Introduction
Les élections prévues cette année, le 8 septembre 2021, sont, à plus d’un titre, déterminantes dans le paysage politique national. Elles se dérouleront suite à la publication du rapport du nouveau modèle de développement, réalisé par la commission chargée de sa conception.
Les élections devraient déboucher, a priori, sur le renouvellement des deux chambres du parlement et des collectivités locales et régionales. A traves les urnes, les citoyens sont appelés à exprimer leur volonté et faire valoir leur responsabilité. Une des questions majeures, qui se pose à la veille de cette échéance électorale, est celle de la quasi-absence de confiance, laquelle absence se traduit par une crise à tous les niveaux.
Le climat actuel est caractérisé par un sentiment public de déception envers les institutions, les instances politiques, syndicales et économiques, voire, parfois même, envers les structures de la société civile. Le désengagement de l’Etat des services publics, la lassitude, la morosité, la régression du civisme et les forts taux d'abstention, lors des dernières élections,… ont plombé l'état d'esprit du pays et ont dominé les sentiments positifs comme la sérénité, l'enthousiasme ou la confiance.
Fragile, cette dernière est en soi dégradée par les sentiments négatifs. C’est une réalité vécue aujourd’hui par un grand nombre de citoyens appartenant à toutes les catégories sociales.
La vulnérabilité socioprofessionnelle mine la confiance sociale et affecte directement la confiance politique. La fragilité et les épreuves induisent le pessimisme à l’égard de la société, d’autant plus facilement jugée dure et injuste. Le mouvement de défiance progresse au fil du temps et prend de plus en plus d’ampleur sous l’effet d’une perte d’efficience des politiques publiques.
Celles-ci sont incapables d’atténuer significativement les inégalités de la répartition de la richesse nationale et de résoudre les problèmes de fond qu’elles sont censées traiter, notamment ceux se rapportant à l’emploi et à la gouvernance des secteurs publics (justice, éducation, administration et santé).
Le phénomène de défiance, par les temps qui courent, n’est, certes, pas l’apanage du contexte marocain seul. Il se manifeste, sous de nombreux autres cieux, eu égard à l’écart grandissant entre les élites et le grand public et au degré de suspicion ressentie par les citoyens envers leurs représentants politiques.
Confiance, méfiance et défiance
La confiance est le fondement et le préalable à toute action de développement, sans laquelle rien ne peut être envisagé et mis en œuvre. C’est un ressort fondamental de l’action sociale, le béton de la société qui fait tout tenir et qui permet aux citoyens de se souder ensemble. La confiance est un rapport pratique au monde, à l’environnement matériel, aux autres et aux institutions. C’est la force de liaison sociale élémentaire et le fondement de la cohésion sociale, principal facteur immatériel de production.
Cependant, la confiance ne se décrète pas. Elle se construit en étant fondée sur un certain nombre d’hypothèses. C’est un pari sur les comportements attendus. Elle comporte, en elle, un principe d’incertitude. Les citoyens donnent leur confiance aux personnes et aux organisations qui les représentent dans le cadre d’un contrat social.
C’est le produit, donc, d’une relation réciproque entre gouvernants et gouvernés, le résultat de l’adéquation entre les préférences des citoyens et l’action de la puissance publique en matière de politiques gouvernementales. Si la confiance est acquise, elle procure une croyance aux autres et inspire des sentiments positifs réciproques. Si on promet, on a des obligations morales vis-à-vis des autres. La confiance a ceci de contractuel qu’elle nous lie à l’autre, mais en ménageant, tout de même, une marge de liberté qui autorise à se retirer à tout moment.
En matière politique, comme en économie, il existe également un rapport d’utilité dans la confiance. Celle-ci se construit essentiellement, mais pas seulement, au travers des calculs d’intérêts ou de coûts/bénéfices. C’est cette disposition à croire que la personne en qui on fait confiance fait le nécessaire pour prendre en compte le nôtre. C’est la posture dite gagnant/gagnant.
C’est un pari calculé sur l’autre avec, dans une situation idéale, de bonnes chances pour tous les deux d’en sortir gagnants. Cela implique, donc, de s’ouvrir à l’autre et de se placer en situation de vulnérabilité. La confiance n’a donc rien de passif. C’est un acte performatif, une action qui crée son propre résultat. En pariant sur la confiance, on crée une dynamique qui influence le résultat final.
Si la confiance est par contre rompue, la méfiance la remplace. C’est un état dans lequel on a des expériences négatives qui nous empêchent d’avoir des rapports normaux et sereins avec l’autre. Cependant, tout en étant méfiant, on continue à respecter les règles, les lois et à entretenir des relations personnelles et citoyennes en société.
De la méfiance, on peut basculer vers la défiance. Celle-ci est une posture plus radicale dans laquelle on ne fait plus, du tout, confiance et on décide de se rebeller contre les institutions, le gouvernement, la justice, etc. C’est un état qui peut aller jusqu’à la désobéissance civile.
La confiance sociale semble structurellement faible dans notre société. La défiance est devenue, désormais, une donnée cruciale de la vie politique nationale. La crise est marquée par une érosion significative de la confiance politique qui affecte les institutions et le personnel politique.
