La première centrale nucléaire du monde arabe a été lancée le samedi 1er août dans le Nord-Ouest des Émirats Arabes Unis. L’énergie produite par les quatre réacteurs de la centrale « Barakah » couvrira 25% des besoins du pays en électricité. « Ce qu’ont fait les Émirats Arabes Unis a véritablement commencé il y a 10 ans », commente Pr Rajaâ Cherkaoui El Moursli, chercheuse marocaine, spécialiste en physique nucléaire et membre résident de l’Académie des Sciences et Technologies Hassan II. Les Émirats disposent d’importantes réserves de pétrole, mais le choix d’investir dans une centrale nucléaire ne semble pas surprendre Pr Cherkaoui : « Les pays développés ou ceux qui ont des moyens, essaient tous d’avoir un mix énergétique diversifié, car chaque type d’énergie a ses qualités et ses défauts. Pour éviter une crise énergétique, la règle est de diversifier les sources d’énergies ».
Le rêve de l’énergie nucléaire
S’il a fallu une dizaine d’années aux Émirats pour réaliser les études nécessaires avant d’inaugurer une centrale nucléaire, le Maroc cogite à ce sujet depuis plusieurs décennies. « Le défunt Hassan II avait évoqué pendant les années 80 le rêve de dessaler l’eau de mer grâce au nucléaire. Alors que nous étions très proches d’accéder au nucléaire, il y a eu l’accident de Tchernobyl qui a refroidi les ardeurs », raconte Pr Erradi Lhoussine, physicien des réacteurs et président du Groupement Marocain de Technologies des Réacteurs (GMTR). « Même chose pendant le début des années 2000. Quand on a commencé à nous remettre de Tchernobyl et que le monde évoquait la « renaissance du nucléaire », et que même les pouvoirs publics avaient commencé à reprogrammer le nucléaire pour une opérationnalisation qu’on estimait à l’époque pour l’horizon 2020, il y a eu Fukushima. C’était le coup de grâce pour l’énergie nucléaire au Maroc », estime Pr Erradi.
Le Maroc « techniquement prêt »
Le Maroc n’a cependant jamais complètement exclu la piste du nucléaire malgré une baisse sensible de l’enthousiasme pour se lancer dans l’aventure atomique. « Les études ont commencé, il y a plus d’une vingtaine d’années, et ont été finalisées à l’époque où Mme Amina Benkhadra était ministre de l’Énergie », explique Pr Rajaâ Cherkaoui El Moursli. « Parallèlement, le Centre National de l’Énergie des Sciences et des Techniques Nucléaires (CNESTEN) a assuré la formation de ressources humaines dans tous les domaines du nucléaire. Le Royaume a mis en place, ces dernières années, l’Agence Marocaine de Sûreté et de Sécurité Nucléaires et Radiologiques (AMSSNuR) qui est rattachée directement au chef du gouvernement. Rappelons que notre pays a également ratifié toutes les conventions au niveau international. Il ne reste que la décision politique pour franchir le pas », estime Pr Cherkaoui.
Un futur sans nucléaire ?
Si Pr Cherkaoui voit dans la mise en place au Maroc d’une centrale question –sans arriver à trancher- quant à la pertinence d’investir dans l’installation du nucléaire au Maroc ». Pour M. Hassan Agouzoul, expert en développement durable, la piste du nucléaire n’est plus valable : « La transformation structurelle des systèmes énergétiques qui est en train d’opérer au niveau mondial tend à consacrer une transition vers des énergies renouvelables et alternatives plus propres », confie-t-il. « L’évolution de l’innovation dans les technologies propres de production, de distribution, de stockage et d’efficacité énergétique accélère cette transformation et lui donne au fur et à mesure les moyens techniques et financiers de réussir. L’autre argument qui me pousse à croire que le Maroc ne s’engagera probablement pas dans la mise en place de l’énergie nucléaire est la contrainte des engagements de l’Union Européenne dans le cadre du partenariat stratégique « green deal » pour une transition énergétique qui vise la neutralité carbone à l’horizon 2050 et qui s’appuient sur le partenariat avec les pays de voisinage et l’Union Africaine et particulièrement le Maroc pour atteindre les objectifs climatiques propres de l’UE dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat », conclut M. Agouzoul.
