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Culture

L’Enfer, c’est les autres : De l’anecdotique au symbolique


Rédigé par Mustapha RAOUD le Mercredi 29 Décembre 2021

Roman phénomène, roman actuel. L’Enfer, c’est les autres dépeint la dure réalité d’un monde en pleine mutation. La transmutation de l’individu, jadis, vivant heureux et isolé en un individu malheureux et empaqueté dans des logements à plusieurs.



L’Enfer, c’est les autres : De l’anecdotique au symbolique
Ce roman suit la progression d’un narrateur-professeur qui subit de plein fouet des tracasseries de toutes sortes du fait d’avoir accepté d’être au milieu du commun des mortels. Dans ces logements à bas coût, le narrateur part de l’anecdotique pour brosser une profonde réalité sociologique. Ainsi, l’anecdotique prend des allures symboliques.

Sans verbiage, le roman L’Enfer, c’est les autres met en relief l’invivable rapport du « Moi » à « l’Autre » dans le maintien du cap salutaire. Le Professeur, veut vivre dignement et dans la clarté de la gestion commune, tandis que « les autres » n’aspirent qu’à suivre « leurs vies bancales et banales » sans se préoccuper de la conduite à tenir pour le bien commun. De ce fait, des truands s’emparent et détruisent le rêve d’une vie commune et solidaire. Le beau rêve de cohabitation et de solidarité se transforme curieusement en une réalité amère métamorphosant ainsi un novice (le Professeur) en un véritable vétéran (symbole de la rébellion pour l’instauration d’un ordre légal).

Le protagoniste, dans ce récit autodiégétique, s’héroïse et butte contre les vicissitudes de la vie de la copropriété qu’il contourne intelligemment, mais il finit par succomber à « une bouffonne tragédie » ou la rage de la masse à son encontre.

A l’aune des séquences relatant l’avidité des masses, et sa soumission volontaire au syndic malfaisant, une question s’impose dès lors que l’on cherche à comprendre comment le dominé s’assujettit à la domination de l’autre : n’est-il pas absurde qu’un copropriétaire paie onéreusement et sous l’intimidation des services de gestion à minima, voire inexistants ? La juste évocation du terme domination nous renvoie immédiatement aux réflexions d’Antonio Gramsci qui voulait comprendre, lui aussi, comment la classe dominante justifie et maintient sa domination, et obtient même le consensus actif des dominés. Question qu’on peut traduire selon les termes du roman : pourquoi les copropriétaires accordent sciemment leur consentement à la domination de ce syndic ravagé par le fléau de l’alcool? Pourquoi s’obstinent-ils étrangement à vouloir le retour de leur tyran fraudeur notoire et recherché par la police ?

Quelle hécatombe attitudinale ! Cette hégémonie consentie s’explique selon les termes du roman, par le « béni-oui-oui » Les copropriétaires écrasés participent au processus consensuel et imitent par « suivisme aveugle ». Une telle notion nous rappelle la célèbre citation d’Ibn-Khaldūn « le vaincu tâche toujours d’imiter le vainqueur ».

Roman à la croisée des chemins et loin des sentiers battus, « L’Enfer, c’est les autres » constitue, en quelque sorte, une étude psychique et sociologique de la réalité infernale du Maroc des bas-fonds.


Mustapha RAOUD
Lecture du roman, "L’Enfer, c’est les autres", Ed. Orion



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