A l’égard du politique, elle provient, d’une manière combinée, du déficit de performances de l’action publique et de la crise de valeurs. Bon nombre de citoyens expriment, en effet, des sentiments de méfiance, voire parfois de dégoût, allant même jusqu’au rejet net du politique et des institutions représentatives. Ils les considèrent souvent comme étant mensongères ou malhonnêtes. Les responsables politiques, de tous bords, sont perçus par les citoyens comme indifférents, éloignés de leurs attentes, vieillots, intéressés par leurs propres affaires, voire, pour la plupart d’entre eux, corrompus.
Les clivages idéologiques, les manigances de la plupart des partis politiques, les alliances contre nature et les affrontements électoraux sont jugés négativement en raison même de leur conflictualité et de la perte de temps et de ressources qu’ils induisent. Une majorité d’électeurs ne croit plus aujourd’hui aux promesses démagogiques des candidats aux élections. Les électeurs rejettent massivement les hommes et les femmes politiques et nourrissent un scepticisme vis-à-vis des programmes électoraux et de leurs marqueurs idéologiques. Ils ne savent pas à quel saint se vouer, ni à qui confier leur suffrage afin d’agir en leur nom. Confier à quelqu'un le soin de gouverner est le propre de la démocratie représentative.
La confiance globale exige un double sentiment de performance et d’adéquation normative de l’action publique. Elle exige un accord sur les principes qui l’animent et une évaluation positive de ses réalisations. Pour le reste, une évaluation relativement positive sur l’efficacité des politiques publiques ne suffit pas à établir la confiance, en l’absence d’un accord sur les principes sur lesquels elles sont fondées ou lorsque s’instaure un sentiment de transgression par les acteurs politiques des codes de conduite et des normes qui régissent ou devraient régir la vie sociale.
C’est un sentiment de défiance institutionnelle qui prévaut dans cette configuration. Les mécanismes de transgression normative exercent les effets les plus profonds et les plus durables sur le rapport que les citoyens entretiennent avec la représentation politique.
Le rapport des citoyens aux politiques publiques est le plus souvent incrédule et désabusé, parfois même violemment critique, dans tous les cas, passif. Il s’inscrit sur un fond de scepticisme global vis-à-vis des institutions et de l’Administration. Celles-ci sont objet d’interrogations, de critiques, voire de suspicions. Les citoyens ont perdu confiance dans l’action publique, sur fond de détérioration de la qualité des services publics et de manque d’éthique et de probité des gestionnaires de la chose publique.
Au niveau de la gouvernance locale, le problème qui entrave le fonctionnement des différents mécanismes du développement territorial réside dans l’incapacité des acteurs élus à s’organiser et à travailler d’une manière opérationnelle et efficiente pour l’intérêt de la collectivité.
Les communes ne sont pas parvenues à résoudre les problèmes qui se posent à elles et à leurs habitants. Elles continuent à se confronter à des problèmes d’ordre structurel et de gouvernance. C’est là où réside la plus grande défaillance du système local, censé assurer des avancées significatives sur les plans économique, social et culturel et au niveau également de la démocratie.
Pour ce qui est du personnel politique, le rejet est d’autant plus fort que dans les partis politiques, on ne trouve plus de personnages charismatiques et audacieux pour assurer le rôle de leadership. Les cercles et autres organes partisans ne font plus d’efforts en vue d’élaborer de vrais programmes électoraux et de jouer leur rôle d’encadrement des citoyens. Leurs représentants sont souvent perçus et qualifiés d’opportunistes qui ont seulement le goût du pouvoir et qui cherchent, avant tout, à occuper les premiers rangs des postes ministériels ou au sein de la haute administration.
Certains n’hésitent guère à migrer d’une organisation politique à une autre, parfois de nature idéologique opposée en vue d’arriver à leur fin ! Lorsqu’ils y parviennent et sont dans la conduite des affaires publiques, ils font en sorte de satisfaire d’abord leurs intérêts personnels avant l’intérêt général. Outre l’oubli des promesses électorales, on enregistre des revirements de leurs discours liés à la participation au pouvoir ou même à l’opposition.
Comment peut-on restaurer la valeur-confiance dans l’avenir ?
Dans un tel environnement, comment faire revenir cette valeur cardinale des citoyens en leurs élites ? Comment instituer la confiance entre l’Etat et les corps intermédiaires qui structurent la société ? Comment recouvrir et bâtir plus fortement une confiance rétablissant le levier du développement global ?
La disparition de la confiance condamne la société à l’impuissance et à l’incapacité, en l’absence de la dynamique que celle-ci permet d’insuffler, de se réformer. Dans une situation de défiance, la société se trouve, par la force des choses, paralysée. Elle ne peut oxygéner son fonctionnement que par la confiance. Or, cette dernière a quasiment disparu, comme signalé plus haut, au profit de la défiance.
La société de défiance exige, avant tout, des élites un travail sur elles-mêmes comme préalable à l’enclenchement du processus de réformes au profit des citoyens. Un nouvel engagement d’une élite renouvelée envers ces derniers s’impose pour les rassurer et s’orienter vers des pistes de reconstruction de la confiance. La reconquête devrait se prononcer en faveur de l’émergence de nouvelles forces sur lesquelles on s’appuierait pour favoriser un nouvel équilibre dans la société. La méritocratie, l’exemplarité, l’empathie, l’abnégation et le sens de responsabilité sont, dans cette perspective, autant de valeurs déterminantes pour le changement souhaité. Elles représentent, dans le cadre d’un contrat social, les piliers sur lesquels se fondent les bases de la société de confiance.
