C’est une décision que beaucoup qualifient d’historique. La Commission des stupéfiants des Nations Unies (CND), organe qui définit les substances considérées comme des drogues dans le droit international, a adopté mercredi 2 décembre un certain nombre de décisions qui ont entraîné des changements dans la manière dont le cannabis est réglementé au niveau international, y compris son reclassement hors de la catégorie des drogues les plus dangereuses. L’élément déterminant qui a manifestement catalysé ce changement s’incarne dans 6 recommandations formulées en janvier 2019 par l’Organisation Mondiale de la Santé concernant l’inscription du cannabis dans les traités des Nations Unies sur le contrôle des drogues. Alors que les propositions devaient à l’origine être votées lors de la session de mars 2019 de la CND, de nombreux pays avaient demandé plus de temps pour étudier les approbations et définir leurs positions.
Un vote très serré
Après examen des 6 recommandations, les 53 États membres de la CND ont finalement voté pour un retrait du cannabis des listes de contrôle les plus strictes - où il a figuré pendant 59 ans - qui décourageaient même son utilisation à des fins médicales. Avec un vote très serré de 27 voix « pour », 25 « contre » et une abstention, la CND a « ouvert la voie à la reconnaissance du potentiel médicinal et thérapeutique de cette drogue récréative couramment utilisée, mais encore largement illégale », souligne un communiqué de l’ONU. À noter que le Maroc figure parmi les pays qui ont voté pour ce retrait du cannabis de l’annexe IV de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, où il figurait aux côtés d’opioïdes mortels et toxicomanogènes, dont l’héroïne. Le Royaume est par ailleurs le seul pays de la région MENA à avoir voté « pour », contrairement à l’Algérie, l’Egypte, l’Irak, la Libye et la Turquie qui ont tous voté « contre ».
Nouvelles perspectives
Parmi les points sur lesquels ont porté les recommandations de l’OMS figure le cannabidiol (CBD) - un composé non-toxique – qui n’est pas soumis aux contrôles internationaux. « Le CBD a pris une place prépondérante dans les thérapies de bien-être ces dernières années, et a suscité une industrie d’un milliard de dollars », souligne le communiqué de l’ONU. À l’heure actuelle, plus de 50 pays ont adopté des programmes relatifs au cannabis médicinal, tandis que le Canada, l’Uruguay et 15 États américains ont légalisé son usage récréatif. Le Mexique et le Luxembourg sont sur le point de devenir troisième et quatrième pays à le faire. La décision de retirer le cannabis de l’annexe IV de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, pourrait également permettre « des recherches scientifiques supplémentaires sur les propriétés médicinales de la plante, annoncées depuis longtemps, et agir comme un catalyseur pour que les pays légalisent la drogue à usage médical et reconsidèrent les lois sur son usage récréatif », précise le communiqué.
Le cannabis au Maroc
« On ne peut évidemment pas prendre à la légère le sujet de la consommation du cannabis qui peut s’avérer comme un prélude à la consommation d’une drogue plus dangereuse. Cela dit, la tendance va actuellement vers la l’instauration d’une cadre légal pour la gestion de son usage, sans franchir le pas de la dépénalisation » contextualise Dr Allal Amraoui, chirurgien et député Istiqlalien. « Il faudrait au Maroc un cadre légal et réglementaire sur ce sujet, car la répression seule a montré son inefficacité. Elle est injuste dans notre contexte. Il serait plus rentable, en termes de santé publique, d’être plus efficace dans la lutte contre le tabagisme qui fait plus de dégâts et qui est la porte d’entrée vers la consommation du cannabis », souligne Dr Amraoui. « Il y a également l’aspect relatif à l’usage thérapeutique et celui de la recherche scientifique qu’il faut prendre en considération. Le Parti de l’Istiqlal a, par le passé, déjà pris l’initiative de lancer un débat sur ce sujet complexe. Aujourd’hui, nous gagnerons tous si ce débat se faisait sereinement, loin de toutes polémiques politiciennes stériles », conclut-il.
