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Isabel Serra en compagnie de Pablo Iglesias Turrión, l'un des fondateurs de Podemos, lors d'un meeting. (Droits réservés)
De quel droit et au nom de quel principe viennent-ils au Maroc sans mandat ni autorisation ? Une question que se posent les internautes marocains sur les réseaux sociaux en réaction à la visite forcée d'un quarteron d’eurodéputés d’extrême-gauche à Laâyoune. Accompagnés de quelques collaborateurs, le finlandais Jussi Saramo (Alliance de gauche), la portugaise Catarina Martins et l’espagnole Isabel Serra (Podemos) ont décidé du haut de leur grandeur de venir à Laâyoune participer à un meeting organisé par une poignée de séparatistes. Sans autorisation et sans être mandaté par qui que ce soit, ce triumvirat parlementaire autoproclamé a été finalement refoulé. À peine arrivés à l’aéroport de Laâyoune, les autorités marocaines ont empêché les eurodéputés de fouler le sol du Royaume.
L’avion a atterri, jeudi après-midi vers 16h. Les trois “camarades” ont été empêchés de descendre. Ils ont aussitôt rebroussé chemin vers Las Palmas aux Iles Canaries.
Sans justification claire des motifs réels de leur voyage, ils ont prétendu venir s’assurer du respect de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) annulant les accords sur l’agriculture et la pêche entre l’UE et le Maroc dans le cadre d’un déplacement organisé avec le Polisario. Ils font mine d’oublier que le front séparatiste se trouve à 400 kilomètres de Laâyoune dans un camp de séquestration en Algérie.
En avançant un tel argument, ils s’autoproclament police du droit européen en outrepassant leur mandat parlementaire. Une sorte d’ingérence assumée de la part d’une mouvance politique connue pour son obsession maladive du Maroc, rappelle Mohamed Badine El Yattioui, Professeur d'Etudes Stratégiques au Collège de Défense (NDC) des Emirats Arabes Unis à Abou Dhabi, qui explique que derrière cette gesticulation se cache une volonté de créer un scandale politique et un buzz médiatique pour ternir l’image du Maroc à l’international.
“Ils savaient très bien qu’ils allaient être empêchés d’entrer illégalement dans le territoire d’un pays souverain, mais ils cherchaient à tout prix un coup d’éclat médiatique” , poursuit notre interlocuteur.
Preuve en est que Podemos, le parti d'Isabel Serra, a profité de cette séquence et de la scène de son expulsion pour crier au scandale et soulever une croisade médiatique. Un procédé classique de l’extrême gauche qui se sert de la provocation comme arme politique. Isabel Serra a aussitôt appelé le gouvernement espagnol à revoir sa position sur le Sahara, quitte à se mettre dans une posture contradictoire puisque l’extrême gauche espagnole, à travers SUMAR, fait partie du gouvernement socialiste de Pedro Sanchez qui, rappelons-le, a lui-même soutenu le plan d’autonomie.
“N’oublions pas que Pedro Sanchez a contraint ses alliés au gouvernement, notamment ceux d'extrême gauche, à accepter son soutien Maroc et, pourtant, ils n’ont pas quitté sa coalition, ce qui montre l’étendue de leur contradiction et leur sournoiserie car ils sont prêts à abandonner leurs convictions pour des portefeuilles ministériels”, fait remarquer M. El Yattioui.
Au-delà des prétentions politiques, le déplacement des eurodéputés à Laâyoune contrevient aux règles et aux usages. “Un eurodéputé qui se déplace dans un pays en tant que tel doit obtenir au préalable une invitation qui émane souvent, selon les coutumes, des autorités législatives du pays hôte en coordination avec la autorités diplomatiques”, explique l’expert, ajoutant : “ils se sont cachés derrière leur immunité parlementaire mais ce couvert ne s’applique pas au-delà de l’Union européenne”.
En fait, l'extrême gauche usent de tous les moyens possible pour s'en prendre aux intérêts du Maroc que ce soit pas des campagnes de communication ou des actions législatives.
Ces partis sont connus pour leur hostilité historique au Maroc et ce, depuis l'époque de la guerre froide. Cette attitude agressive tient des vestiges du communisme. Mohamed Badine El Yattioui trouve qu’une partie de l’extrême gauche garde encore les vieux reflexes de la guerre froide avec une sympathie manifeste pour les régimes socialistes autoritaires, d’où leur bienveillance pour des régimes comme l’Algérie, le Vénézuéla et Cuba envers lesquels ils sont d'une extrême bienveillance… En témoigne l'opposition d'une partie du groupe "The Left", dont 29 eurodéputés, y compris les français de LFI, à la résolution du Parlement européen condamnant l'arrestation arbitraire de Boualem Sansal en Algérie.
“Leur hostilité au Maroc tient de leur aversion dogmatique aux régimes monarchiques et au fait que le Royaume soit un allié historique de l’occident”, observe M. Yattioui.
Du coup, conclut notre interlocuteur, “l’extrême gauche se sert du droit international dont elle fait une lecture opportuniste pour s’attaquer au Maroc sur l’affaire du Sahara”. “Loin d’être un engagement sincère, c’est un combat politique et idéologique", insiste Mohamed El Yattioui.
Maintenant, si l’extrême gauche européenne intensifie les provocations, c’est parce que le Maroc est largement soutenu en Europe dont la majeure partie des Etats soutient le plan d’autonomie pour le Sahara. "Cela les irrite manifestement", pense l'expert.
Le Parlement européen reste le levier le plus sûr pour l’extrême gauche pour agir indépendamment des positions de leurs pays dont la majeure partie soutient le Maroc. “Heureusement, l’hémicycle européen n’a qu’un poids marginal dans la politique étrangère”, conclut-il.