La crise épineuse d’absence de la confiance devrait, à tout prix, être résolue. Sans véritable solution à cette problématique, aucun climat ne sera propice pour la traduction, dans les faits, des ambitions et de la mise en œuvre des mesures de réforme du nouveau modèle de développement. Rien de concret ne peut voir le jour sans un socle de confiance susceptible de dynamiser les interactions des acteurs engagés dans la transformation sociétale.
Une société en bonne santé, en cohésion en son sein et à l’échelle nationale, devrait compter sur une large majorité de citoyens qui partagent les mêmes valeurs et qui ont confiance dans les lois, les institutions, le gouvernement, la justice, le système économique et en leurs représentants. La tâche de redonner confiance dans la société n’est pas une tâche aisée, ni de tout repos.
Le pari paraît, dans le contexte actuel, difficile à surmonter, car, pour se reconstruire, la confiance a besoin de temps. Le travail est de longue haleine et exige la prise suffisante de conscience par les citoyens, le changement des mentalités, le déploiement des réformes et la maturation de la démocratie. La légitimité et la crédibilité des politiques et de leurs instances s’acquièrent, auprès des citoyens, à l’épreuve du temps. La confiance se gagne par gouttes, mais, elle se perd, dans les époques turbulentes, par litres.
L’avenir n'est malheureusement plus envisagé avec confiance et la capacité à s'y projeter positivement se trouve, hélas, bien faible. Cette projection dans l’avenir s’est davantage complexifiée avec la crise sanitaire de la Covid 19. La pandémie a, en effet, montré que l’horizon est semé d’incertitudes sur tous les plans. Jamais le champ de la prospective n’a été aussi brouillé que dans le temps qui court.
Mais, la pandémie a révélé aussi que l’avenir devrait être envisagé avec une vision reposant sur de nouveaux paradigmes visant sa construction sur la base d’une croyance en un destin collectif, marqué par la solidarité, la sérénité, l'enthousiasme et la qualité de vie. La crise sanitaire a, par ailleurs, rappelé que nous sommes interdépendants. C’est pourquoi nous cherchons à rétablir des relations de confiance dans le secteur sanitaire qui appartient à la sphère du bien commun public.
La confiance exige, donc, de s’outiller intellectuellement et techniquement pour se doter de la capacité nécessaire à se projeter positivement dans l'avenir. Dans cette perspective, le retour à une confiance significative pour les citoyens devrait privilégier l’essor des différents secteurs publics, ceux notamment du développement social, de l’emploi, de la santé, de la justice, de l’éducation et de la culture.
Le récent Projet de généralisation de la protection sociale à tous les Marocains, dans un délai de cinq années, est susceptible d’injecter une dose de confiance dans l’avenir. Pour de millions de citoyens, la réforme de la couverture maladie, les allocations familiales, les pensions de retraite et les indemnités de perte d’emploi, induiront indéniablement des changements réels dans le secteur social qui a besoin d’un saut qualitatif avec une meilleure redistribution des richesses disponibles au profit des populations les plus démunies.
Il est sain de compter, dans cette optique, sur tous les citoyens, en appuyant leur participation inclusive et en créant un environnement où tout le monde peut se faire entendre, en particulier les jeunes, les femmes et les acteurs de la société civile.
Cet engagement pour un avenir meilleur devrait toucher également les contestataires du système, ainés et jeunes, qui remettent en question des règles et des décisions des gouvernants et institutions. Il faudra mieux entendre leurs discours et comprendre leurs messages pour aller de l’avant dans la construction de la société et exaucer le souhait de l’ensemble des citoyens d’en faire pleinement partie.
C’est par cette voie d’ouverture, d’écoute et d’accomplissement de projets porteurs de valeurs et innovants qu’il sera possible de rétablir la confiance mutuelle et remédier à son déficit. L’écoute, l’entraide, la résilience et la construction d’une forme d’intelligence collective sont la clef d’un futur moins imprévisible, plus optimiste.
C’est la dialectique entre confiance et défiance qui assure l’énergie et la vitalité de la société. Ce sont des ressorts fondamentaux de la vie démocratique se déployant sur un horizon éthique. Celui-ci exige un vrai projet de transformation sociale pour susciter l’adhésion et la conviction. Ces dernières seront d’autant plus renforcées au fur et à mesure que les problèmes, posés à la société en termes d’inégalités économiques, sociales, territoriales, culturelles et politiques, seraient résolus.
Dans ce contexte, marqué par un manque de visibilité, certaines voix commencent à se lever, émanant de milieux de sensibilités politiques diverses, pour faire entendre que le dépassement des problématiques actuelles passerait plutôt par le court-circuitage des partis politiques, des syndicats, des élus et de la société civile et l’instauration d’un système technocratique provisoire qui prendrait en charge l’ensemble des missions et fonctions régaliennes de l’Etat. On suggère que cette orientation soit de nature dirigiste et autoritaire pour pouvoir aller vite en besogne et assurer l’efficience des stratégies, programmes et projets sociétaux.
