Du 4 au 6 septembre, les dirigeants africains de plus de 50 pays se sont précipités à Pékin pour assister au Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC). L’importance des délégations des différents pays, pour la grande majorité conduites par les chefs d’État ou les Premiers ministres, témoigne d’une volonté commune : séduire la Chine et attirer ses aides et investissements massifs.
Exit l’Europe, voire les États-Unis, les pays du continent regardent désormais vers le géant asiatique, plus enclin à sortir le chèque sans menace apparente d’ingérence dans leurs affaires internes. Même les pays qui ne sont pas des partenaires traditionnels de la Chine cèdent aux sirènes de Pékin et à ses promesses d’une relation "gagnant-gagnant" axée sur le commerce et le développement. À la tête de ces pays, on compte le Maroc.
En l’espace de quelques années, la relation entre les deux États s'est intensifiée à une vitesse grand V, faisant de la Chine l'un des plus importants investisseurs dans le Royaume. Depuis 2023, les entreprises chinoises ont annoncé pas moins de 10 milliards de dollars d’investissements dans l'écosystème de batteries électriques au Maroc. Récemment, d’autres groupes chinois ont remporté des marchés d’extension des lignes TGV.
Signe de ce partenariat d'exception, le Maroc était représenté au FOCAC par une délégation très importante, conduite par le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, et comptant le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, le ministre délégué chargé de l’Investissement, Mohcine Jazouli, ou encore le président de la CGEM, Chakib Alj.
Exit l’Europe, voire les États-Unis, les pays du continent regardent désormais vers le géant asiatique, plus enclin à sortir le chèque sans menace apparente d’ingérence dans leurs affaires internes. Même les pays qui ne sont pas des partenaires traditionnels de la Chine cèdent aux sirènes de Pékin et à ses promesses d’une relation "gagnant-gagnant" axée sur le commerce et le développement. À la tête de ces pays, on compte le Maroc.
En l’espace de quelques années, la relation entre les deux États s'est intensifiée à une vitesse grand V, faisant de la Chine l'un des plus importants investisseurs dans le Royaume. Depuis 2023, les entreprises chinoises ont annoncé pas moins de 10 milliards de dollars d’investissements dans l'écosystème de batteries électriques au Maroc. Récemment, d’autres groupes chinois ont remporté des marchés d’extension des lignes TGV.
Signe de ce partenariat d'exception, le Maroc était représenté au FOCAC par une délégation très importante, conduite par le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, et comptant le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, le ministre délégué chargé de l’Investissement, Mohcine Jazouli, ou encore le président de la CGEM, Chakib Alj.
Priorité pour Pékin
Pour la Chine, le forum triennal représente une opportunité de s'affirmer comme la puissance incontournable en Afrique. “Le continent revêt une importance stratégique pour les autorités chinoises, et depuis l'arrivée au pouvoir de Xi Jinping, on assiste même à une forme d'institutionnalisation de l'Afrique dans l'agenda du Parti communiste chinois”, nous explique Xavier Aurégan, maître de conférences à l'Université catholique de Lille et auteur du livre “Chine, puissance africaine”.
Ainsi, les échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique sont passés de 210 milliards de dollars en 2013 (année de l'arrivée au pouvoir de Xi Jinping) à plus de 280 milliards de dollars aujourd'hui, avec un déficit commercial évidemment en faveur de Pékin. Avec le Maroc, l'accélération des échanges est encore plus marquée, puisqu'ils sont passés sur la même période de 3,4 milliards de dollars à 7,6 milliards de dollars.
La Chine voit d'abord en l'Afrique un immense marché à conquérir, avec ses 1,4 milliard d'habitants, qui lui permettra de continuer à écouler ses produits et de soutenir son vaste tissu industriel. Ce nouveau marché devient d'autant plus primordial que la guerre commerciale s'intensifie avec les autres puissances, notamment les États-Unis d'Amérique et l'Europe.
Par exemple, face aux restrictions imposées dans d'autres pays, la Chine adopte une stratégie de déploiement très offensive de la 5G sur le continent africain, notamment en Côte d'Ivoire, au Sénégal, et potentiellement bientôt au Maroc. Les conglomérats chinois du BTP voient dans ces pays, souvent dépourvus d'infrastructures, un nouveau terrain d'opportunités, soutenus en cela par l'État chinois qui accorde des financements aux gouvernements engagés dans des projets de construction de ports, de routes ou de chemins de fer.
Entre discours et réalité
Plus important encore, le continent africain revêt une importance stratégique pour Pékin, car il permet de sécuriser ses approvisionnements en matières premières. Le riche sous-sol africain ne se limite pas aux hydrocarbures, dont la Chine a un besoin crucial, mais regorge également de divers minerais tels que le cuivre, l'étain ou le cobalt. Afin d'assurer un approvisionnement stable en cobalt, un élément clé dans la fabrication des batteries électriques, la Chine a pris le contrôle de la majorité des mines qui en produisent en République Démocratique du Congo (RDC).