Le rêve de l’énergie nucléaire
S’il a fallu une dizaine d’années aux Émirats pour réaliser les études nécessaires avant d’inaugurer une centrale nucléaire, le Maroc cogite à ce sujet depuis plusieurs décennies. « Le défunt Hassan II avait évoqué pendant les années 80 le rêve de dessaler l’eau de mer grâce au nucléaire. Alors que nous étions très proches d’accéder au nucléaire, il y a eu l’accident de Tchernobyl qui a refroidi les ardeurs », raconte Pr Erradi Lhoussine, physicien des réacteurs et président du Groupement Marocain de Technologies des Réacteurs (GMTR). « Même chose pendant le début des années 2000. Quand on a commencé à nous remettre de Tchernobyl et que le monde évoquait la « renaissance du nucléaire », et que même les pouvoirs publics avaient commencé à reprogrammer le nucléaire pour une opérationnalisation qu’on estimait à l’époque pour l’horizon 2020, il y a eu Fukushima. C’était le coup de grâce pour l’énergie nucléaire au Maroc », estime Pr Erradi.
Le Maroc « techniquement prêt »
Le Maroc n’a cependant jamais complètement exclu la piste du nucléaire malgré une baisse sensible de l’enthousiasme pour se lancer dans l’aventure atomique. « Les études ont commencé, il y a plus d’une vingtaine d’années, et ont été finalisées à l’époque où Mme Amina Benkhadra était ministre de l’Énergie », explique Pr Rajaâ Cherkaoui El Moursli. « Parallèlement, le Centre National de l’Énergie des Sciences et des Techniques Nucléaires (CNESTEN) a assuré la formation de ressources humaines dans tous les domaines du nucléaire. Le Royaume a mis en place, ces dernières années, l’Agence Marocaine de Sûreté et de Sécurité Nucléaires et Radiologiques (AMSSNuR) qui est rattachée directement au chef du gouvernement. Rappelons que notre pays a également ratifié toutes les conventions au niveau international. Il ne reste que la décision politique pour franchir le pas », estime Pr Cherkaoui.
Un futur sans nucléaire ?
Si Pr Cherkaoui voit dans la mise en place au Maroc d’une centrale question –sans arriver à trancher- quant à la pertinence d’investir dans l’installation du nucléaire au Maroc ». Pour M. Hassan Agouzoul, expert en développement durable, la piste du nucléaire n’est plus valable : « La transformation structurelle des systèmes énergétiques qui est en train d’opérer au niveau mondial tend à consacrer une transition vers des énergies renouvelables et alternatives plus propres », confie-t-il. « L’évolution de l’innovation dans les technologies propres de production, de distribution, de stockage et d’efficacité énergétique accélère cette transformation et lui donne au fur et à mesure les moyens techniques et financiers de réussir. L’autre argument qui me pousse à croire que le Maroc ne s’engagera probablement pas dans la mise en place de l’énergie nucléaire est la contrainte des engagements de l’Union Européenne dans le cadre du partenariat stratégique « green deal » pour une transition énergétique qui vise la neutralité carbone à l’horizon 2050 et qui s’appuient sur le partenariat avec les pays de voisinage et l’Union Africaine et particulièrement le Maroc pour atteindre les objectifs climatiques propres de l’UE dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat », conclut M. Agouzoul.