Les porteurs de ce discours semblent s’inscrire dans cette onde de choc populiste qui frappe aujourd’hui certains pays dans le monde. Ce sont des ‘’démocratures’’ qui récusent la liberté et qui considèrent que la démocratie et le libéralisme sont aujourd’hui des modèles obsolètes car antagonistes de l’aspiration profonde des peuples à défendre leur identité et leur sécurité.
Les voix en question au Maroc semblent, aussi, épatées par l’édification rapide des équipements, infrastructures et logistiques implantés, ces deux dernières décennies, sur un grand nombre de territoires et la réalisation des grands projets et chantiers en cours par la technocratie. Les porteurs de cette vision pensent que si l’on confie la chose publique à des technocrates compétents, on pourrait gagner du temps en empruntant des raccourcis dans l’accomplissement du processus de développement et du progrès.
La démocratie : une option et un moyen de combat
Un tel raisonnement représente, en fait, une menace à la démocratie. Celle-ci est vitale en politique. Un pouvoir légitime ne peut se passer de la légitimité du personnel politique et des mécanismes de contrôle et d’évaluation de son déploiement. La démocratie s’acquiert suite à de longues luttes des forces vives et à de longs apprentissages en la matière. Elle devient un acquis précieux pour le bon fonctionnement de la société.
Si on la perd, il serait difficile, par la suite, de la récupérer. Les politiques qui s’installent au pouvoir pour une phase transitoire ont du mal à quitter leur fauteuil de commandement et résistent à tout changement. La démocratie se construit, pas à pas, comme dans le champ du développement global. Ce dernier n’est réellement fertile que lorsqu’il est irrigué par les ressources de la démocratie.
L’option franche et engagée dans cette voie garantit, par ailleurs, une bonne image de marque auprès des partenaires internationaux à système démocratique. En matière de coopération internationale, le respect des règles démocratiques et des droits humains, pour les partenaires, est un élément capital pour sa pérennité. Le système démocratique dans les grandes nations démocratiques est très regardant sur les mutations politiques de ses partenaires. Il a un œil permanent, en interne et en externe, sur le baromètre de confiance politique. Il est, par ailleurs, important de faire bonne figure dans ce domaine sur les classifications produites régulièrement par les observatoires internationaux.
La démocratie et le développement sont, en fait, deux entreprises qui ne peuvent se passer l’une de l’autre. Elles s’épaulent et s’émancipent mutuellement. La démocratie est le seul régime qui repose sur le consentement des citoyens. La confiance est la valeur cardinale de ce régime, représentant un modèle basé sur le vivant, construit sur le citoyen et fondé sur le partage des obligations comme des droits.
Comme système politique organisé, la démocratie garantit les valeurs de l’égalité des citoyens, exprimée par le suffrage universel, leur liberté, leur solidarité, à travers la protection sociale, et de la réciprocité symbolisée par le respect dû par chacun envers d’identiques contraintes légales.
S'il n'y a pas de meilleur régime que la démocratie, il y a, cependant, de nombreux motifs de doléances sur son fonctionnement. Les dysfonctionnements dans un régime démocratique entretiennent efficacement la méfiance et la défiance à l'encontre des acteurs politiques. Les résultats des élections sont souvent entachés d’une abstention massive et d’une défiance vis-à-vis des élites issues du suffrage.
Les citoyens attendent d’abord une égalité de droits et de traitement entre tous. Ils veulent des systèmes qui permettent d’avoir de l’égalité des chances et des ascenseurs sociaux pour pouvoir améliorer leur situation socio-économique. Ils veulent, pour cela, que leurs élus, locaux, régionaux et nationaux, soient compétents, sincères, soucieux, désintéressés, au service de la chose publique et de l’intérêt général.
Le projet sociétal devrait garantir dans la durée l’égalité des chances et le respect des droits humains par la consécration de la suprématie de la Loi et la reddition des comptes des responsables chargés de la gouvernance des affaires publiques. On ne saurait attendre des autres qu’un comportement qui reflète le nôtre à leur égard. L’ambition, les jeux de séduction et les conflits d’intérêt sont appréhendés comme une corruption en regard d’un tel idéal.
Nonobstant les fréquentes remises en cause, la démocratie n’a pas pour autant perdu la partie. C’est une option et un moyen de combat car l’aspiration à la liberté reste bien vivace dans la société. L’attachement à la démocratie demeure fort, notamment chez les citoyens de de la classe moyenne et de la jeunesse urbaine éduquée et connectée. Les réseaux sociaux permettent d’échanger, de communiquer et de correspondre en permanence avec une multitude de personnes et de se connecter à toutes sortes de sites d’information.
Conclusion
En somme, seul un horizon social et démocratique fort, au service du développement, est capable de créer une dynamique sociétale et renouer avec la société de confiance. Les aspirations des citoyens traduisent la profondeur et l’immensité de l’œuvre de transformation à mener pour mettre en place un modèle porteur d’espoir et de confiance.
La démocratie doit se ressaisir en démontrant que la liberté est parfaitement compatible avec le développement, la stabilité et la lutte contre les inégalités, en mettant en œuvre un modèle de croissance inclusive, socialement et économiquement soutenable et, surtout, en retrouvant la foi dans la valeur universelle de la liberté et le courage de la défendre, soit toutes les balises nécessaires pour la restauration de la confiance.