Pour Xavier Aurégan, cette domination est à nuancer, puisque "énormément de sous-traitants occidentaux sont présents en Chine, qui dépendent tout autant des ressources africaines". "Les acteurs chinois sont les plus visibles, mais au final, ce sont l'ensemble des acteurs économiques de filières comme celle de la voiture électrique qui sont intéressés par l'Afrique", précise le spécialiste des relations sino-africaines.
Pour marquer sa différence des pays occidentaux, l'Empire du Milieu met en avant sa non-ingérence dans les affaires internes des pays africains. Dans la déclaration de Beijing publiée à l’occasion du FOCAC, la Chine et l’Afrique se déclarent “attachés à l’indépendance, au respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale, à la non-ingérence dans les affaires intérieures”.
“Effectivement, ils cherchent à se différencier de l'Occident et de son passé colonial et impérialiste à travers leurs discours, leur rhétorique et leur phraséologie. Cependant, concrètement sur le terrain, on constate que les acteurs politiques et économiques chinois pratiquent la géopolitique de la même manière que les autres”, analyse Xavier Aurégan, auteur du livre “Chine, puissance africaine”.
La Chine s'est en effet ingérée, directement ou indirectement, dans plusieurs foyers de conflits sur le continent, notamment dans la Corne de l'Afrique, en Afrique centrale, et plus particulièrement dans les deux Soudans, du Nord et du Sud. Certes, contrairement à la Russie et à ses milices Wagner, la Chine n'envoie pas de mercenaires, mais elle peut recourir à des sociétés de sécurité privées pour protéger ses mines, ses investissements et, plus largement, ses intérêts.
"La Chine envoie aussi des Casques Bleus pour sécuriser les puits de pétrole, notamment au Soudan du Sud", poursuit notre expert. Le piège du surendettement peut également fragiliser certains pays, les rendant dépendants financièrement, économiquement et politiquement vis-à-vis des banques chinoises, et donc, in fine, du pouvoir chinois, puisque la majorité des grandes banques chinoises appartiennent à l'État.
Soufiane CHAHID
3 questions à Xavier Aurégan : “Une dépendance politique et économique à la Chine pourrait poser problème”
Maître de conférences à l’Université catholique de Lille et auteur du livre “Chine, puissance africaine”, Xavier Aurégan a répondu à nos questions concernant l’influence chinoise en Afrique.
- Le piège de la dette chinoise est-il un réel problème en Afrique ?
Il est vrai que la Chine a intérêt à prêter de l'argent, car elle dispose d'importantes réserves de devises, ce qui lui permet de prêter à de nombreux pays, y compris dans le cadre des Nouvelles Routes de la Soie. Cela permet de mettre en circulation l'argent qui sommeille dans les caisses des banques chinoises. D'un autre côté, les pays africains ont besoin de financements pour investir dans l’infrastructure. Cependant, à long terme, si la Chine devient le principal bailleur de fonds et la première banque de plusieurs pays africains, cela pourrait poser des problèmes d'ordre politique et financier, notamment en ce qui concerne le surendettement et, surtout, une dépendance économique, financière et politique des gouvernements africains vis-à-vis des banques chinoises, et donc du pouvoir chinois, puisque les banques en Chine sont essentiellement publiques. C'est une situation ambivalente, car nous vivons dans un système capitaliste où la création de dette est nécessaire pour investir, ce qui laisse peu de choix aux pays africains.
- Comment réagissent les autres puissances asiatiques ?
Que ce soit le Japon, la Corée du Sud, la Turquie ou l’Inde, on observe des critiques portant notamment sur le manque de transparence des relations économiques et financières sino-africaines. Ces pays dénoncent également les stratégies politiques et idéologiques de la Chine en Afrique, tout en se positionnant dans le cadre des normes et des standards de transparence occidentaux, afin de vilipender les interventions en Afrique, perçues comme une extension extraterritoriale de la politique étrangère chinoise.
- Le rejet de la France par les pays du Sahel représente-t-il une opportunité pour Pékin ?
C'est une opportunité dans le sens où, si la France est évincée du Sahel, cela laisse une place supplémentaire. Il y a Wagner qui s'est immiscé dans ce territoire, et effectivement, la Chine pourrait également profiter de cette ouverture pour renforcer sa présence politique, diplomatique et économique. Cependant, on observe que le régime malien a demandé aux Casques Bleus chinois de quitter le pays. Ce n'était pas dirigé contre la Chine, mais contre la Résolution de l'ONU. En tant que membre permanent du Conseil de Sécurité, la Chine se voit contrainte de s'adapter aux volontés des juntes militaires actuellement au pouvoir. Ainsi, la situation est plus ambivalente et complexe qu'elle ne peut parfois paraître.
Recueillis par Soufiane CHAHID
Guerre commerciale : Le Maroc, pays connecteur
Le 13 juin, la Commission Européenne a annoncé son intention d’imposer une surtaxe sur les importations de voitures électriques en provenance de Chine, avec des taux variant de 17 à 38%. Si l'UE justifie cette décision par des pratiques anticoncurrentielles, le gouvernement chinois y voit une mesure protectionniste et n’écarte pas des représailles. Cette action est l'une des manifestations de la guerre commerciale autour du marché des voitures électriques entre fabricants chinois, américains et européens.
