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Inondations : après le déluge, la question  des dédommagements émerge


Rédigé par Amine ATER Lundi 11 Janvier 2021

48 heures de pluie ont suffi pour mettre l’infrastructure casablancaise à genoux. Des précipitations record qui ont entraîné des dommages importants. En attendant un bilan détaillé des dégâts matériels, la question des dédommagements commence à être posée Eclairage sur une possible polémique à venir.



Inondations : après le déluge, la question  des dédommagements émerge
Le Royaume a enregistré la semaine dernière de fortes pluies culminant jusqu’à 107 et 100 mm entre les 7 et 8 janvier dernier respectivement à Mohammedia et Casablanca. Une semaine de précipitations record accueillies avec joie par les agriculteurs, mais qui ont montré les limites des infrastructures de plusieurs villes du Royaume, notamment celles de la capitale économique. En l’espace de 24 heures, la ville de Casablanca a vu ses trémies, autoroute urbaine, voie ferrée, avenues, habitations, commerces ou encore administrations, complètement inondés. Des précipitations qui ont également provoqué l’effondrement de plusieurs habitations menaçant ruine à Hay El Mohammadi et à la Médina, causant morts et blessés.

Assurés et non assurés
A l’heure où le Conseil de la ville rejette la faute sur la Société délégataire Lydec, aucun bilan concret des pertes matérielles et financières causées par les inondations n’a été communiqué par les autorités. Le Conseil n’a toujours pas annoncé d’actions concrètes pour remédier aux blocages des axes routiers et ferrés, pour la réparation du réseau d’assainissement ou autres infrastructures vitales endommagées. En attendant, nombre de Casablancais, comme des citoyens dans d’autres villes, ont vu leurs voitures, commerces ou habitations noyés.

Un tel niveau de dégâts soulève la question du dédommagement et sous quelle forme une victime peut-elle y avoir droit. Pour un assureur de la place, « il faut distinguer  entre 2 types de victimes, les personnes ayant souscrit un contrat d’assurances et celles qui n’en disposent pas ». Pour le premier cas, il existe trois familles principales de  polices et l’assurance automobile qui prévoit une garantie inondation ou infiltration des eaux pluviales. Les victimes ayant contracté une assurance se feront remboursées sur la base des capitaux prévus dans leurs contrats, une fois les sinistres déclarés, puis expertisés.

Conseil de la ville vs Lydec
Les personnes ne disposant pas de ce type de garanties « pourront exercer un recours  contre la partie responsable de cet événement que ce soit une Société délégataire ou une administration publique », précise l’expert en assurance avant d’ajouter : « Si le recours est accepté, c’est le contrat responsabilité civile exploitation de la partie responsable qui joue et la victime est dédommagée selon les capitaux prévus sur ce contrat ». C’est sur ce volet que la situation risque de se tendre, preuve en est l’empressement du Conseil de la ville à désigner la Société délégataire Lydec comme responsable. Preuve en est les déclarations faites par le maire Abdelaziz Omari le 7 janvier au JT de 2M, où il invite les Casablancais victimes des intempéries à se faire indemniser auprès de Lydec.

La Société délégataire axe de son côté sa communication de crise sur des questions techniques, mettant en avant son « programme d’entretien et de curage des réseaux et des ouvrages ». Le délégataire met également l’accent, dans un communiqué, sur son programme d’investissement, soit près de 26 milliards de DH depuis 1997. Une enveloppe dont environ 45% auraient servi à la mise en place d’infrastructure d’assainissement liquide, selon Lydec. Toutefois, l’opérateur n’apportera pas plus de précision sur la répartition de cette enveloppe budgétaire, se bornant à souligner que cet effort aurait « permis de résorber de nombreux points d’inondation ».

Concernant les inondations des 6 et 7 janvier, l’entreprise délégataire évoque une « pluie de période de retour de 50 ans ». Des précipitations ayant provoqué « des débordements constatés qui sont essentiellement dus à la saturation des réseaux sur des points sensibles identifiés ne permettant pas d’absorber des pluies de forte intensité et des zones non encore équipées en réseaux d’assainissement pluvial ». Pour ce qui de la question des dédommagements, Lydec indique que « chaque cas sera étudié avec l’appui d’une expertise qui déterminera les responsabilités », sans donner plus de détails.

Le Fonds de Solidarité bientôt saisi ?
Autre piste pour les personnes ne disposant pas de contrat d’assurance : le Fonds de solidarité contre les événements catastrophiques. Mise en place il y a un an, cette structure a pour mission « de faire face aux dommages corporels et matériels subis par une personne morale ou physique suite à un événement soudain, imprévu et en absence d’un responsable fautif », explique un assureur de la place. En clair, le Fonds est censé être le bras armé de l’Etat pour indemniser les victimes de catastrophes naturelles. Reste à savoir si l’Exécutif y aura recours. « L’Etat doit décréter qu’il s’agit bien d’une catastrophe naturelle pour que le Fonds joue pleinement son rôle », précise l’assureur.

En attendant, aucune cellule de crise n’a été mise en place ni au niveau national, ni au niveau du Grand Casablanca, pour parer aux urgences. Le Conseil de ville de la capitale économique s’est limité pour l’instant à organiser une « réunion d’urgence », le vendredi 8 décembre, aux termes de laquelle aucune mesure concrète ou plan d’action n’ont été dévoilés. Un flottement dans tous les sens du terme qui se produit, rappelons-le, en période pré-électorale. Ce contexte pourrait pousser le Conseil de la ville, voire la majorité gouvernementale, à agir avec prudence, soit à enchaîner les effets d’annonce lors des prochains jours.

