La modernité n’est pas toujours une rupture avec le passé. Ainsi d’internet selon Umberto Eco qui écrit : « Internet, c’est le retour de la planète Gutenberg, ce n’est pas une civilisation de l’image, il faut savoir lire ». L’innovation peut ainsi et aussi se loger dans la répétition, la sérialisation des motifs, par exemple. Dans ce contexte, Umberto Eco attire l’attention sur la division de classe qui s’opère : « On a d’un côté un prolétariat qui se contente des images de la télévision, une classe moyenne qui utilise Internet de manière passive et une nomenklatura qui sait travailler sur l’objet ».
La modernité porte en elle une sorte de pulsion suicidaire, de retour vers le passé que l’on soupçonne rarement : pour éviter les bouchons, les conducteurs ne préfèrent-ils pas laisser la voiture au garage et prendre le train, le tramway ou l’autobus ? Internet connaît un tel « embouteillage, une croissance telle de l’information (qu’il va finir par) se suicider », en d’autres termes favoriser des comportements d’accès à l’information qui ne passent pas par internet… comme les supports anciens, en somme le papier.
La tradition, la modernité, appartiennent à cette famille de concepts qui sont « bons à tout faire », selon, encore une fois, l’heureuse expression d’Umberto Eco à propos du postmodernisme aussi bien dans la peinture que dans les récits. La modernité s’inscrit dans l’évolution. Ce qui est le contraire de la tradition qui n’a pas fondé de concept dynamique comme pourrait l’être la traditionnalité pour rendre compte d’un quelconque mouvement dynamique, vivant de la tradition et de retour à la tradition... Les chemins d’accès à la modernité sont connus. Celle-ci s’impose à tout un chacun dans son vécu quotidien. Le retour à la tradition dans sa version « hard » aussi…
De l’hyper au post…
Les traditionnalistes comme les modernistes défendent une certaine idée de la tradition, d’un côté, de la modernité, de l’autre. La tradition appartient au passé, la modernité au présent et à l’avenir. La tradition est une. La modernité est plurielle. Au-delà de la modernité, il y a la postmodernité et les « concepts de substitution » comme l’ultramodernité et l’hypermodernité.
Réfléchir sur la modernité peut paraître comme mener une réflexion sur (et à partir d’) un « leurre épistémologique », un mirage dans le désert de la pensée, donnant prise à une véritable esthétique de l’artifice : Sébastien Charles note « un changement de paradigme… qui disqualifie le postmoderne au profit de l’hypermoderne, comme si la postmodernité à titre de concept ne parvenait plus à rendre compte de leur évolution récente ».
Les mots qui ont pour dénominateur commun « hyper » ne se comptent plus : hyperterrorisme, hyperpuissance, hyperconsommation, hyperproduction, hyperactivité, hyperindividualisme, hyperlien, hypertexte, hypersonique, pour ne citer que les plus courants dans le langage quotidien.
Si la littérature a des difficultés à s’imposer dans sa modernité, la raison n’en peut être que plus complexe. A l’instar des arts plastiques, la notion de création qui la meut en fait une oeuvre originale… jamais renouvelée. Et pourtant, l’histoire de la littérature est une longue suite d’influences et d’hypertextualités, rarement assumées mais logiquement et patiemment démontrées par la critique littéraire. La résonance avec des textes anciens ne se range pas dans la catégorie du plagiat et moins encore de l’emprunt assumé, comme a pu le faire Picasso avec l’oeuvre de Delacroix.
La création n’a pas de « dehors » : elle se nourrit d’elle-même. Cette figure mythologique de l’écriture accepte à peine de se nourrir au sein de la réalité. Ce sont les espaces sans fins de l’imaginaire qui alimentent la passion d’écriture. Reproduire la réalité ne se suffit pas à la création, il faut la transfigurer et mieux encore l’imaginer dans son inexistence même pour la faire exister.
