Topographie, 40 x 40 cm, mixte sur cellulosique, 2021.
Il y a du corps et beaucoup de coeur dans ce foisonnement de cris administrés sous apnée. Une implacable maîtrise du «suggéré» traverse nonchalamment des oeuvres discrètement sonores. Et cette fraîcheur des tons ! Après avoir longtemps caressé le corps et ses expressions par le derme, Florence Arnold ose le scalpel. Nous voilà invités à pénétrer dans un univers secret, rythmé d’abats reliefs. Le coeur en maître de cérémonie, il dirige une étonnante symphonie où le la est sans cesse donné. Non par tâtonnement, mais pour que les plus distraits de ses congénères se décident à suivre. Seulement, les suites, souvent identifiées par l’artiste comme étant des topographies, voient leurs objets rangés dans un désordre affolant de minutie.
Même les plus plates de ces pièces s’offrent en volumes. Une géographie interne qui piétine les lieux et leurs contours. Florence Arnold vit au Maroc et en France, voyage beaucoup, retient son souffle lorsque le confinement l’impose, travaille quand ses neurones l’embrasent. «Ma vie est une histoire de terre et de rencontres, mon identité ‘citoyenne du monde’. Mon enfance m’a influencée dans ma recherche artistique, toujours en mouvement, changeant de pays, de maison, de culture. J’ai beaucoup appris des autres. Mon travail a un rapport à l’espace, un espace qui est actuel et métaphorique, liant le passé et l’avenir», dit-elle, broyant le présent qu’elle construit de mémoire en s’interrogeant sur le futur.
Lendemain faits d’immédiatetés
Florence Arnold n’abandonne pas le corps qu’elle chérit tant. Dans «D’un monde à l’autre», elle questionne sur le devenir lorsqu’on a vécu, sur le lendemain fait d’immédiatetés, sur les séquelles qui font bourgeonner l’inconnu. C’est ce qu’elle enveloppe dans un corps suscitant aussi bien l’émerveillement que la prudence. Rien n’est dit, tout est à définir par la volonté d’un néant qui se fait ample. En attendant, elle interpelle et propose, enjolive et implique l’espoir. Florence Arnold donne à réfléchir à travers des formes qui traduisent avec élégance tous ses mots peints ou sculptés, installés ou navigant dans les airs : «Ces formes n’ont aucune limite. Elles se répandent comme un tracé de poudre, laissant apparaître un nuage sans explosion comme dans un rêve (…) Ces volumes organiques flottent, sont en lévitation et ne sont pas attachés à une terre, un espace ou un environnement.» Il y a aussi ses matières et ses champs d’action, sa manière de les évoquer : «L’utilisation du papier hydrofuge blanc, de lumière et parfois de bande sonore renforce l’idée d’éphémère et de spirituel. Elles ont un ‘univers convergeant’ l’univers.»
Scanner la vie
La technique empruntée par l’artiste renvoie au classicisme d’il y a trois siècles. Voilà ce que disait d’elle le marchand d’art, Dominique Potier, à la fin des années 2000 : «Elle supprime toutes les lourdeurs par ce droit absolu de l’artiste de ne proposer que sa création en l’espèce, la beauté à contre-pied total des grands artistes du XXe siècle comme Giacometti qui n’en montrait que les blessures et les cicatrices ou comme Francis Bacon, ce peintre si dérangeant de l’homme seul, perdu et hurlant, réduit à sa qualité de chaos quasiment ontologique. Florence nous dit certainement que nous sommes les enfants du jeu et de l’amour et que cette beauté sublimée et blanchâtre qu’elle nous propose appartient à l’éphémère, tout comme nous d’ailleurs.» La «jeune» artiste de l’époque où ces lignes sont écrites fait continuellement grandir son aura, s’inscrivant dans des registres ouverts à l’international, puisqu’elle «n’est pas attachée à une terre, un espace ou à un environnement». Elle scanne la vie et ses méandres pour nous la livrer en poésie sans rime, en nous la proposant en une prose d’une extrême vitalité. Et lorsqu’elle ne dit mot, c’est son frêle corps qui donne de la voie. Avec beaucoup de coeur.
Même les plus plates de ces pièces s’offrent en volumes. Une géographie interne qui piétine les lieux et leurs contours. Florence Arnold vit au Maroc et en France, voyage beaucoup, retient son souffle lorsque le confinement l’impose, travaille quand ses neurones l’embrasent. «Ma vie est une histoire de terre et de rencontres, mon identité ‘citoyenne du monde’. Mon enfance m’a influencée dans ma recherche artistique, toujours en mouvement, changeant de pays, de maison, de culture. J’ai beaucoup appris des autres. Mon travail a un rapport à l’espace, un espace qui est actuel et métaphorique, liant le passé et l’avenir», dit-elle, broyant le présent qu’elle construit de mémoire en s’interrogeant sur le futur.
Lendemain faits d’immédiatetés
Florence Arnold n’abandonne pas le corps qu’elle chérit tant. Dans «D’un monde à l’autre», elle questionne sur le devenir lorsqu’on a vécu, sur le lendemain fait d’immédiatetés, sur les séquelles qui font bourgeonner l’inconnu. C’est ce qu’elle enveloppe dans un corps suscitant aussi bien l’émerveillement que la prudence. Rien n’est dit, tout est à définir par la volonté d’un néant qui se fait ample. En attendant, elle interpelle et propose, enjolive et implique l’espoir. Florence Arnold donne à réfléchir à travers des formes qui traduisent avec élégance tous ses mots peints ou sculptés, installés ou navigant dans les airs : «Ces formes n’ont aucune limite. Elles se répandent comme un tracé de poudre, laissant apparaître un nuage sans explosion comme dans un rêve (…) Ces volumes organiques flottent, sont en lévitation et ne sont pas attachés à une terre, un espace ou un environnement.» Il y a aussi ses matières et ses champs d’action, sa manière de les évoquer : «L’utilisation du papier hydrofuge blanc, de lumière et parfois de bande sonore renforce l’idée d’éphémère et de spirituel. Elles ont un ‘univers convergeant’ l’univers.»
Scanner la vie
La technique empruntée par l’artiste renvoie au classicisme d’il y a trois siècles. Voilà ce que disait d’elle le marchand d’art, Dominique Potier, à la fin des années 2000 : «Elle supprime toutes les lourdeurs par ce droit absolu de l’artiste de ne proposer que sa création en l’espèce, la beauté à contre-pied total des grands artistes du XXe siècle comme Giacometti qui n’en montrait que les blessures et les cicatrices ou comme Francis Bacon, ce peintre si dérangeant de l’homme seul, perdu et hurlant, réduit à sa qualité de chaos quasiment ontologique. Florence nous dit certainement que nous sommes les enfants du jeu et de l’amour et que cette beauté sublimée et blanchâtre qu’elle nous propose appartient à l’éphémère, tout comme nous d’ailleurs.» La «jeune» artiste de l’époque où ces lignes sont écrites fait continuellement grandir son aura, s’inscrivant dans des registres ouverts à l’international, puisqu’elle «n’est pas attachée à une terre, un espace ou à un environnement». Elle scanne la vie et ses méandres pour nous la livrer en poésie sans rime, en nous la proposant en une prose d’une extrême vitalité. Et lorsqu’elle ne dit mot, c’est son frêle corps qui donne de la voie. Avec beaucoup de coeur.