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Aurores boréales au Maroc : Sur les traces scientifiques d’une tempête solaire [INTÉGRAL]


Rédigé par Anass MACHLOUKH Samedi 18 Mai 2024

Des lueurs inédites ont orné le ciel du Royaume du 10 au 11 mai. Un phénomène attribué aux aurores boréales par les observateurs. Les scientifiques marocains se montrent plus précis. Décryptage.



Ciel bleuâtre parsemé de voiles cramoisis, cette image pittoresque est restée gravée dans l’esprit de ceux qui ont eu le bonheur de lever leurs yeux vers la voûte céleste dans la nuit du vendredi au samedi 11 mai. Illuminé par des lueurs solaires d’une beauté exceptionnelle, le ciel fut le reflet d’un paysage digne des tableaux surréalistes. D’aucuns ont pris plaisir à comparer ces images à celles générées par l’Intelligence Artificielle et qui ornent les arrière-plans de nos écrans.
 
Au milieu des ténèbres surgit une masse de lumières bleuâtres traversées elles-mêmes de voiles rougeâtres comme une aube métamorphosée en arc-en-ciel. Les images de ce spectacle atmosphérique ont fait le tour des réseaux sociaux, suscitant l’admiration des internautes. Depuis lors, ce phénomène n’a eu de cesse de susciter la curiosité, surtout qu’on y assiste pour la première fois au Maroc avec une telle intensité.
 
Des images aussi exquises sont parvenues d’autres pays du monde qui ont assisté au même spectacle, surtout en Europe où les photos des cieux noircis émaillés de voiles violacés ont été aperçues.
 
De quoi s’agit-il ?
 
Les experts parlent d’une “forte activité solaire” qui serait derrière ce phénomène étrange qui suscite autant l’admiration que la curiosité.
 
En fait, le jargon astronomique regorge de qualificatifs pour décrire ce phénomène. Cette explosion multicolore est issue d’une “tempête solaire” d’une intensité extrêmement inédite. On évoque également “un orage solaire”. Jamais l’astre n’a été si agité depuis 2003, l’année à laquelle remonte la dernière fois qu’on avait assisté à un phénomène semblable. Selon l’Agence nationale océanique et atmosphérique américaine, l’intensité de cette tempête a atteint le niveau 5, soit le sommet de l’échelle adoptée dans la mesure astronomique. Qu’est-ce qui s’est passé au juste ? Le soleil, dans son agitation, provoque des éruptions d’éjections coronales, c'est-à-dire une sorte de cohorte de particules d’énergie et de champs magnétiques mêlées qui atteignent la terre.
 
Selon plusieurs experts, notamment ceux de la NOAA, le soleil est actuellement au comble de son activité. On évoque souvent “un pic”. La marmite solaire semble en ébullition et projette, par conséquent, ses flammes, avec une forte activité magnétique, sous forme de lueurs inédites qui atteignent la planète. Ces explosions ont heureusement pour effet de produire des scènes majestueuses agréablement lumineuses. Faisons une démonstration, pour qu’une aurore boréale surgisse, il faut que le soleil, à l’apogée de son pic, génère une masse coronale et une tâche solaire infiniment supérieure à la surface de la terre (environ seize fois le diamètre de la terre). Puis, celle-ci atteint le globe à une vitesse énorme.
 
Ce phénomène a d’autant plus frappé la terre qu’il en a touché une grande partie, plus grande que d’habitude. Si le phénomène a touché une grande partie de la planète, ce serait à cause du pic de l’activité solaire. Selon Zouhair Benkhaldoun, astrophysicien et directeur de l’Observatoire astronomique universitaire de l'Oukaïmeden, ce pic se produit selon un cycle de l’activité qui dure onze ans. “Tous les onze ans, nous avons une activité intense du soleil suivie de période de calme”, précise sur un ton doctoral notre interlocuteur. Ceci va dans le sens des explications fournies par le Centre de prévision de la météo spatiale (SWPC) américain, rattaché à la NOAA.

À quoi a-t-on assisté précisément au Maroc ?
 
Au Maroc, on a automatiquement fait le lien entre les belles éruptions lumineuses et les aurores boréales issues de cette tempête solaire. En fait, l’aurore boréale est beaucoup plus perceptible quand le ciel est sans nuages et moins exposé aux pollutions lumineuses.
 