Oussama ABAOUSS
Société civile :
Le Groupement Marocain de Technologie des Réacteurs
Même si le Maroc ne dispose pas de centrales nucléaires, il existe plusieurs associations de spécialistes de la physique des réacteurs parmi lesquelles le Groupement Marocain de Technologie des Réacteurs (GMTR). Créée en 1999, cette association a comme principal objectif de contribuer à assurer une veille technologique efficace en matière d’énergie nucléaire dans notre pays. Pour atteindre cet objectif, le GMTR entreprend un certain nombre d’actions, notamment : assurer la coordination entre les différents groupes de recherche, organisation de rencontres scientifiques et techniques dans le domaine de la physique et technologie des réacteurs et la mise en place d’un programme de référence pour un Master de physique et technologies des réacteurs à l’échelle nationale avec la participation des différents groupes de recherche universitaires associés au GMTR et avec la collaboration du CNESTEN. « Nous organisons tous les deux ans une Journée nationale de la physique des réacteurs. Tous les quatre ans, nous organisons également une conférence scientifique internationale qui s’appelle PHYTRA, et qui bénéficie du soutien de plusieurs associations nucléaires mondiales, en particulier l’American Nuclear Society. Après 4 éditions organisées au Maroc, la 5ème édition aurait dû avoir lieu cet été en Chine après une invitation d’un professeur chinois qui avait participé à notre conférence en 2018. À cause de la pandémie, nous sommes obligés de la reporter au mois de mai prochain », confie Pr Erradi Houssine, président du GMTR.
Même si le Maroc ne dispose pas de centrales nucléaires, il existe plusieurs associations de spécialistes de la physique des réacteurs parmi lesquelles le Groupement Marocain de Technologie des Réacteurs (GMTR). Créée en 1999, cette association a comme principal objectif de contribuer à assurer une veille technologique efficace en matière d’énergie nucléaire dans notre pays. Pour atteindre cet objectif, le GMTR entreprend un certain nombre d’actions, notamment : assurer la coordination entre les différents groupes de recherche, organisation de rencontres scientifiques et techniques dans le domaine de la physique et technologie des réacteurs et la mise en place d’un programme de référence pour un Master de physique et technologies des réacteurs à l’échelle nationale avec la participation des différents groupes de recherche universitaires associés au GMTR et avec la collaboration du CNESTEN. « Nous organisons tous les deux ans une Journée nationale de la physique des réacteurs. Tous les quatre ans, nous organisons également une conférence scientifique internationale qui s’appelle PHYTRA, et qui bénéficie du soutien de plusieurs associations nucléaires mondiales, en particulier l’American Nuclear Society. Après 4 éditions organisées au Maroc, la 5ème édition aurait dû avoir lieu cet été en Chine après une invitation d’un professeur chinois qui avait participé à notre conférence en 2018. À cause de la pandémie, nous sommes obligés de la reporter au mois de mai prochain », confie Pr Erradi Houssine, président du GMTR.
3 questions au Pr Rajaâ Cherkaoui El Moursli, spécialiste en physique nucléaire
Pr Rajaâ Cherkaoui El Moursli
La crainte du nucléaire vient des différents accidents qui ont eu lieu dans le monde
Pour comprendre les enjeux de l’énergie nucléaire au Maroc, nous avons posé nos questions au Pr Rajaâ Cherkaoui El Moursli, chercheuse marocaine spécialisée en physique nucléaire.
- Beaucoup d’environnementalistes marocains sont foncièrement contre l’exploitation de l’énergie nucléaire au Maroc. Qu’en pensez-vous ?
- La crainte du nucléaire vient des différents accidents qui ont eu lieu dans le monde et qui sont souvent dus à des facteurs naturels. Les catastrophes naturelles peuvent exceptionnellement faire des dégâts, mais cela peut toucher également d’autres types d’infrastructures énergétiques. D’un autre côté, si le nucléaire ne pollue pas, il y a l’inquiétude relative à la gestion des résidus nucléaires. Actuellement, avec tous les accidents qu’il y a eu, et les craintes suscitées, il y a eu beaucoup de recherches dans la sécurité nucléaire qui ont donné de nouvelles générations de technologies plus sûres et moins risquées.