Après examen des 6 recommandations, les 53 États membres de la CND ont finalement voté pour un retrait du cannabis des listes de contrôle les plus strictes - où il a figuré pendant 59 ans - qui décourageaient même son utilisation à des fins médicales. Avec un vote très serré de 27 voix « pour », 25 « contre » et une abstention, la CND a « ouvert la voie à la reconnaissance du potentiel médicinal et thérapeutique de cette drogue récréative couramment utilisée, mais encore largement illégale », souligne un communiqué de l’ONU. À noter que le Maroc figure parmi les pays qui ont voté pour ce retrait du cannabis de l’annexe IV de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, où il figurait aux côtés d’opioïdes mortels et toxicomanogènes, dont l’héroïne. Le Royaume est par ailleurs le seul pays de la région MENA à avoir voté « pour », contrairement à l’Algérie, l’Egypte, l’Irak, la Libye et la Turquie qui ont tous voté « contre ».
Nouvelles perspectives
Parmi les points sur lesquels ont porté les recommandations de l’OMS figure le cannabidiol (CBD) - un composé non-toxique – qui n’est pas soumis aux contrôles internationaux. « Le CBD a pris une place prépondérante dans les thérapies de bien-être ces dernières années, et a suscité une industrie d’un milliard de dollars », souligne le communiqué de l’ONU. À l’heure actuelle, plus de 50 pays ont adopté des programmes relatifs au cannabis médicinal, tandis que le Canada, l’Uruguay et 15 États américains ont légalisé son usage récréatif. Le Mexique et le Luxembourg sont sur le point de devenir troisième et quatrième pays à le faire. La décision de retirer le cannabis de l’annexe IV de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, pourrait également permettre « des recherches scientifiques supplémentaires sur les propriétés médicinales de la plante, annoncées depuis longtemps, et agir comme un catalyseur pour que les pays légalisent la drogue à usage médical et reconsidèrent les lois sur son usage récréatif », précise le communiqué.
Le cannabis au Maroc
« On ne peut évidemment pas prendre à la légère le sujet de la consommation du cannabis qui peut s’avérer comme un prélude à la consommation d’une drogue plus dangereuse. Cela dit, la tendance va actuellement vers la l’instauration d’une cadre légal pour la gestion de son usage, sans franchir le pas de la dépénalisation » contextualise Dr Allal Amraoui, chirurgien et député Istiqlalien. « Il faudrait au Maroc un cadre légal et réglementaire sur ce sujet, car la répression seule a montré son inefficacité. Elle est injuste dans notre contexte. Il serait plus rentable, en termes de santé publique, d’être plus efficace dans la lutte contre le tabagisme qui fait plus de dégâts et qui est la porte d’entrée vers la consommation du cannabis », souligne Dr Amraoui. « Il y a également l’aspect relatif à l’usage thérapeutique et celui de la recherche scientifique qu’il faut prendre en considération. Le Parti de l’Istiqlal a, par le passé, déjà pris l’initiative de lancer un débat sur ce sujet complexe. Aujourd’hui, nous gagnerons tous si ce débat se faisait sereinement, loin de toutes polémiques politiciennes stériles », conclut-il.
Oussama ABAOUSS
3 questions à Karim Anegay, écologiste
Karim Anegay
« Une potentielle légalisation permettrait de réduire l’impact social du cannabis »
Ancien directeur du programme « Introduction et développement des cultures alternatives dans le Rif » et écologiste de formation, Karim Anegay a répondu à nos questions.
- Comment le cannabis est-il passé au giron de l’illégal ?
- La diabolisation du cannabis en Occident date des années 30 du siècle dernier, quand de grandes compagnies américaines tirant profit de la cellulose du bois et de la fabrication de fibres synthétiques ont mené une campagne contre leur seul ennemi naturel : le chanvre. Cette campagne a conduit, 30 ans plus tard, à l’édiction de la Convention unique des Nations Unies sur les stupéfiants que le Maroc a ratifiée en 1966 et qui interdit la culture du « cannabis dont la résine n’a pas été extraite ».