Pour leur part, les experts restent mesurés et peu précipités dans leurs conclusions. M. Benkhaldoun n’en est pas certain tout en gardant cette hypothèse qui, selon lui, serait un cas inédit, si elle se confirmait. “Le fait de voir les aurores boréales à partir du Maroc, s’il se confirme scientifiquement, est exceptionnel”, explique-t-il. Notre interlocuteur est convaincu que les aurores boréales ne sont pas observables partout dans le monde et sont généralement perceptibles dans le Nord de l’Europe et en Amérique du Nord. Dans le cas contraire, si on supposait que les aurores boréales sont arrivées jusqu’au Maroc, cela signifierait que l’activité solaire aurait atteint une intensité jamais vue auparavant. Notre expert estime qu’il faut des instruments astronomiques pour dire avec certitude qu’il s’agit bel bien de ce genre de phénomènes. Pour sa part, Salma Regaibi, experte et présidente de l’Association StepsintoSpace, fait état d'exception due à la forte activité solaire.
 
Quelles conséquences ?
 
Bien qu’admirables esthétiquement, les aurores boréales n’en ont pas moins des méfaits. Même si elles ne présentent aucune menace sur les personnes, elles peuvent parfois détruire les infrastructures. Généralement, elles sont susceptibles d’endommager, mais dans des cas exceptionnels, les installations électriques, les réseaux de distribution d’électricité. Zouhair Benkhaldoun explique cela par l’incidence de cette tempête solaire sur les champs magnétiques. Dans le cas du Maroc, aucun incident n’a été signalé.
 
Toutefois, notre expert tempère et estime qu’il n’y a pas forcément un lien de cause à effet scientifiquement établi entre les aurores boréales et les dommages subis par les infrastructures susmentionnées. M. Benkhaldoun évoque précisément des perturbations sur les réseaux de télécommunications et les systèmes de navigation.
 
Peut-on y assister à nouveau ? Salma Regaibi, de son côté, trouve que tout dépend de l’intensité du phénomène s’il se reproduit à nouveau dans les onze prochaines années. Mais, tout reste relatif.

Trois questions à Zouhair Benkhaldoun : « Il reste à prouver que les images relayées dans les réseaux correspondent effectivement aux aurores boréales »

Zouhair Benkhaldoun, astrophysicien et directeur de l’Observatoire astronomique universitaire de l'Oukaïmeden, a répondu à nos questions.
Zouhair Benkhaldoun, astrophysicien et directeur de l’Observatoire astronomique universitaire de l'Oukaïmeden, a répondu à nos questions.
  • Les aurores boréales demeurent un phénomène complexe, comment en tirer une définition vulgarisée pour le grand public ?

Pour comprendre le phénomène, il faut savoir qu’il est étroitement lié à l’activité solaire. En l'occurrence, on parle d’activité du champ magnétique solaire. Il s’agit d’une activité cyclique avec des cycles de onze ans traversés de périodes de calme et d’intensité. Si vous observez le soleil actuellement, vous apercevez des tâches solaires, dont une  centaine de diamètres terrestres, plus nombreux que d’habitude.  

Je précise que ces tâches sont des irrégularités du champ magnétique qui ont une incidence sur la terre. Plus l’activité solaire est grande, plus il y aura des éruptions solaires en grande quantité avec une intensité considérable. Scientifiquement, on parle des éjections de masses coronales qui signifient que la matière sort du soleil sous forme de particules chargées et d’autres énergies qui peuvent atteindre la terre. Cette interaction sous l’effet des vents solaires fait que l’on observe des phénomènes de perturbation, tels que cette sorte de jolies nuances de couleurs qu’on appelle communément aurore boréale.
 
  • Au Maroc, on fait le lien entre les images qui ont fait le tour des réseaux sociaux et les aurores issues de la tempête solaire qui a frappé la terre récemment, ce lien est-il scientifiquement établi ?
 
Ce phénomène se produit souvent et généralement dans les régions nordiques d’où il est visible. Les aurores boréales sont difficilement observables ailleurs. Par exemple, il est quasiment impossible de les percevoir à partir de l'Équateur même quand l’activité solaire est si intense. Certes, des images ont été diffusées, mais, pour ma part, je ne suis pas certain si la tempête a touché effectivement le Maroc. Il reste à prouver que les images relayées dans les réseaux correspondent effectivement aux aurores boréales.  
 