Dans ce contexte, le Maroc cherche à se positionner en tant que pays “connecteur”. Afin de ne pas se priver de l’accès aux marchés des pays concurrents, certains industriels choisissent d’investir dans des pays spécifiques pour en faire leurs bases industrielles de relais. Il s’agit ainsi du Vietnam pour le marché chinois, du Mexique pour le marché américain et du Maroc pour le marché européen.
Lié par un accord de libre-échange avec l’UE et bénéficiant d’un écosystème automobile solide, le Royaume est en passe de devenir la plateforme privilégiée d’exportation de voitures électriques chinoises vers l’Europe. Les annonces d’investissements dans les batteries électriques, portées par les entreprises chinoises BTR et Gotion High Tech, ne sont que les premières étapes de la ruée vers cette nouvelle industrie.
Dans ce contexte, le Maroc cherche à se positionner en tant que pays “connecteur”. Afin de ne pas se priver de l’accès aux marchés des pays concurrents, certains industriels choisissent d’investir dans des pays spécifiques pour en faire leurs bases industrielles de relais. Il s’agit ainsi du Vietnam pour le marché chinois, du Mexique pour le marché américain et du Maroc pour le marché européen.
Lié par un accord de libre-échange avec l’UE et bénéficiant d’un écosystème automobile solide, le Royaume est en passe de devenir la plateforme privilégiée d’exportation de voitures électriques chinoises vers l’Europe. Les annonces d’investissements dans les batteries électriques, portées par les entreprises chinoises BTR et Gotion High Tech, ne sont que les premières étapes de la ruée vers cette nouvelle industrie.
Maroc - Chine : Promesses d’investissement à la pelle
Conduite par le Chef du gouvernement, la délégation marocaine a profité de son déplacement en Chine pour rencontrer des investisseurs potentiellement intéressés à s'installer dans le Royaume. Aziz Akhannouch a notamment rencontré Lei Xu, président du groupe Sunrise, leader mondial de l’industrie textile, qui possède des implantations dans plusieurs pays d’Asie.
Lors de cette réunion, le Chef du gouvernement a assuré du soutien de l'État pour la réalisation d’un projet stratégique d’investissement du groupe Sunrise au Maroc, d’un montant de 4,1 milliards de dirhams. Ce projet, qui a fait l'objet d'un protocole d'accord (MoU) en avril 2024, permettra la création de 11.000 emplois directs d’ici trois ans dans plusieurs régions du Royaume, grâce au lancement de complexes industriels intégrant l’ensemble de la filière.
Le Chef de l'Exécutif a également visité l'usine de Gotion High Tech et a fait le point sur l’avancement des travaux de la gigafactory de Kénitra, lors d'une réunion de travail avec le président du groupe, Zen Li. Cette gigafactory est un projet intégré de production de batteries électriques, dont la première phase nécessitera un investissement de 14 milliards de dirhams et permettra de créer 17.000 emplois. Le démarrage de l’exploitation est prévu pour le second trimestre 2026.
Enfin, la délégation marocaine s’est rendue dans la province d’Anhui, considérée comme la deuxième plateforme du pays en termes de production et d’exportation d’automobiles. Elle abrite notamment deux constructeurs nationaux : Chery Automobile (basé à Wuhu) et Anhui Jianghuai Automobile (JAC, basé à Hefei), ainsi qu’Anhui Ankai Automobile, un des principaux fabricants chinois d’autobus et d’autocars. L'objectif de cette visite était de convaincre ces industriels de s’installer au Maroc.
Lors de cette réunion, le Chef du gouvernement a assuré du soutien de l'État pour la réalisation d’un projet stratégique d’investissement du groupe Sunrise au Maroc, d’un montant de 4,1 milliards de dirhams. Ce projet, qui a fait l'objet d'un protocole d'accord (MoU) en avril 2024, permettra la création de 11.000 emplois directs d’ici trois ans dans plusieurs régions du Royaume, grâce au lancement de complexes industriels intégrant l’ensemble de la filière.
Le Chef de l'Exécutif a également visité l'usine de Gotion High Tech et a fait le point sur l’avancement des travaux de la gigafactory de Kénitra, lors d'une réunion de travail avec le président du groupe, Zen Li. Cette gigafactory est un projet intégré de production de batteries électriques, dont la première phase nécessitera un investissement de 14 milliards de dirhams et permettra de créer 17.000 emplois. Le démarrage de l’exploitation est prévu pour le second trimestre 2026.
Enfin, la délégation marocaine s’est rendue dans la province d’Anhui, considérée comme la deuxième plateforme du pays en termes de production et d’exportation d’automobiles. Elle abrite notamment deux constructeurs nationaux : Chery Automobile (basé à Wuhu) et Anhui Jianghuai Automobile (JAC, basé à Hefei), ainsi qu’Anhui Ankai Automobile, un des principaux fabricants chinois d’autobus et d’autocars. L'objectif de cette visite était de convaincre ces industriels de s’installer au Maroc.