Les victimes de la montée des eaux commencent, pour leur part, à s’organiser. A l’image d’un groupe de commerçants casablancais qui ont déposé une plainte en référé contre la Société délégué Lydec, la tenant responsable pour les dégâts subis. En optant pour cette procédure d’urgence, ces commerçants visent à effectuer une constatation rapide des dégâts par un expert désigné par le tribunal, de manière à prouver la responsabilité du prestataire. Une manoeuvre juridique contrariée par les éléments vu que le tribunal a lui-même été noyé sous les flots !

Amine ATER

3 questions à Fouad Douiri, président d’ODDO Assurances et ex-ministre de l’Energie

Fouad Douiri
Fouad Douiri
De la difficulté d’établir les responsabilités

- Quels sont les mécanismes prévus pour dédommager les victimes d’inondations comme celles qui frappent actuellement plusieurs villes ?
- Il existe un mécanisme national qui est la loi sur les catastrophes naturelles dans la mesure où l’Etat reconnaît l’état de catastrophe naturelle. Une fois ce palier franchi, toutes les personnes disposant d’une assurance seront compensées alors que les non assurés bénéficieront des compensations prévues par la loi. Il n’empêche que l’Etat, c’est-à-dire le Chef du gouvernement, doit encore activer l’état de catastrophe naturelle. Parallèlement, les personnes ayant subi des préjudices peuvent faire jouer les garanties prévues dans leurs polices, en faisant expertiser leurs dommages. Il existe, en effet, des garanties contre les inondations et le ruissellement qui garantissent des dédommagements.

- Quel rôle peut jouer le Fonds de solidarité contre les événements catastrophiques dans ce genre de cas de figure ?
- Le Fonds est un organisme qui vise à rembourser les sinistres occasionnés par des événements naturels exceptionnels. Un mécanisme qui se déclenche une fois une commission technique coordonnée par l’Intérieur et présidée par le Chef du gouvernement constate un état de catastrophe naturelle ayant une ampleur exceptionnelle. Pour la situation actuelle, il est vrai que les précipitations enregistrées la semaine dernière à Casablanca restent exceptionnelles, preuve en est que les services de météo ont indiqué que ce genre de précipitations ne se produisent que tous les 20  ans. Reste à savoir quelles zones seront proposées pour être classées en état de catastrophe naturelle et bénéficier des mécanismes.

- Ceci dit, quelles sont les options de dédommagement concrètes ouvertes aux victimes des inondations, notamment à Casablanca ?
- Le premier volet auquel peut référer une victime de dommages lié aux inondations reste l’assurance. Les gens peuvent demander réparations et exiger des dédommagements s’ils disposent de contrats d’assurance couvrant ce genre de dommages. Autre possibilité est le fait d’établir la responsabilité de société délégataire ou de prestataire de services comme Lydec pour Casablanca, voire du donneur d’ordre, à savoir la mairie ou Wilaya ayant concédé le marché. Reste à faire constater et expertiser les dommages et sinistres occasionnés par les inondations, ouvrir un dossier de réclamation et surtout démontrer la faute ou préjudice pouvant mettre en cause la responsabilité civile de la société délégataire. Une procédure qui reste aux mains de la Justice et qui peut prendre un certain temps avant d’être résolue. Le meilleur conseil à donner aux gens souhaitant se protéger de  ce genre de scénario reste de s’assurer !

Recueillis par A. A.

Encadré

Fonds de Solidarité contre les événements catastrophiques : Qui peut en bénéficier
et comment ?

Opérationnel depuis un an, le Fonds de solidarité contre les événements catastrophiques a été mis en place pour préserver les intérêts des victimes d’inondations, tremblements de terres, incendies…, voire même d’actes terroristes. La principale mission du Fonds reste de proposer un « régime mixte d’indemnisation » aux victimes de catastrophes naturelles.

Placée sous la tutelle du Chef du gouvernement, cette structure vise à garantir un droit minimal à compensation « du préjudice corporel ou de la perte de l’usage de la résidence principale » subi à la suite d’un événement catastrophique, tout en mettant en place une offre de couverture de ce genre d’événement affectant les personnes titulaires d’un contrat d’assurance. Une couverture qui ne peut être débloquée, qu’une fois l’état de catastrophe naturelle déclaré, par la commission de suivi des événements catastrophiques. Une fois un incident classé comme catastrophe naturelle, les victimes pourront bénéficier des dédommagements prévus par le texte de loi encadrant le Fonds.

Repères

Villes inondées
70 mm de cumul de pluies enregistrées entre le 6 et le 7 janvier, suivies de 100 mm en 24 heures entre le 7 et le 8 janvier, rien qu’au niveau de Casablanca. Des précipitations record que Lydec a décrites comme « une pluie de période de retour de cinquante ans » et qui ne s’est pas limitée à la seule région du Grand Casablanca, mais a également touché une grande partie du Royaume. Bien que les dégâts les plus spectaculaires aient été enregistrés à Casablanca, d’autres villes comme Mohammedia ou encore Tétouan ont également subi des inondations.
Quid des mesures d’entretien préventif ?
Les fortes pluies abattues sur le Grand Casablanca ont causé des dégâts intra-muros. Les inondations nourrissent moult interrogations sur les obligations contractuelles du  délégataire de la gestion du réseau de l’eau et de l’assainissement à la métropole, Lydec, particulièrement par rapport aux travaux de prévention. Toutefois, une source bien informéenous confie que vu la nature du contrat liant la ville et la Lydec, les pouvoirs publics ne peuvent guère interpeller cette dernière sur les mesures d’entretien préventif. D’ailleurs, lors de la réunion du comité des équipements sociaux, qui s’est tenue vendredi, le DG de la Lydec aurait responsabilisé le Conseil de la ville pour les inondations, du fait qu’il n’a pas fourni l’enveloppe nécessaire pour renforcer le réseau de désinfection liquide.








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