Ainsi, la prime pour le vainqueur et champion du Maroc est passée de 3 millions de dirhams à 6 millions de dirhams. Cela peut être très favorable pour les formations habituées au haut de tableau, et pourrait leur permettre d’asseoir leur domination.
Cette prime équivaut désormais à un quart de la somme réservée au vainqueur de la Ligue des champions de la CAF (2,5 millions de dollars), et elle est à peu près égale au montant perçu pour les droits de retransmission télévisuels par club.
Des droits télévisuels qui plafonnent à cause du monopole
S’il y a environ dix ans, la chaîne qatarie Al Jazeera Sport avait proposé 400 millions de dirhams annuels pour acheter les droits télévisuels de la Botola (offre refusée du fait que les relations étaient tendues entre l’État marocain et la chaîne), la détentrice des droits de diffusion des matches du championnat marocain de football est, depuis plusieurs années, la Société nationale de la radio et de la télévision (SNRT). Cela pousse à croire que la SNRT détient le monopole des droits TV, pour des questions de souveraineté d’une part, et par peur de pénaliser la chaîne et ses filiales d’autre part. La chaîne publique diffuse la Botola notamment grâce à sa filiale, la chaîne sportive Arryadia. Cependant, il n’est pas exclu que la SNRT fasse un effort pour augmenter le montant alloué aux droit TV, un domaine qui souffre du manque de libéralisation.
Autre point à améliorer : la qualité de diffusion des rencontres de football, qui sont filmées au Maroc uniquement avec deux voire trois caméras. Il en nécessiterait au moins une dizaine pour garantir une qualité de diffusion à la hauteur des attentes. Cela pousserait d’ailleurs les annonceurs à afficher leurs publicités dans les stades de football, eux qui sont encore assez réticents à le faire, et sachant que cela constitue un manque à gagner pour la Ligue.
Des contrats de sponsoring à la hausse
À l’image de ce qui est en vigueur dans les championnats étrangers, européens notamment, la Botola applique la règle du « naming compétition » depuis 2015, et le sponsoring à hauteur de 33 millions de dirhams annuels de Maroc Telecom pour la période 2015-2019. Le championnat marocain applique la même pratique que la Ligue 1 Uber Eats en France, ou que LaLiga EA Sports en Espagne. Aujourd’hui c’est le concurrent Inwi, géant du secteur de la télécommunication qui a repris ce contrat depuis la saison 2020-2021. Nous ne disposons pas du montant de ce dernier mais pouvons assurer qu’il contribue en grande partie à la bonne santé financière du championnat national et de la Coupe du trône.
Il faut par ailleurs spécifier que si la fédération reverse la quasi-totalité des droits de diffusion et des recettes de contrats de sponsoring aux clubs de nos jours, cela n’a pas toujours été le cas.
Des salaires en constante inflation, incomparables à ceux d’il y a une décennie
Dans les années 90, un joueur pouvait toucher un salaire aux alentours de 3 000 dirhams. Dans les années 2010, ce salaire est monté à 10 000 dirhams pour un joueur moyen, et jusqu’à 45 000 dirhams pour un joueur star, sans compter les primes à la signature qui ont fait un bon considérable. Ceci n’est en rien comparable à aujourd’hui, les joueurs de football de la Botola Pro Inwi peuvent toucher une somme astronomique allant jusqu’à 1 million de dirhams mensuels, sans compter les primes. Certains éléments qui ne jouent pas ou très peu ont un salaire mensuel de 300 000 dirhams. Les salaires représentent évidemment encore aujourd’hui la partie la plus importante du budget des clubs.
De leur côté, les entraîneurs ne sont pas à plaindre, lorsqu’on sait qu’un technicien comme Marc Wilmots, le Belge passé par le Raja en 2021, recevait une rémunération de 400 000 dirhams mensuels pour ses services. Le technicien était à l’époque l’entraîneur le mieux payé du royaume.
Les valeurs marchandes des joueurs en explosion
Au début des années 2010, un transfert important dans la D1 marocaine pouvait être estimé à 1,5 million de dirhams voire maximum à 2 millions de dirhams. Aujourd’hui, la valeur marchande des joueurs au sein de la Botola a explosé. Dans le top 10 des joueurs les plus chers du championnat du Maroc, selon le site spécialisé transfermarkt, quatre des joueurs dont la valorisation est la plus élevée sont issus du Wydad AC, trois évoluent au Raja, deux appartiennent à l’AS FAR, et un seul élément évolue au MAS de Fès. Fait non anodin, tous ces joueurs sont marocains à l’exception de deux d’entre eux.
Ainsi, à titre d’exemple, occupant la première marche du podium, le gardien de but de l’AS Far El Mehdi Benabid a une valeur estimée à 1,70 million d’euros, en deuxième position vient le milieu défensif Yahya Jabrane qui ne vaut pas moins d’1,5 million d’euros et les troisième ex aequo à ce niveau ne sont autres que l’ailier algérien Yousri Bouzok et le milieu défensif Mohamed Rabie Hrimat, qui ont une valeur de 1,40 million d’euros sur le marché des transferts.
Une professionnalisation qui tarde encore à se mettre en place
Si, en 2010, en vue de professionnaliser le championnat national, la loi sur l’éducation physique et sportive a été modifiée pour permettre aux clubs de créer leurs propres sociétés, sous forme de SA, cela tarde encore à se faire.
D’abord, la réforme a mis un certain temps à se mettre en place, sachant qu’il faut répondre à une des trois règles établies par l’article 15 de la loi.
Ensuite, les clubs n’étaient pas tous désireux d’opérer cette transformation, certains présidents de club craignant de voir leurs intérêts mis à mal. Sous la pression du patron de la FRMF, Fouzi Lekjaâ, la plupart des clubs ont enfin entamé leur mue.
Cependant, certaines institutions ont contourné la règle en mettant en place un schéma selon lequel le club acquiert 99% de la SA, puis lègue le dernier 1% au président ou à un proche du club. Cela prouve que nous sommes encore loin d’un modèle économique où les équipes vivent de leurs bénéfices et fonctionnent comme des entreprises.
À noter qu’il s’agit là d’une période de transition que beaucoup de pays ont déjà traversée avant nous. Les années à venir nous éclaireront encore un peu plus sur la viabilité économique de la Botola Pro D1.