- Votre enquête : « Du mondial au local : réduction de l’échelle des indicateurs TVA pour le Maroc à l’aide d’un modèle interrégional entrées-sorties » ou « Comment les régions marocaines contribuent-elles à la création de valeur ajoutée mondiale ? » vient à point nommé à l’heure où les régions sont au centre de toutes les questions de développement. D’abord, quel est en peu de mots l’état des lieux ?
L'étude révèle qu'il existe différentes hiérarchies d'intégration commerciale interrégionale et internationale au Maroc, ce qui a des implications pour l'inégalité régionale dans le pays. La recherche indique aussi que les liens interrégionaux génèrent plus des trois quarts de la valeur ajoutée totale générée par le commerce au Maroc.
Les régions métropolitaines, en particulier le Grand Casablanca-Settat, jouent un rôle important dans la création de valeur ajoutée, représentant une part substantielle du commerce interrégional et de la valeur ajoutée totale. En outre, l’enquête met en évidence l'interdépendance structurelle entre les régions marocaines, montrant que certaines régions dépendent significativement plus du commerce avec d'autres, en particulier avec le Grand Casablanca-Settat.
- Vous suggérez de décomposer le vecteur de demande finale en demande intérieure et extérieure pour mettre l'accent sur les sources de la valeur ajoutée échangée et de ses destinations. Quels sont les mécanismes pour y parvenir ?
L'absorption intérieure de la demande finale saisit les composantes de cette demande finale qui comprennent la demande provenant de l'investissement, des ménages, du gouvernement et des ISBLSM (institutions sans but lucratif au service des ménages). Ces composantes représentent les types de demande originaires du pays et sont considérées comme faisant partie de l'absorption intérieure.
En outre, la demande finale étrangère est décomposée en destinations des exportations marocaines par les principaux pays partenaires commerciaux, mesurant la valeur ajoutée générée par le commerce interrégional du pays (entre ses régions) et son commerce extérieur (capturant la demande étrangère). Cette approche fournit une réinterprétation unique du modèle entrées-sorties en termes de relation entre la production brute, la demande finale et la valeur ajoutée.
- Quel système d’entrées-sorties modèle mettre en place, en termes de relation entre la production brute, pour la demande finale et la génération valeur ajoutée par les principaux partenaires commerciaux des régions du Maroc ?
Le modèle de système d'entrées-sorties utilisé dans l'étude est le système interrégional d'entrées-sorties pour le Maroc (IIOS-MOR). Celui-ci est lié à la demande finale et à la génération de valeur ajoutée. Il a été développé avec une collaboration de trois institutions de recherche gouvernementales et privées. Le système interrégional d’entrées-sorties pour le Maroc (IIOS-MOR) couvre 20 secteurs de l’économie nationale dans les 12 régions marocaines.
Il contient un vecteur d'exportations étrangères, que nous avons décomposé en 66 destinations étrangères les plus importantes des exportations marocaines, y compris un vecteur pour le reste du monde.
Ce système permet de mesurer et de retracer la valeur ajoutée échangée déclenchée par les partenaires commerciaux et son impact particulier sur la génération de valeur ajoutée par industrie et au sein des régions commerciales du pays. Ce qui permet de fournir une compréhension détaillée de la relation entre la production brute, la demande finale et la valeur ajoutée générée par les principaux partenaires commerciaux des régions du Maroc.
- Quelle analyse faites-vous de la structure commerciale interrégionale au Maroc à partir des grands axes ?
De plus, les régions ayant des transferts nets de valeur ajoutée positifs dans le commerce interrégional sont situées dans les zones d'influence immédiate des principales agglomérations urbaines du pays, principalement Grand Casablanca-Settat et Rabat-Salé-Kénitra, ainsi que les régions spécialisées dans les activités à forte intensité de ressources naturelles à l’exception de la région Marrakech-Safi. Ceci indique une structure complexe et interconnectée du commerce interrégional au Maroc.
Les trois principales régions métropolitaines, à savoir Grand Casablanca-Settat, Rabat-Salé-Kénitra et Tanger-Tétouan-Al Hoceima, sont toutes déficitaires en termes de balance des valeurs ajoutées inter-échangées. À première vue, l'analyse montre une interdépendance structurelle entre les régions marocaines révélant la forte dépendance de toutes les régions vis-à-vis du Grand Casablanca-Settat.
Cependant, l'analyse de la dépendance nette de la région vis-à-vis du commerce interrégional profite davantage à certaines régions qu'à la région principale elle-même. Ainsi, nous montrons dans l’étude qu'en plus de la région métropolitaine de Grand Casablanca-Settat, d'autres régions peuvent influencer significativement les activités d'autres économies régionales à travers les chaînes d'approvisionnement, notamment Marrakech-Safi, Souss-Massa, et Béni Mellal-Khénifra.
- L’étude indique que le commerce peut être un moteur important d’une croissance économique rapide et de la création de richesses. Comment cela peut-il être réalisé ?
L'analyse souligne également le rôle critique que certaines économies régionales, telles que le Grand Casablanca-Settat, jouent dans la stimulation de la croissance économique et la création de la valeur ajoutée dans d'autres régions par le biais du commerce interrégional.
Cela suggère que le commerce peut agir comme une locomotive pour le développement économique, en particulier compte tenu de l'interdépendance des économies régionales et des gains potentiels de la participation au commerce international.
Entretien réalisé par Wolondouka SIDIBE
Bon à savoir
Elhoussaine Wahyana, Chercheur émérite, détient un Master en Commerce international, Spécialisé en « Chairs de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pour les pays en voie de développement », de l'Université Mohammed V de Rabat. Il a enrichi son expertise en obtenant un second master en « Analyse économique et politiques publiques » de la Faculté des Sciences de la Gouvernance, Economiques et Sociales de l'Université Mohammed VI Polytechnique. Actuellement, doctorant en sciences de management à l'Université Internationale de Rabat, M. Wahyana se distingue par sa spécialisation dans l'impact des technologies de l'industrie 4.0 à révolutionner le monde d’entreprise. Sa recherche approfondie sert à contribuer de manière significative à la compréhension des implications stratégiques et managériales de cette nouvelle révolution technologique.