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Culture

Création : Ghass entre chant des bombes et cris du cœur


Rédigé par L'Opinion le Dimanche 11 Août 2024



Le plasticien s’inspire des conflits du monde et particulièrement ceux de son pays natal, l’Iran.
Le plasticien s’inspire des conflits du monde et particulièrement ceux de son pays natal, l’Iran.
L’artiste iranien Ghass Rouzhosh sera présent à Casablanca en octobre chez Interiors pour montrer une nouvelle gamme de papiers peints dessinés par ce créateur au parcours détonant. Ghass avait 15 ans lorsque la révolution a commencé. Comme pour tous les jeunes garçons de son âge, la guerre était inévitable. Il passe deux ans de sa vie en première ligne. Un an après la fin de la guerre, il décide de partir pour Paris où il espère exorciser les images de guerre qui ont tant imprégnées sa jeunesse. Il n’est jamais revenu. C’était en 1989. Ghass, reconnu pour son art mais également pour ses engagements, aime surprendre et bousculer les codes du marché de l’art. Artiste pluridisciplinaire, il s’adresse au grand public à travers des supports d’expression variés telle la peinture, le dessin ou encore la sculpture. Pour lui, l’art représente un pont qui lie les Hommes entre eux à travers le passé, le présent et le futur et permet de transmettre un message de manière universelle. 
 
Le goût du sang

Thomas Schlesser, historien de l’art et directeur de la Fondation Hartung-Bergman, nous éclaire sur les préoccupations de cet artiste d’exception. En voici quelques fragments : « Chez Ghass, la création relève d’un ressort profond, d’une nécessité : on sent dans sa peinture une urgence, celle de donner des formes (ce qui n’est pas forcément donner forme) à sa vision du monde. Devant une œuvre, quoi de plus terrible que de constater, le front plissé par la déception, que l’artiste n’avait rien à dire ? Il n’y a pas de conclusion plus amère : une parcelle d’espace – plastique, littéraire, musical, cinématographique… – se trouve occupée par quelque chose et cependant pour rien. Bien pire encore, on comprend souvent que l’auteur d’un tel désastre croit donner de lui-même et faire part de créativité. Il s’illusionne. Car il ne fait que prendre au spectateur – temps, énergie, argent – en le dupant avec des fadaises décoratives, ludiques, divertissantes, vagues et vaguement jolies. Mais Ghass a connu la guerre, la violence et sa peinture également. Oui : son esthétique est par moment viscéralement travaillée par la barbarie. Pour certains fantômes mondains qui hantent les vernissages, voilà qui n’est sans doute qu’un détail, qu’une anecdote : lequel, parmi eux, pourrait imaginer ce qu’est le goût du sang au fond de la gorge ? Pourtant, Ghass est d’abord cela, un Janus passé du spectacle affolant des armes à celui des arts. Et le spectacle qu’il offre en retour dit beaucoup. Pour redonner, dans l’épure du noir, du rouge et du blanc, avec une profonde économie de moyens, l’horrible écho de la violence, il faut un travail acharné, consciencieux et toujours recommencé. C’est cette vive impression que procure, de manière salutaire, l’œuvre de Ghass. Non : il n’est pas utile de trop en mettre pour faire passer une vision oscillant du chant des bombes aux cris du cœur. »