- Quelles conséquences aurait une éventuelle légalisation du cannabis au Maroc ?
- Une potentielle légalisation permettrait de réduire l’impact social du cannabis en le rendant banal, donc beaucoup moins attractif, et en instaurerait aussi un contrôle de qualité qui éliminerait le danger apporté par des variétés aberrantes. Par ailleurs, la pression sur les écosystèmes patrimoniaux du Rif se verrait forcément amoindrie, car il n’y aurait évidemment plus aucune raison de pratiquer cette culture en montagne quand des plaines beaucoup plus riches pourraient les accueillir avec de meilleurs rendements.
- Le cannabis est-il dangereux socialement ?
- Oui. Être (beaucoup) moins dangereux que tabac ou alcool pour la santé ne veut pas dire que cette substance n’a pas d’impact négatif, il serait irresponsable de l’affirmer. Surtout que l’illégalité de sa production interdit les contrôles de qualité, avec pour corollaire que de nouvelles variétés à concentration exagérée en THC puissent présenter le même danger que l’alcool frelaté vendu sous le manteau là où l’alcool est prohibé. Par ailleurs, dans le Rif, une « fatalité » de la plantation du cannabis est devenue dangereuse socialement pour la jeunesse locale qui préfère verser dans cette « facilité » que penser un réel développement de la région.
Ancien directeur du programme « Introduction et développement des cultures alternatives dans le Rif » et écologiste de formation, Karim Anegay a répondu à nos questions.
- Comment le cannabis est-il passé au giron de l’illégal ?
- La diabolisation du cannabis en Occident date des années 30 du siècle dernier, quand de grandes compagnies américaines tirant profit de la cellulose du bois et de la fabrication de fibres synthétiques ont mené une campagne contre leur seul ennemi naturel : le chanvre. Cette campagne a conduit, 30 ans plus tard, à l’édiction de la Convention unique des Nations Unies sur les stupéfiants que le Maroc a ratifiée en 1966 et qui interdit la culture du « cannabis dont la résine n’a pas été extraite ».
- Quelles conséquences aurait une éventuelle légalisation du cannabis au Maroc ?
- Une potentielle légalisation permettrait de réduire l’impact social du cannabis en le rendant banal, donc beaucoup moins attractif, et en instaurerait aussi un contrôle de qualité qui éliminerait le danger apporté par des variétés aberrantes. Par ailleurs, la pression sur les écosystèmes patrimoniaux du Rif se verrait forcément amoindrie, car il n’y aurait évidemment plus aucune raison de pratiquer cette culture en montagne quand des plaines beaucoup plus riches pourraient les accueillir avec de meilleurs rendements.
- Le cannabis est-il dangereux socialement ?
- Oui. Être (beaucoup) moins dangereux que tabac ou alcool pour la santé ne veut pas dire que cette substance n’a pas d’impact négatif, il serait irresponsable de l’affirmer. Surtout que l’illégalité de sa production interdit les contrôles de qualité, avec pour corollaire que de nouvelles variétés à concentration exagérée en THC puissent présenter le même danger que l’alcool frelaté vendu sous le manteau là où l’alcool est prohibé. Par ailleurs, dans le Rif, une « fatalité » de la plantation du cannabis est devenue dangereuse socialement pour la jeunesse locale qui préfère verser dans cette « facilité » que penser un réel développement de la région.
Recueillis par O. A.