Il est possible de s’en assurer à condition d’utiliser des instruments techniques spécialisés, ce que nous faisons à l’observatoire d'Oukaïmden. Le fait de voir les aurores boréales à partir du Maroc, s’il se confirme scientifiquement, devrait être exceptionnel. Dans ce cas de figure, on peut dire que ça dénote d’une intensité inédite des aurores. Cet orage magnétique est classé au niveau 4 ou 5 à une échelle qui comporte cinq échelons.
 
  • Peut-on craindre des perturbations ?

Ces phénomènes agissent sur le champ électromagnétique qui est le véhicule des télécommunications entre la terre et les satellites.  Par conséquent, ils peuvent provoquer des perturbations. En 2003, il y a eu une forte activité solaire qui aurait causé, selon les informations de l’époque, des incidents d’aviation. Mais, en général, nous ne sommes pas en état d’établir un rapport de cause à effet direct. Reste à le définir scientifiquement. Or, il s’est avéré que les aurores boréales ont un effet sur les télécommunications et, parfois, peuvent aboutir à des coupures momentanées. 

Flashback : Il était une fois, la tempête Halloween

La dernière fois que la terre a connu une tempête d’une aussi grande ampleur ce fut en 2003. À l’époque, on la surnommait la tempête Halloween. “De telles tempêtes violentes ne se sont presque pas produites depuis longtemps et n'ont pas d'impact direct sur les humains en général, mais elles ont causé un certain nombre de dégâts, notamment la perturbation des communications radio sur les ondes courtes de 3 à 35 MHz. Dans diverses régions des Amériques, du Pacifique et de l'Asie de l'Est”, explique Salma Regaibi à cet égard, ajoutant : “Il est vrai que les aurores boréales ne sont généralement pas vues au Maroc, et cette fois-ci, elles sont considérées comme une merveilleuse exception pour les astronomes.

Selon elle, “cette exception est due à la force de cette tempête, estimée à G5”.

Selon les données de l'Observatoire de l'énergie solaire et de l'héliosphère (SOHO), une activité solaire s'est produite au cours de laquelle la tâche solaire, connue sous le nom d'AR3664, a éjecté cinq masses coronales vers la Terre. Ces masses coronales se sont fusionnées, augmentant ainsi l'intensité des tempêtes géomagnétiques lorsqu'elles ont interagi avec le champ magnétique terrestre. La fusion de ces cinq émissions coronales a créé des aurores spectaculaires.
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Observatoire d'Oukaïmeden : Découverte inédite

L'Observatoire d'Oukaïmeden a annoncé, le 15 avril, une découverte révolutionnaire dans le cadre du projet SPECULOOS dirigé par l'Université de Liège. Selon un communiqué, il a été révélé une exoplanète de la taille de la Terre en orbite autour d'une étoile naine ultracool voisine. “C'est une étape significative car elle marque le deuxième système planétaire trouvé autour d'une telle étoile, le télescope TRAPPIST-Nord de l'Observatoire d'Oukaimeden jouant un rôle crucial dans le processus d'observation”, explique la même source.

Nommée SPECULOOS-3b, la nouvelle exoplanète découverte orbite autour d'une étoile située à environ 55 années-lumière de la Terre. Malgré sa proximité avec son étoile hôte, SPECULOOS-3b partage des similitudes remarquables avec notre propre planète, y compris sa taille et ses modèles de rotation. Notamment, sa période orbitale ultra-courte, d'environ 17 heures, offre une opportunité unique d'investigation scientifique, fournissant des informations sur la dynamique planétaire dans des conditions extrêmes.

Un aspect notable de SPECULOOS-3b est son absence d'atmosphère, une caractéristique qui le distingue de nombreuses autres exoplanètes. Bien que cela présente des défis pour l'habitabilité potentielle, cela offre également aux scientifiques une opportunité intrigante d'étudier les effets du rayonnement stellaire extrême sur les atmosphères planétaires. “De plus, l'absence d'atmosphère fait de SPECULOOS-3b un candidat idéal pour des observations détaillées à l'aide d'instruments avancés comme le télescope spatial James Webb (JWST)”, conclut la même source. 








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