Les élections prévues cette année, le 8 septembre 2021, sont, à plus d’un titre, déterminantes dans le paysage politique national. Elles se dérouleront suite à la publication du rapport du nouveau modèle de développement, réalisé par la commission chargée de sa conception.
Les élections devraient déboucher, a priori, sur le renouvellement des deux chambres du parlement et des collectivités locales et régionales. A traves les urnes, les citoyens sont appelés à exprimer leur volonté et faire valoir leur responsabilité. Une des questions majeures, qui se pose à la veille de cette échéance électorale, est celle de la quasi-absence de confiance, laquelle absence se traduit par une crise à tous les niveaux.
Le climat actuel est caractérisé par un sentiment public de déception envers les institutions, les instances politiques, syndicales et économiques, voire, parfois même, envers les structures de la société civile. Le désengagement de l’Etat des services publics, la lassitude, la morosité, la régression du civisme et les forts taux d'abstention, lors des dernières élections,… ont plombé l'état d'esprit du pays et ont dominé les sentiments positifs comme la sérénité, l'enthousiasme ou la confiance.
Fragile, cette dernière est en soi dégradée par les sentiments négatifs. C’est une réalité vécue aujourd’hui par un grand nombre de citoyens appartenant à toutes les catégories sociales.
La vulnérabilité socioprofessionnelle mine la confiance sociale et affecte directement la confiance politique. La fragilité et les épreuves induisent le pessimisme à l’égard de la société, d’autant plus facilement jugée dure et injuste. Le mouvement de défiance progresse au fil du temps et prend de plus en plus d’ampleur sous l’effet d’une perte d’efficience des politiques publiques.
Celles-ci sont incapables d’atténuer significativement les inégalités de la répartition de la richesse nationale et de résoudre les problèmes de fond qu’elles sont censées traiter, notamment ceux se rapportant à l’emploi et à la gouvernance des secteurs publics (justice, éducation, administration et santé).
Le phénomène de défiance, par les temps qui courent, n’est, certes, pas l’apanage du contexte marocain seul. Il se manifeste, sous de nombreux autres cieux, eu égard à l’écart grandissant entre les élites et le grand public et au degré de suspicion ressentie par les citoyens envers leurs représentants politiques.
Confiance, méfiance et défiance
La confiance est le fondement et le préalable à toute action de développement, sans laquelle rien ne peut être envisagé et mis en œuvre. C’est un ressort fondamental de l’action sociale, le béton de la société qui fait tout tenir et qui permet aux citoyens de se souder ensemble. La confiance est un rapport pratique au monde, à l’environnement matériel, aux autres et aux institutions. C’est la force de liaison sociale élémentaire et le fondement de la cohésion sociale, principal facteur immatériel de production.
Cependant, la confiance ne se décrète pas. Elle se construit en étant fondée sur un certain nombre d’hypothèses. C’est un pari sur les comportements attendus. Elle comporte, en elle, un principe d’incertitude. Les citoyens donnent leur confiance aux personnes et aux organisations qui les représentent dans le cadre d’un contrat social.
C’est le produit, donc, d’une relation réciproque entre gouvernants et gouvernés, le résultat de l’adéquation entre les préférences des citoyens et l’action de la puissance publique en matière de politiques gouvernementales. Si la confiance est acquise, elle procure une croyance aux autres et inspire des sentiments positifs réciproques. Si on promet, on a des obligations morales vis-à-vis des autres. La confiance a ceci de contractuel qu’elle nous lie à l’autre, mais en ménageant, tout de même, une marge de liberté qui autorise à se retirer à tout moment.
En matière politique, comme en économie, il existe également un rapport d’utilité dans la confiance. Celle-ci se construit essentiellement, mais pas seulement, au travers des calculs d’intérêts ou de coûts/bénéfices. C’est cette disposition à croire que la personne en qui on fait confiance fait le nécessaire pour prendre en compte le nôtre. C’est la posture dite gagnant/gagnant.
C’est un pari calculé sur l’autre avec, dans une situation idéale, de bonnes chances pour tous les deux d’en sortir gagnants. Cela implique, donc, de s’ouvrir à l’autre et de se placer en situation de vulnérabilité. La confiance n’a donc rien de passif. C’est un acte performatif, une action qui crée son propre résultat. En pariant sur la confiance, on crée une dynamique qui influence le résultat final.
Si la confiance est par contre rompue, la méfiance la remplace. C’est un état dans lequel on a des expériences négatives qui nous empêchent d’avoir des rapports normaux et sereins avec l’autre. Cependant, tout en étant méfiant, on continue à respecter les règles, les lois et à entretenir des relations personnelles et citoyennes en société.
De la méfiance, on peut basculer vers la défiance. Celle-ci est une posture plus radicale dans laquelle on ne fait plus, du tout, confiance et on décide de se rebeller contre les institutions, le gouvernement, la justice, etc. C’est un état qui peut aller jusqu’à la désobéissance civile.
La confiance sociale semble structurellement faible dans notre société. La défiance est devenue, désormais, une donnée cruciale de la vie politique nationale. La crise est marquée par une érosion significative de la confiance politique qui affecte les institutions et le personnel politique.