- Si notre pays décide d’installer une centrale nucléaire, fera-t-elle partie des dernières générations ?
- Actuellement, tous les pays qui ont opté pour l’énergie nucléaire ont pris soin de choisir les technologies qui ont bénéficié de plusieurs décennies d’expérience et d’innovation. C’est le cas notamment des Émirats Arabes Unis.
- Le Maroc dispose-t-il des compétences humaines capables de gérer une centrale nucléaire ?
- Oui. Grâce au travail entamé par l’Agence Marocaine de Sûreté et de Sécurité Nucléaires et Radiologiques (AMSNuR), le CNESTEN et les universités marocaines, nous pouvons affirmer que nous avons les ressources humaines nécessaires, qui sont formées et capables de gérer efficacement et correctement une éventuelle centrale nucléaire marocaine.
Recueillis par O. A.
Pour comprendre les enjeux de l’énergie nucléaire au Maroc, nous avons posé nos questions au Pr Rajaâ Cherkaoui El Moursli, chercheuse marocaine spécialisée en physique nucléaire.
- Beaucoup d’environnementalistes marocains sont foncièrement contre l’exploitation de l’énergie nucléaire au Maroc. Qu’en pensez-vous ?
- La crainte du nucléaire vient des différents accidents qui ont eu lieu dans le monde et qui sont souvent dus à des facteurs naturels. Les catastrophes naturelles peuvent exceptionnellement faire des dégâts, mais cela peut toucher également d’autres types d’infrastructures énergétiques. D’un autre côté, si le nucléaire ne pollue pas, il y a l’inquiétude relative à la gestion des résidus nucléaires. Actuellement, avec tous les accidents qu’il y a eu, et les craintes suscitées, il y a eu beaucoup de recherches dans la sécurité nucléaire qui ont donné de nouvelles générations de technologies plus sûres et moins risquées.
- Si notre pays décide d’installer une centrale nucléaire, fera-t-elle partie des dernières générations ?
- Actuellement, tous les pays qui ont opté pour l’énergie nucléaire ont pris soin de choisir les technologies qui ont bénéficié de plusieurs décennies d’expérience et d’innovation. C’est le cas notamment des Émirats Arabes Unis.
- Le Maroc dispose-t-il des compétences humaines capables de gérer une centrale nucléaire ?
- Oui. Grâce au travail entamé par l’Agence Marocaine de Sûreté et de Sécurité Nucléaires et Radiologiques (AMSNuR), le CNESTEN et les universités marocaines, nous pouvons affirmer que nous avons les ressources humaines nécessaires, qui sont formées et capables de gérer efficacement et correctement une éventuelle centrale nucléaire marocaine.
Recueillis par O. A.
Repères
Dessalement nucléaire
En 1998, le Maroc et la Chine, en collaboration avec l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA), avaient finalisé une étude d’avant-projet concernant une unité de démonstration de dessalement nucléaire à Tantan utilisant un réacteur de chaleur de 10 MWth conçu par la Chine. Telle qu’imaginée à l‘époque, l’installation aurait eu une capacité de 8000 m3/jour d’eau potable et aurait constitué une base pour une éventuelle introduction d’une unité de taille industrielle (réacteur de 200 MWth, produisant 160.000 m3/j).
Électronucléaire à l’horizon 2030
Selon le site du ministère de l’Énergie, des Mines et du Développement Durable, un rapport général du Comité de Réflexion sur l’Électronucléaire et le Dessalement de l’eau de mer (CRED) « sera élaboré fin 2019/début 2020, dans la perspective d’une prise d’une décision politique en 2020, concernant l’introduction de l’électronucléaire au Maroc à l’horizon 2030 et au-delà ». Ce rapport est le fruit du travail du CRED et des recommandations émises en 2015 par la mission d’évaluation de l’AIEA.