La post-réalité imaginée dans la foulée du monde d’internet et des fake news, ces informations qui ne renvoient à aucun monde extérieur mais seulement à elles-mêmes, a transformé le monde de l’information bien après la réalité en une oeuvre de création de l’esprit, de plus en plus originale, qui se confond de moins en moins avec la réalité, car il est devenu la réalité elle-même. Si l’oeuvre romanesque, sur le plan technologique, est fille de Gutenberg, la fake news est fille d’internet.
La modernité porte en elle une sorte de pulsion suicidaire, de retour vers le passé que l’on soupçonne rarement : pour éviter les bouchons, les conducteurs ne préfèrent-ils pas laisser la voiture au garage et prendre le train, le tramway ou l’autobus ? Internet connaît un tel « embouteillage, une croissance telle de l’information (qu’il va finir par) se suicider », en d’autres termes favoriser des comportements d’accès à l’information qui ne passent pas par internet… comme les supports anciens, en somme le papier.
La tradition, la modernité, appartiennent à cette famille de concepts qui sont « bons à tout faire », selon, encore une fois, l’heureuse expression d’Umberto Eco à propos du postmodernisme aussi bien dans la peinture que dans les récits. La modernité s’inscrit dans l’évolution. Ce qui est le contraire de la tradition qui n’a pas fondé de concept dynamique comme pourrait l’être la traditionnalité pour rendre compte d’un quelconque mouvement dynamique, vivant de la tradition et de retour à la tradition... Les chemins d’accès à la modernité sont connus. Celle-ci s’impose à tout un chacun dans son vécu quotidien. Le retour à la tradition dans sa version « hard » aussi…
De l’hyper au post…
Les traditionnalistes comme les modernistes défendent une certaine idée de la tradition, d’un côté, de la modernité, de l’autre. La tradition appartient au passé, la modernité au présent et à l’avenir. La tradition est une. La modernité est plurielle. Au-delà de la modernité, il y a la postmodernité et les « concepts de substitution » comme l’ultramodernité et l’hypermodernité.
Réfléchir sur la modernité peut paraître comme mener une réflexion sur (et à partir d’) un « leurre épistémologique », un mirage dans le désert de la pensée, donnant prise à une véritable esthétique de l’artifice : Sébastien Charles note « un changement de paradigme… qui disqualifie le postmoderne au profit de l’hypermoderne, comme si la postmodernité à titre de concept ne parvenait plus à rendre compte de leur évolution récente ».
Les mots qui ont pour dénominateur commun « hyper » ne se comptent plus : hyperterrorisme, hyperpuissance, hyperconsommation, hyperproduction, hyperactivité, hyperindividualisme, hyperlien, hypertexte, hypersonique, pour ne citer que les plus courants dans le langage quotidien.
Si la littérature a des difficultés à s’imposer dans sa modernité, la raison n’en peut être que plus complexe. A l’instar des arts plastiques, la notion de création qui la meut en fait une oeuvre originale… jamais renouvelée. Et pourtant, l’histoire de la littérature est une longue suite d’influences et d’hypertextualités, rarement assumées mais logiquement et patiemment démontrées par la critique littéraire. La résonance avec des textes anciens ne se range pas dans la catégorie du plagiat et moins encore de l’emprunt assumé, comme a pu le faire Picasso avec l’oeuvre de Delacroix.
La création n’a pas de « dehors » : elle se nourrit d’elle-même. Cette figure mythologique de l’écriture accepte à peine de se nourrir au sein de la réalité. Ce sont les espaces sans fins de l’imaginaire qui alimentent la passion d’écriture. Reproduire la réalité ne se suffit pas à la création, il faut la transfigurer et mieux encore l’imaginer dans son inexistence même pour la faire exister.
La post-réalité imaginée dans la foulée du monde d’internet et des fake news, ces informations qui ne renvoient à aucun monde extérieur mais seulement à elles-mêmes, a transformé le monde de l’information bien après la réalité en une oeuvre de création de l’esprit, de plus en plus originale, qui se confond de moins en moins avec la réalité, car il est devenu la réalité elle-même. Si l’oeuvre romanesque, sur le plan technologique, est fille de Gutenberg, la fake news est fille d’internet.
Abdallah BENSMAÏN