Le sexagénaire qui sommeille en moi et dans mon état civile se rappelle de la déferlante rap de la fin des années 1970 qui s’est subitement abattue sur nos âmes biberonnées à la voix et au chant mélodieux, arabes ou occidentaux. Le rap agit alors comme une gifle, comme un réveil brutal, comme un rappel à l’ordre. On y détecte des cris de survie, des appels au secours d’une population américaine ghettoïsée et au bord de l’explosion. C’est le street language qui s’exprime. Pas de loi ni de règles pour exister. Une jungle bienvenue et détonante qui nous interpelle. On découvre Shugarhill Gang qui chaparde la ligne musicale de « Good Times » du groupe Chic pour confectionner « Rapper’s Delight » et les multiples samples chourés plus tard à James Brown momentanément incarcéré pour violence conjugale. Que du beau monde… Le rap, hip hop un temps, évolue variablement dans la décennie suivante. LL Cool J, Public Enemy, KRS-One, A Tribe Called Quest ou Big Daddy Kane entre autres, « éduquent » nos oreilles à un rap largement contestataire avant que le Gangsta fasse sa pesante apparition avec la charge violente qu’il entend diffuser. Dans le lot, Ice Cube ou Ice T, puisant dans un registre politique qui les dépasse. Diatribes et logorrhées prennent alors le dessus, instituant le rap comme arme à destruction fragile qui passe la main au chash pour une triste relève. Cette nouvelle approche se solde par l’assassinat, bandes rivales à l’appui, de Notorious Big ou encore 2Pac. Entre-temps, le rap nage pour atteindre les côtes latino-américaines, jette l’encre en Europe, accoste son navire en Afrique et fatalement au Maroc. Là, l’éclat est généré par le succès grandissant du festival urbain L’Boulevard de Casablanca. Emergent ensuite Bigg (futur Don), Muslim et autres apprentis à l’aura/flow discutable. Que font actuellement les auto-proclamés clasheurs ? Pitié. Seulement, les « vues » les confortent dans une approche douteuse.