A l’égard du politique, elle provient, d’une manière combinée, du déficit de performances de l’action publique et de la crise de valeurs. Bon nombre de citoyens expriment, en effet, des sentiments de méfiance, voire parfois de dégoût, allant même jusqu’au rejet net du politique et des institutions représentatives. Ils les considèrent souvent comme étant mensongères ou malhonnêtes. Les responsables politiques, de tous bords, sont perçus par les citoyens comme indifférents, éloignés de leurs attentes, vieillots, intéressés par leurs propres affaires, voire, pour la plupart d’entre eux, corrompus.
Les clivages idéologiques, les manigances de la plupart des partis politiques, les alliances contre nature et les affrontements électoraux sont jugés négativement en raison même de leur conflictualité et de la perte de temps et de ressources qu’ils induisent. Une majorité d’électeurs ne croit plus aujourd’hui aux promesses démagogiques des candidats aux élections. Les électeurs rejettent massivement les hommes et les femmes politiques et nourrissent un scepticisme vis-à-vis des programmes électoraux et de leurs marqueurs idéologiques. Ils ne savent pas à quel saint se vouer, ni à qui confier leur suffrage afin d’agir en leur nom. Confier à quelqu'un le soin de gouverner est le propre de la démocratie représentative.
La confiance globale exige un double sentiment de performance et d’adéquation normative de l’action publique. Elle exige un accord sur les principes qui l’animent et une évaluation positive de ses réalisations. Pour le reste, une évaluation relativement positive sur l’efficacité des politiques publiques ne suffit pas à établir la confiance, en l’absence d’un accord sur les principes sur lesquels elles sont fondées ou lorsque s’instaure un sentiment de transgression par les acteurs politiques des codes de conduite et des normes qui régissent ou devraient régir la vie sociale.
C’est un sentiment de défiance institutionnelle qui prévaut dans cette configuration. Les mécanismes de transgression normative exercent les effets les plus profonds et les plus durables sur le rapport que les citoyens entretiennent avec la représentation politique.
Le rapport des citoyens aux politiques publiques est le plus souvent incrédule et désabusé, parfois même violemment critique, dans tous les cas, passif. Il s’inscrit sur un fond de scepticisme global vis-à-vis des institutions et de l’Administration. Celles-ci sont objet d’interrogations, de critiques, voire de suspicions. Les citoyens ont perdu confiance dans l’action publique, sur fond de détérioration de la qualité des services publics et de manque d’éthique et de probité des gestionnaires de la chose publique.
Au niveau de la gouvernance locale, le problème qui entrave le fonctionnement des différents mécanismes du développement territorial réside dans l’incapacité des acteurs élus à s’organiser et à travailler d’une manière opérationnelle et efficiente pour l’intérêt de la collectivité.
Les communes ne sont pas parvenues à résoudre les problèmes qui se posent à elles et à leurs habitants. Elles continuent à se confronter à des problèmes d’ordre structurel et de gouvernance. C’est là où réside la plus grande défaillance du système local, censé assurer des avancées significatives sur les plans économique, social et culturel et au niveau également de la démocratie.
Pour ce qui est du personnel politique, le rejet est d’autant plus fort que dans les partis politiques, on ne trouve plus de personnages charismatiques et audacieux pour assurer le rôle de leadership. Les cercles et autres organes partisans ne font plus d’efforts en vue d’élaborer de vrais programmes électoraux et de jouer leur rôle d’encadrement des citoyens. Leurs représentants sont souvent perçus et qualifiés d’opportunistes qui ont seulement le goût du pouvoir et qui cherchent, avant tout, à occuper les premiers rangs des postes ministériels ou au sein de la haute administration.
Certains n’hésitent guère à migrer d’une organisation politique à une autre, parfois de nature idéologique opposée en vue d’arriver à leur fin ! Lorsqu’ils y parviennent et sont dans la conduite des affaires publiques, ils font en sorte de satisfaire d’abord leurs intérêts personnels avant l’intérêt général. Outre l’oubli des promesses électorales, on enregistre des revirements de leurs discours liés à la participation au pouvoir ou même à l’opposition.
Comment peut-on restaurer la valeur-confiance dans l’avenir ?
Dans un tel environnement, comment faire revenir cette valeur cardinale des citoyens en leurs élites ? Comment instituer la confiance entre l’Etat et les corps intermédiaires qui structurent la société ? Comment recouvrir et bâtir plus fortement une confiance rétablissant le levier du développement global ?
La disparition de la confiance condamne la société à l’impuissance et à l’incapacité, en l’absence de la dynamique que celle-ci permet d’insuffler, de se réformer. Dans une situation de défiance, la société se trouve, par la force des choses, paralysée. Elle ne peut oxygéner son fonctionnement que par la confiance. Or, cette dernière a quasiment disparu, comme signalé plus haut, au profit de la défiance.
La société de défiance exige, avant tout, des élites un travail sur elles-mêmes comme préalable à l’enclenchement du processus de réformes au profit des citoyens. Un nouvel engagement d’une élite renouvelée envers ces derniers s’impose pour les rassurer et s’orienter vers des pistes de reconstruction de la confiance. La reconquête devrait se prononcer en faveur de l’émergence de nouvelles forces sur lesquelles on s’appuierait pour favoriser un nouvel équilibre dans la société. La méritocratie, l’exemplarité, l’empathie, l’abnégation et le sens de responsabilité sont, dans cette perspective, autant de valeurs déterminantes pour le changement souhaité. Elles représentent, dans le cadre d’un contrat social, les piliers sur lesquels se fondent les bases de la société de confiance.
