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Interview avec Rashid Ben Addi: « La rue est ma source d'inspiration pour écrire »


Rédigé par Recueillis par Mariem LEMRAJNI Jeudi 23 Mai 2024

Avec son œuvre récente « Baqaya Bachar » (Les vestiges de l'humanité), l'écrivain Rashid Ben Addi a non seulement franchi les frontières de la réalité, mais il a également plongé au cœur des enjeux sociaux les plus pressants, captivant ainsi un large auditoire au Salon du livre. Interview.



  • Quelle a été votre source d'inspiration principale pour la création de ce recueil de nouvelles ?
 
La rue est ma source d'inspiration. Après toutes ces années de pratique de l'écriture, je sors dans la rue, j'observe et je trouve ce dont j'ai besoin en termes d'idées et d'histoires. Un simple incident peut se transformer en une histoire profonde. Pour moi, la rue est un trésor précieux.

C'est là que l'on peut découvrir des merveilles, à condition de se concentrer sur les petits détails qui peuvent inspirer de grandes idées pour un bon travail littéraire. C'est dans cette observation minutieuse de la vie quotidienne que naissent mes récits les plus authentiques et captivants.
 
  • Pouvez-vous nous offrir un aperçu de la genèse de cette fascinante compilation de récits ?
 
« Baqaya Bachar » (Les vestiges de l'humanité) est une œuvre littéraire  qui transcende les limites de la réalité pour plonger au cœur des questions sociales les plus cruciales. Chaque nouvelle est tissée d'une manière qui dénude les masques de l'illusion pour révéler la vérité crue qui se cache en dessous.

Je voulais disséquer les couches de la société, pour exposer les vérités inconfortables et les réalités qui sont souvent ignorées. Chaque histoire est un voyage captivant dans l'âme humaine, qui explore les profondeurs de la condition humaine. Cette collection de nouvelles représente pour moi  un miroir révélateur qui invite les lecteurs à réfléchir, à ressentir et à s'interroger sur le monde qui les entoure.
 
  •  Comment avez-vous choisi les thèmes abordés dans votre livre ?
 
Les sujets sur lesquels j'écris s'imposent à moi d'une manière ou d'une autre : des événements qui me sont arrivés personnellement, des événements dont j'ai été témoin, ou des histoires racontées lors de discussions. Ces sujets ont presque tous un point commun : ils concernent les marginalisés et les exclus, ceux qui n'ont pas de voix, les thèmes que beaucoup préfèrent éviter.

J'aborde des questions qui poussent le lecteur à ressentir une piqûre, un inconfort subtil, sans pour autant provoquer un effondrement soudain. Ce sont des sujets souvent choquants, mais essentiels, qui exposent les réalités brutes et poignantes de notre société. À travers ces récits, j'essaie de donner une voix à ceux qui en sont dépourvus, en espérant provoquer une prise de conscience et encourager une réflexion profonde chez mes lecteurs.
 
  • Y a-t-il une histoire en particulier qui vous a particulièrement marqué ou ému lors de l'écriture ?
 
Il y a toujours une histoire dans mon travail qui résonne particulièrement avec moi. Dans « Baqaya Bachar » (Les vestiges de l'humanité), c'est l'histoire du météore éteint à la page 12 qui me touche le plus. Elle est devenue très personnelle, peut-être parce qu'elle a été écrite dans des moments difficiles, ce qui m'a permis d'explorer des aspects de moi-même plus profonds que d'habitude. Cette histoire, je crois, a touché quelque chose d'essentiel en moi, en faisant d'elle une pièce vraiment significative pour moi.
 
  • Comment avez-vous travaillé pour donner vie à des personnages aussi variés et réalistes ?
 
Dans chacune de mes histoires, que ce soit dans mes nouvelles ou mes romans, les protagonistes sont des individus ordinaires. Je ne suis pas attiré par les personnages idéaux évoluant dans un monde utopique. Ce qui m'intéresse, ce sont les êtres humains marginalisés dans notre société : ceux qui ont faim et pleurent, ceux qui pêchent et prient, ceux qui travaillent la terre de leurs mains pour subsister, les doux vieillards sans abri, les enfants orphelins vendant des mouchoirs, les jeunes rejetés... Ce sont eux qui captent le plus mon attention, et je m'efforcerai toujours d'écrire à leur sujet, dans l'espoir que mes mots parviendront un jour à ceux qui peuvent leur tendre la main.
 
  •  Quel message souhaitez-vous transmettre à travers ces histoires ?

Je crois que quiconque plongera dans l'œuvre que j'ai essayé de composer dans une langue étouffée par le vacarme découvrira qu'elle trouve toujours un chemin dans les marges. Une langue qui, malgré ses blessures, détient la plénitude. Une langue qui leur susurrera : n'hésitez pas à contempler la laideur de notre existence, car nous l'avons façonnée et nous devons la défier.
 
  • Quelle est l'importance de l'écriture dans votre vie ?
 
Pour moi, l'écriture est bien plus qu'une simple activité de loisir ; c'est une vocation qui absorbe tout mon temps et requiert un engagement total. Depuis mes débuts en 2015, je me suis rendu compte que c'était un travail titanesque, demandant des sacrifices considérables. Inspiré par les paroles du grand écrivain américain Bukowski, j'ai choisi de consacrer exclusivement mon énergie à l'écriture, convaincu que si l'on se lance, il faut aller jusqu'au bout. Lorsque j'ai publié mon premier roman, j'ai dû naviguer seul, sans conseils ni guides. Chaque aspect, de l'écriture à la correction en passant par la conception de la couverture, j'ai tout accompli moi-même.

Fort de cette expérience solitaire, j'ai ressenti le devoir d'aider les jeunes auteurs, de leur transmettre les connaissances que j'ai acquises afin de faciliter leur propre cheminement littéraire. Ainsi, je m'efforce d'offrir des ateliers et des conseils dès que possible, convaincu que partager mon savoir est non seulement un devoir, mais aussi une source d'enrichissement mutuel.
 
  • Y a-t-il des éléments autobiographiques dans vos nouvelles ?

Dans chaque récit, quel que soit le thème abordé, je laisse toujours transparaître une part intime de moi-même. C'est pourquoi j'opte systématiquement pour la première personne du singulier. À maintes reprises, j'ai dévoilé des facettes de ma vie, des secrets enfouis, mais je les ai toujours présentés sous le voile protecteur de la fiction, brouillant ainsi les frontières entre réalité et imagination.

Cette ambiguïté délibérée laisse le lecteur dans un état d'incertitude, se demandant si ce qu'il découvre relève de l'auteur ou d'un personnage inventé. C'est dans ce flou artistique que réside, à mes yeux, une partie de la magie de l'écriture : cette capacité à fusionner le vécu et l'inventé, à créer un espace où la vérité et la fiction se confondent, laissant à chacun le loisir d'interpréter à sa guise.
 








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