Encadré
Histoire : La culture du chanvre au Maroc à travers les époques
Si le chanvre a été déjà transporté sur les côtes méditerranéennes par les Phéniciens, le « cannabis » n’a véritablement pris pied au Maghreb que lors des conquêtes arabes. « Jusqu’au XIXème siècle, l’usage du kif semble avoir été limité, au Maroc, aux confréries soufies, pour lesquelles l’usage du cannabis et de ses dérivés constituait un rituel mystique. Il est fait mention de l’utilisation de cette plante pour ses vertus psychotropes par Al-Badisi ou Léon l’Africain », raconte Karim Anegay. À la fin du XIXème siècle, le sociologue français Auguste Moulieras signalait que le kif était produit dans le Rif, dans les territoires limités de la tribu des Béni Khaled. « De même, plusieurs sources arguent qu’à la même époque une autorisation aurait été donnée par le sultan Moulay Hassan à cinq douars de Kétama et Béni Khaled dans le pays Senhaja pour cultiver le kif. Le chanvre n’était cependant pas cultivé uniquement dans cette « région des cinco », comme l’appelaient les Espagnols, mais aussi autour de Sefrou dans le Moyen Atlas et de Marrakech, où des variétés textiles étaient particulièrement renommées », poursuit Karim Anegay. Le protectorat français, pour sa part, fit en sorte que la conférence d’Algeciras, en son article 73, l’autorise à établir la Régie des Tabacs et du Kif. « Ainsi, alors que le cannabis était prohibé en métropole dès 1916, les Français décidèrent d’établir une zone au Nord de Fès, dans laquelle la culture du kif était permise, et le cannabis ne fut définitivement interdit qu’en 1954, soit deux ans avant l’indépendance ».
Si le chanvre a été déjà transporté sur les côtes méditerranéennes par les Phéniciens, le « cannabis » n’a véritablement pris pied au Maghreb que lors des conquêtes arabes. « Jusqu’au XIXème siècle, l’usage du kif semble avoir été limité, au Maroc, aux confréries soufies, pour lesquelles l’usage du cannabis et de ses dérivés constituait un rituel mystique. Il est fait mention de l’utilisation de cette plante pour ses vertus psychotropes par Al-Badisi ou Léon l’Africain », raconte Karim Anegay. À la fin du XIXème siècle, le sociologue français Auguste Moulieras signalait que le kif était produit dans le Rif, dans les territoires limités de la tribu des Béni Khaled. « De même, plusieurs sources arguent qu’à la même époque une autorisation aurait été donnée par le sultan Moulay Hassan à cinq douars de Kétama et Béni Khaled dans le pays Senhaja pour cultiver le kif. Le chanvre n’était cependant pas cultivé uniquement dans cette « région des cinco », comme l’appelaient les Espagnols, mais aussi autour de Sefrou dans le Moyen Atlas et de Marrakech, où des variétés textiles étaient particulièrement renommées », poursuit Karim Anegay. Le protectorat français, pour sa part, fit en sorte que la conférence d’Algeciras, en son article 73, l’autorise à établir la Régie des Tabacs et du Kif. « Ainsi, alors que le cannabis était prohibé en métropole dès 1916, les Français décidèrent d’établir une zone au Nord de Fès, dans laquelle la culture du kif était permise, et le cannabis ne fut définitivement interdit qu’en 1954, soit deux ans avant l’indépendance ».
Repères
Une plante multi-usages
Le chanvre est originaire de l’Asie Centrale. Il a été cultivé depuis des milliers d’années pour des usages très divers et notamment pour la production de papier (la bible de Gutenberg a été imprimée sur papier chanvre), de textile, de cordage et voilage de navires. La plante utilisée en tant que drogue récréative avait également des applications médicales multiples. Les Arabes l’utilisaient pour l’impression de livres, pour la médecine et pour les usages textiles (canevas vient du mot arabe pour cannabis : qannab).
L’avis de Prohibition Partners
Si le commerce du cannabis venait à être légalisé, le Maroc pourrait gagner près de 944 millions de dollars dès la première année. Cette estimation a été faite par des experts de Prohibition Partners, une société britannique spécialisée dans le consulting pour le marché du cannabis. Selon la même source, relayée par le quotidien Al Massae, 90.000 à 140.000 familles vivent de la culture et de la commercialisation du cannabis dans le Nord du Maroc. Cette activité emploierait environ 800.000 personnes.