La crise épineuse d’absence de la confiance devrait, à tout prix, être résolue. Sans véritable solution à cette problématique, aucun climat ne sera propice pour la traduction, dans les faits, des ambitions et de la mise en œuvre des mesures de réforme du nouveau modèle de développement. Rien de concret ne peut voir le jour sans un socle de confiance susceptible de dynamiser les interactions des acteurs engagés dans la transformation sociétale.
Une société en bonne santé, en cohésion en son sein et à l’échelle nationale, devrait compter sur une large majorité de citoyens qui partagent les mêmes valeurs et qui ont confiance dans les lois, les institutions, le gouvernement, la justice, le système économique et en leurs représentants. La tâche de redonner confiance dans la société n’est pas une tâche aisée, ni de tout repos.
Le pari paraît, dans le contexte actuel, difficile à surmonter, car, pour se reconstruire, la confiance a besoin de temps. Le travail est de longue haleine et exige la prise suffisante de conscience par les citoyens, le changement des mentalités, le déploiement des réformes et la maturation de la démocratie. La légitimité et la crédibilité des politiques et de leurs instances s’acquièrent, auprès des citoyens, à l’épreuve du temps. La confiance se gagne par gouttes, mais, elle se perd, dans les époques turbulentes, par litres.
L’avenir n'est malheureusement plus envisagé avec confiance et la capacité à s'y projeter positivement se trouve, hélas, bien faible. Cette projection dans l’avenir s’est davantage complexifiée avec la crise sanitaire de la Covid 19. La pandémie a, en effet, montré que l’horizon est semé d’incertitudes sur tous les plans. Jamais le champ de la prospective n’a été aussi brouillé que dans le temps qui court.
Mais, la pandémie a révélé aussi que l’avenir devrait être envisagé avec une vision reposant sur de nouveaux paradigmes visant sa construction sur la base d’une croyance en un destin collectif, marqué par la solidarité, la sérénité, l'enthousiasme et la qualité de vie. La crise sanitaire a, par ailleurs, rappelé que nous sommes interdépendants. C’est pourquoi nous cherchons à rétablir des relations de confiance dans le secteur sanitaire qui appartient à la sphère du bien commun public.
La confiance exige, donc, de s’outiller intellectuellement et techniquement pour se doter de la capacité nécessaire à se projeter positivement dans l'avenir. Dans cette perspective, le retour à une confiance significative pour les citoyens devrait privilégier l’essor des différents secteurs publics, ceux notamment du développement social, de l’emploi, de la santé, de la justice, de l’éducation et de la culture.
Le récent Projet de généralisation de la protection sociale à tous les Marocains, dans un délai de cinq années, est susceptible d’injecter une dose de confiance dans l’avenir. Pour de millions de citoyens, la réforme de la couverture maladie, les allocations familiales, les pensions de retraite et les indemnités de perte d’emploi, induiront indéniablement des changements réels dans le secteur social qui a besoin d’un saut qualitatif avec une meilleure redistribution des richesses disponibles au profit des populations les plus démunies.
Il est sain de compter, dans cette optique, sur tous les citoyens, en appuyant leur participation inclusive et en créant un environnement où tout le monde peut se faire entendre, en particulier les jeunes, les femmes et les acteurs de la société civile.
Cet engagement pour un avenir meilleur devrait toucher également les contestataires du système, ainés et jeunes, qui remettent en question des règles et des décisions des gouvernants et institutions. Il faudra mieux entendre leurs discours et comprendre leurs messages pour aller de l’avant dans la construction de la société et exaucer le souhait de l’ensemble des citoyens d’en faire pleinement partie.
C’est par cette voie d’ouverture, d’écoute et d’accomplissement de projets porteurs de valeurs et innovants qu’il sera possible de rétablir la confiance mutuelle et remédier à son déficit. L’écoute, l’entraide, la résilience et la construction d’une forme d’intelligence collective sont la clef d’un futur moins imprévisible, plus optimiste.
C’est la dialectique entre confiance et défiance qui assure l’énergie et la vitalité de la société. Ce sont des ressorts fondamentaux de la vie démocratique se déployant sur un horizon éthique. Celui-ci exige un vrai projet de transformation sociale pour susciter l’adhésion et la conviction. Ces dernières seront d’autant plus renforcées au fur et à mesure que les problèmes, posés à la société en termes d’inégalités économiques, sociales, territoriales, culturelles et politiques, seraient résolus.
Dans ce contexte, marqué par un manque de visibilité, certaines voix commencent à se lever, émanant de milieux de sensibilités politiques diverses, pour faire entendre que le dépassement des problématiques actuelles passerait plutôt par le court-circuitage des partis politiques, des syndicats, des élus et de la société civile et l’instauration d’un système technocratique provisoire qui prendrait en charge l’ensemble des missions et fonctions régaliennes de l’Etat. On suggère que cette orientation soit de nature dirigiste et autoritaire pour pouvoir aller vite en besogne et assurer l’efficience des stratégies, programmes et projets sociétaux.
