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L’offensive soft de la diplomatie marocaine sur le front asiatique


Rédigé par Anass Machloukh Dimanche 2 Juin 2024

De Pékin à Séoul en passant par Tokyo, la diplomatie marocaine a renforcé ses liens avec les trois puissances asiatiques qui partagent la volonté de booster leur business avec le Maroc. Décryptage.



Le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, serrant la main du président chinois, Xi Jinping, à Pékin lors du Forum sino-arabe.
Le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, serrant la main du président chinois, Xi Jinping, à Pékin lors du Forum sino-arabe.
 

Cela fait plusieurs jours que le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l'étranger, Nasser Bourita, sillonne l’Asie dans le cadre d’une tournée régionale. L’agenda est chargé et les rencontres se succèdent rapidement. Le Chef de la diplomatie marocaine s’est rendu, dimanche, à la République de Corée, où il a eu des entretiens approfondis avec son homologue, Cho Tae Yul. Une visite qui intervient en marge du premier Sommet Corée-Afrique, duquel Séoul a exclu le Polisario, en tant que persona non grata.

 

Comme révélé en exclusivité par « L’Opinion », Séoul est désireux de profiter de ce Sommet pour intensifier sa coopération avec le Maroc à travers des accords concrets qui ont été signés lors de la visite de Nasser Bourita. Trois domaines sont prioritairement visés, à savoir la protection réciproque des droits des ressortissants respectifs dans les deux pays, la coopération climatique et l’encadrement des prêts de développement. Séoul se voit désormais comme une future puissance économique influente à l’international, raison pour laquelle il veut se positionner en force en Afrique en passant par des pays-carrefours comme le Maroc. La Corée compte désormais multiplier ses investissements au Royaume. Il fallait donc créer une base juridique adéquate pour bâtir ce nouveau partenariat.

 

Vers un accord commercial approfondi avec Séoul
 

Plus important encore, Rabat et Séoul ont officialisé leur volonté de conclure un Accord de partenariat renforcé. Une volonté actée dans un communiqué conjoint. Le chemin reste encore long puisqu’il s’agit d’une déclaration d’intention. Les deux pays ont entamé des discussions exploratoires pour établir un cadre juridique sur le commerce et l’investissement. Concrètement, Séoul cherche à signer un accord qui ressemble à peu près au schéma d’un traité de libre-échange sans aller jusqu’au bout du démantèlement des tarifs, comme l’avait expliqué l’ancien ambassadeur coréen à Rabat, Keeyoung Chung, dans une interview accordée précédemment à « L’Opinion ».

 

Pour le Maroc, cet accord servira surtout à attirer davantage d’IDE en provenance de la Corée qui dispose d’une industrie de pointe dans plusieurs secteurs, dont l’automobile, le ferroviaire, l’aéronautique et la défense. Interrogées par « L’Opinion », des sources diplomatiques coréennes à Rabat nous expliquent que Séoul n’attendait qu’un cadre juridique pour booster ses investissements au Royaume. Entre-temps, les deux pays veulent promouvoir leur concertation politique, dont ils veulent optimiser les mécanismes, tel qu’indiqué dans le communiqué conjoint publié à l’issue de la réunion des deux ministres. La 8ème session de la Commission mixte est également prévue. L’accent est mis aussi sur l’intensification des visites de part et d’autre pour insuffler une nouvelle dynamique aux relations.

 

Un pas de plus vers le Japon

 

Avant de prendre le chemin pour Séoul, Nasser Bourita a fait une escale au Japon. À Tokyo, la cheffe de la diplomatie japonaise, Yoko Kamikawa, et le ministre de l’Economie lui ont fait part de la volonté de leur pays de renforcer ses relations économiques avec le Maroc. Le gouvernement japonais partage aussi la volonté de la Corée de faire du Royaume une plateforme d’expansion de ses entreprises en Afrique. Ceci s’est traduit par la signature d’un mémorandum de coopération pour un Partenariat renforcé. Certes, un mémorandum n’a pas la force d’un accord de coopération, mais il y ouvre le chemin. Rabat et Tokyo voient plus grand et visent un éventail de secteurs, dont l’économie, le commerce, la pêche, la recherche scientifique et la gestion des ressources hydriques.

 

Dans un geste de bonne volonté, le Japon a tenu à clarifier une fois pour toutes sa position sur la question du Sahara, dont il mesure le caractère existentiel pour les Marocains. Tokyo, par la voix de son ministère des Affaires étrangères, a exprimé son "appréciation des efforts sérieux et crédibles du Maroc" dans le cadre de l’initiative d’autonomie. Une façon de tourner définitivement la page de l’épisode malencontreux de la TICAD (Sommet Afrique-Japon en 2023 où le Polisario fut convié à l’insu des autorités japonaises). Troisième puissance économique mondiale, le Japon est assez implanté au Maroc, avec 830 millions de dollars d’investissements. Les entreprises japonaises y emploient 50.000 personnes. Mais ce volume n’est pas suffisant, tout comme le commerce qui reste dérisoire par rapport aux ambitions. Le Japon n’est que le 28ème client du Maroc et son 26ème fournisseur.

 

Le Maroc consolide son alliance avec Pékin

 

La tournée asiatique de Bourita révèle bien la stratégie de diversification des partenaires. En témoigne le périple chinois du Chef de la diplomatie marocaine qui a entamé sa tournée asiatique en Chine où il a pris part au Sommet sino-arabe. Une occasion de se projeter sur le partenariat sino-marocain avec les dirigeants de Pékin. Les discussions ont porté essentiellement sur la coopération économique, qui revêt une importance cardinale pour Pékin chargé d’édifier la Cité Mohammed VI Tanger Tech, lancée à l’occasion de la Visite Royale à Pékin en 2016. Durant son entretien avec son homologue chinois, Wang Yi, Bourita a mis l’accent sur ce projet ambitieux et la croissance remarquable des investissements chinois dans la mobilité électrique, l’automobile, les énergies renouvelables et les infrastructures. Aujourd’hui, près d’une dizaine de groupes chinois sont installés dans la cité de Tanger qui se veut comme une sorte de Silicon Valley industrielle au Nord du Royaume. Les entretiens de Nasser Bourita avec le ministre chinois montrent à quel point l’Empire du Milieu voit en le Royaume “un hub de Métiers Mondiaux”. Une remarque que la diplomatie marocaine a pris soin d’expliciter dans le compte rendu des discussions. Un statut qui fait du Maroc un partenaire beaucoup plus crédible et privilégié pour Pékin en Afrique du Nord. De quoi frustrer l’Algérie qui voit les investissements de son “premier partenaire” filer vers le Maroc. C’est pour cette raison que le président Tebboune, conscient du déclassement de son pays, a chargé en urgence son ministre des Affaires étrangères d’amadouer les dirigeants chinois en marge du Sommet sino-arabe. En Asie, la Chine demeure le principal partenaire du Maroc. Avec un commerce estimé à 7,6 milliards de dollars, Pékin est le troisième partenaire commercial du Royaume, sachant que la cadence du négoce ne cesse de s’accélérer. Force est de constater que les échanges ont augmenté de 50% en 2022.
 

Sur le plan politique, Rabat et Pékin ont des convergences de vues. Bien qu’étant un allié historique des Etats-Unis, le Maroc adhère volontiers depuis 2022 à l’initiative des Routes de la Soie (autrement dit "la Ceinture et la Route"). Un engagement réitéré par Nasser Bourita qui a souligné la complémentarité entre les initiatives stratégiques de SM le Roi en faveur des États africains atlantiques et l’initiative chinoise.

 









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