation nécessitant régionales voire continentales resteront toujours plus soutenables qu’un système mondialisé et offriront plus d’indépendance stratégique à l’Afrique, c’est de cela dont il s’agit ». Tout est dit.
Enfin soulignons qu’Amine Harastani-Madani, né à Rabat en 1991, est ingénieur de formation, diplômé aussi de l’Ecole Centrale de Paris et travaillant aujourd’hui dans le domaine de la Chimie en France. Il est titulaire d’un diplôme de troisième cycle en Relations internationales approfondies du Centre d’études diplomatiques et stratégiques de Paris.
Le Maroc est un acteur incontournable dans la dynamique économique et sécuritaire en Afrique. Pour maintenir ce cap, Policy Centre for the New South donne des pistes à travers ce livre de 120 pages, publié dans la deuxième quinzaine de juillet 2020.
L’auteur du livre « Le Maroc en Afrique », Amine Harastani Madani, souligne que « les nouveaux défis liés au Covid-19 émergent déjà et font miroiter de nouvelles difficultés pour le projet africain mais qui constituent, je l’espère, un électrochoc pour avancer plus rapidement. Le défi majeur qu’a posé le Coronavirus est le dimensionnement des systèmes de santé et la capacité à tester, à hospitaliser et à gérer les flux de malades et cela reste tributaire des politiques nationales en termes de santé ».
Sur le plan économique, voire stratégique, se pose dès lors la question de la mondialisation et de la dépendance de pays lointains souvent situés de l’autre côté du globe et lorsque les chaînes logistiques sont paralysées, comme tel est encore le cas, la viabilité de ce système peut être remise en cause. A ce sujet, Amine souligne que « le repos climatique dont a bénéficié la planète durant les mois de confinement témoigne du désastre écologique que nous sommes en train de faire subir à la Terre qui nous accueille, et ces deux éléments sont intimement liés, car la mondialisation des chaînes de production et de consommation ont un impact direct sur les chaînes logistiques et donc sur les émissions...
Capital de crédibilité
D’où se pose la problématique suivante : « L’Afrique a-t-elle besoin d’aller chercher si loin ses matières premières, ses matériaux, ses denrées et ses médicaments ? ». M. Amine répond sans détour. « Un modèle plus proche, plus frugal, plus responsable, plus durable est la solution la plus pragmatique pour cette sortie de crise et le Maroc pourra consolider son leadership en apportant son expérience, en partageant son chemin parcouru et en mettant à la disposition de l’Afrique son capital de crédibilité sur les questions de développement durable, par exemple », dit-il.
Il conclut en ces termes : « Imaginer un marché africain intégré, soutenable, performant et qui libérerait le continent du déséquilibre qui s’exerce sur lui du fait de la mondialisation qui ne lui a que peu profité, c’est ainsi, je le crois, le chemin le plus sage à suivre. Des chaînes de production et de consommation nécessitant régionales voire continentales resteront toujours plus soutenables qu’un système mondialisé et offriront plus d’indépendance stratégique à l’Afrique, c’est de cela dont il s’agit ». Tout est dit.
Enfin soulignons qu’Amine Harastani-Madani, né à Rabat en 1991, est ingénieur de formation, diplômé aussi de l’Ecole Centrale de Paris et travaillant aujourd’hui dans le domaine de la Chimie en France. Il est titulaire d’un diplôme de troisième cycle en Relations internationales approfondies du Centre d’études diplomatiques et stratégiques de Paris.
W. S.