Les porteurs de ce discours semblent s’inscrire dans cette onde de choc populiste qui frappe aujourd’hui certains pays dans le monde. Ce sont des ‘’démocratures’’ qui récusent la liberté et qui considèrent que la démocratie et le libéralisme sont aujourd’hui des modèles obsolètes car antagonistes de l’aspiration profonde des peuples à défendre leur identité et leur sécurité.
Les voix en question au Maroc semblent, aussi, épatées par l’édification rapide des équipements, infrastructures et logistiques implantés, ces deux dernières décennies, sur un grand nombre de territoires et la réalisation des grands projets et chantiers en cours par la technocratie. Les porteurs de cette vision pensent que si l’on confie la chose publique à des technocrates compétents, on pourrait gagner du temps en empruntant des raccourcis dans l’accomplissement du processus de développement et du progrès.
La démocratie : une option et un moyen de combat
Un tel raisonnement représente, en fait, une menace à la démocratie. Celle-ci est vitale en politique. Un pouvoir légitime ne peut se passer de la légitimité du personnel politique et des mécanismes de contrôle et d’évaluation de son déploiement. La démocratie s’acquiert suite à de longues luttes des forces vives et à de longs apprentissages en la matière. Elle devient un acquis précieux pour le bon fonctionnement de la société.
Si on la perd, il serait difficile, par la suite, de la récupérer. Les politiques qui s’installent au pouvoir pour une phase transitoire ont du mal à quitter leur fauteuil de commandement et résistent à tout changement. La démocratie se construit, pas à pas, comme dans le champ du développement global. Ce dernier n’est réellement fertile que lorsqu’il est irrigué par les ressources de la démocratie.
L’option franche et engagée dans cette voie garantit, par ailleurs, une bonne image de marque auprès des partenaires internationaux à système démocratique. En matière de coopération internationale, le respect des règles démocratiques et des droits humains, pour les partenaires, est un élément capital pour sa pérennité. Le système démocratique dans les grandes nations démocratiques est très regardant sur les mutations politiques de ses partenaires. Il a un œil permanent, en interne et en externe, sur le baromètre de confiance politique. Il est, par ailleurs, important de faire bonne figure dans ce domaine sur les classifications produites régulièrement par les observatoires internationaux.
La démocratie et le développement sont, en fait, deux entreprises qui ne peuvent se passer l’une de l’autre. Elles s’épaulent et s’émancipent mutuellement. La démocratie est le seul régime qui repose sur le consentement des citoyens. La confiance est la valeur cardinale de ce régime, représentant un modèle basé sur le vivant, construit sur le citoyen et fondé sur le partage des obligations comme des droits.
Comme système politique organisé, la démocratie garantit les valeurs de l’égalité des citoyens, exprimée par le suffrage universel, leur liberté, leur solidarité, à travers la protection sociale, et de la réciprocité symbolisée par le respect dû par chacun envers d’identiques contraintes légales.
S'il n'y a pas de meilleur régime que la démocratie, il y a, cependant, de nombreux motifs de doléances sur son fonctionnement. Les dysfonctionnements dans un régime démocratique entretiennent efficacement la méfiance et la défiance à l'encontre des acteurs politiques. Les résultats des élections sont souvent entachés d’une abstention massive et d’une défiance vis-à-vis des élites issues du suffrage.
Les citoyens attendent d’abord une égalité de droits et de traitement entre tous. Ils veulent des systèmes qui permettent d’avoir de l’égalité des chances et des ascenseurs sociaux pour pouvoir améliorer leur situation socio-économique. Ils veulent, pour cela, que leurs élus, locaux, régionaux et nationaux, soient compétents, sincères, soucieux, désintéressés, au service de la chose publique et de l’intérêt général.
Le projet sociétal devrait garantir dans la durée l’égalité des chances et le respect des droits humains par la consécration de la suprématie de la Loi et la reddition des comptes des responsables chargés de la gouvernance des affaires publiques. On ne saurait attendre des autres qu’un comportement qui reflète le nôtre à leur égard. L’ambition, les jeux de séduction et les conflits d’intérêt sont appréhendés comme une corruption en regard d’un tel idéal.
Nonobstant les fréquentes remises en cause, la démocratie n’a pas pour autant perdu la partie. C’est une option et un moyen de combat car l’aspiration à la liberté reste bien vivace dans la société. L’attachement à la démocratie demeure fort, notamment chez les citoyens de de la classe moyenne et de la jeunesse urbaine éduquée et connectée. Les réseaux sociaux permettent d’échanger, de communiquer et de correspondre en permanence avec une multitude de personnes et de se connecter à toutes sortes de sites d’information.
Conclusion
En somme, seul un horizon social et démocratique fort, au service du développement, est capable de créer une dynamique sociétale et renouer avec la société de confiance. Les aspirations des citoyens traduisent la profondeur et l’immensité de l’œuvre de transformation à mener pour mettre en place un modèle porteur d’espoir et de confiance.
La démocratie doit se ressaisir en démontrant que la liberté est parfaitement compatible avec le développement, la stabilité et la lutte contre les inégalités, en mettant en œuvre un modèle de croissance inclusive, socialement et économiquement soutenable et, surtout, en retrouvant la foi dans la valeur universelle de la liberté et le courage de la défendre, soit toutes les balises nécessaires pour la restauration de la confiance.
Mounir Zouiten
Université Mohammed V de Rabat
10 août 2021
Université Mohammed V de Rabat
10 août 2021