Le journaliste, tels les titres qu’il rejoint, crée ou développe, est généraliste. Il tutoie la politique, l’économie, le social, la culture, le sport, le digital. Son évolution dans le temps et dans le ton, fait de lui un redoutable éditorialiste, analyste, polémiste, critique, interviewer…, homme de presse. Meneur de troupes également, avec douceur mais aussi fracas. Le journalisme, après quelques tribulations radiophoniques en France, il le déflore en responsable : rédacteur en chef, fondateur-directeur, directeur général.
L’homme s’ouvre prudemment à l’autre, préfère les relations aux contours balisés, pose généreusement des questions et répond aux questionnements avec parcimonie, son discours étant inlassablement imagé. Son humour tranchant, slalomant différents degrés, le rend délicieusement déroutant. Ses éclats de rires montent crescendo, quoique le pince-sans-rire demeure une marque de fabrique chez ce citoyen du monde qui scrute l’univers les pieds sur la terre de ses ancêtres. Marocain jusqu’à la mort, c’est ce qu’il ne cesse de prouver, en réflexions et en actes. Aujourd’hui, entre le chevronné et la pétulance, la disruption est irrémédiablement consommée. Khalil n’est plus.
L’homme s’ouvre prudemment à l’autre, préfère les relations aux contours balisés, pose généreusement des questions et répond aux questionnements avec parcimonie, son discours étant inlassablement imagé. Son humour tranchant, slalomant différents degrés, le rend délicieusement déroutant. Ses éclats de rires montent crescendo, quoique le pince-sans-rire demeure une marque de fabrique chez ce citoyen du monde qui scrute l’univers les pieds sur la terre de ses ancêtres. Marocain jusqu’à la mort, c’est ce qu’il ne cesse de prouver, en réflexions et en actes. Aujourd’hui, entre le chevronné et la pétulance, la disruption est irrémédiablement consommée. Khalil n’est plus.
Manager des Frères Bouchnak
Venu au métier par effraction à l’image d’une belle frange de sa génération et de précédentes autres, Khalil Hachimi Idrissi fait des études en géographie à La Sorbonne dans la capitale française, enchaîne avec une maîtrise en urbanisme. Il fréquente ensuite les bureaux parisiens de l’Agence Maghreb Arabe Press dirigée par Chakib Laâroussi et où évoluent Mansour Madani, Issiali Aârab et la future patronne des lieux Hasna Daoudi. Dans la foulée et dans les mêmes murs naît une structure artistique du nom de « Atlas Productions ». Hachimi est sa cheville ouvrière. Ainsi devient-il manager des Frères Bouchnak ! Avec lui, ils se produisent, entre autres, sur la scène de l’évènement « Happy New Raï » organisé à Casablanca par Jamila Barrada en collaboration avec 2M International et réalisent un CD renfermant le succès « Raï Y ».
Cette page tournée, Khalil rentre définitivement au pays où il est attendu dans les locaux de Maroc Hebdo International, hebdomadaire récemment créé par l’ancien reporter de Jeune Afrique Mohamed Selhami. Un magazine qui voit trépasser, parmi ses collaborateurs, quelques « figures de la presse marocaine » : Fouad Nejjar, Boubker Mounkachi, Amale Samie, Abdellatif Mansour… Durant son séjour à Maroc Hebdo, Khalil Hachimi Idrissi retient l’attention, se fait un nom, secoue une rédaction au bord de la langueur et forme avec Selhami et Abdallah Chankou (futur fondateur du Canard Libéré) le trio émergent de l’hebdomadaire.
Khalil, lui, marque intelligemment son passage de plusieurs années à la villa qui tient lieu de siège de la revue, notamment en mettant en place une chronique dite « Billets bleus » que la maison d’édition EDDIF sort en recueil (« Billets bleus, chroniques marocaines », 1994-2000) en 2005, cinq années après la rupture du journaliste avec Maroc Hebdo. Dans la préface, le poète et cofondateur de la revue culturelle et littéraire Souffles Mostafa Nissaboury rappelle : « (…) Pendant ces riches heures du Royaume, je me souviens que dès les premiers billets, dans un paysage médiatique encore marqué, des œuvres de domestication subies avant et après le long vizirat basrien -et cela m’avait paru augurer d’un nouveau ton dans la presse écrite- Khalil Hachimi Idrissi avait fait très vite figure de journaliste pas comme les autres. Tout au long du billet, le raisonnement restera sans cesse infaillible, le discours direct et entraînant, la formule rapide, le raccourci saisissant.
Le sujet abordé se poursuivra irrésistiblement avec une telle perception aiguë des circonstances et sous le prisme d’un regard jeté sur les faits d’une telle lucidité qu’on en sort, finalement, pas seulement bien informé, mais libre d’avoir notre propre intelligence des faits abordés. » Outre cette publication, Hachimi qui se laisse bercer par la rime et dont il use avec délectation, signe « À la conquête de rien » (2011, La Croisée des chemins), les recueils de poèmes « Subterfuges ou les détours des rimes rebelles » (2012, éditions Zanzibar) et « La foi n’est convoquée que les jours de fête » (2017, La Croisée des chemins), « Une conversation marocaine » (2015, éditions Casa-Express). Khalil est également cofondateur, président et Grand officier des Compagnons de Gutenberg-Maroc, président de la Fédération Marocaine des Éditeurs de Journaux, président de la Fédération Atlantique des agences de presse africaines.
Les coups de canif
En quittant Maroc Hebdo en 2000, Khalil Hachimi Idrissi plonge rapidement dans la confection d’un nouvel hebdomadaire, Aujourd’hui le Maroc, qui voit le jour l’année suivante. Un challenge et une place à prendre. Le tour de table permet au nouveau patron d’évoluer à ses aises. Une valse au sein de la rédaction fait, par ailleurs, chalouper les pas. L’hebdomadaire donne progressivement le ton d’un « produit » détonnant avec un épisode qui fait aujourd’hui sourire : une passe d’armes par écrits interposés entre Hachimi et le directeur d’une publication -Demain- dont la crédibilité renvoie aux actuels réseaux sociaux. Khalil finit par lancer une campagne d’affichage avec le slogan assassin « Ne lisez pas Demain… ce que vous pouvez lire Aujourd’hui ».
Un des coups de canif dont Hachimi a le secret. L’aventure Aujourd’hui le Maroc sous la direction de son fondateur prend fin en 2011 lorsque le Roi le nomme directeur général de l’agence fondée par Mehdi Bennouna la MAP. Un poste qu’il conserve jusqu’à sa disparition. Là encore, Khalil fait des siennes. La boîte à dépêches se transforme en un groupe de presse à multiples expressions : outre le desk, émergent des publications papier, des stations radio, une télévision, un rayon digital et des déclinaisons indépendantes par thèmes. Des voix s’élèvent alors criant au dépassement des prérogatives initiales de l’agence. Mais Hachimi fonce tête baissée. Jusqu’à son dernier souffle, jusqu’à ce départ vers l’éternité.
Anis HAJJAM