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Actu Maroc

Le Maroc et les États-Unis s’engagent contre le trafic illicite

Patrimoine archéologique


Rédigé par Oussama ABAOUSS Lundi 18 Janvier 2021

Les États-Unis et le Maroc viennent de mettre en œuvre un protocole pour empêcher l’importation illégale sur le territoire américain d’objets archéologiques et ethnographiques marocains.



Signature d’un accord pour la préservation du patrimoine culturel contre le trafic illicite entre le Maroc et Les États-Unis d’Amérique.
Signature d’un accord pour la préservation du patrimoine culturel contre le trafic illicite entre le Maroc et Les États-Unis d’Amérique.
Jeudi 14 janvier, à Rabat, a été signé un mémorandum d’entente entre le Maroc et les États-Unis afin de lutter contre le trafic illicite des biens culturels, en général, et des objets archéologiques et ethnographiques, en particulier. Cet accord bilatéral a été acté par Othman El Ferdaous, ministre de la Culture, de la Jeunesse et Sports, et David Fisher, ambassadeur des États-Unis d’Amérique au Maroc. Qualifiant les États-Unis de « plus grand marché des arts et de la culture au monde », le ministre marocain de la Culture a souligné que ce mémorandum est « le fruit d’un travail de longue haleine mené avec le concours du ministère des Affaires Étrangères, qui prévoit des mesures procédurales pour lutter contre le trafic des objets archéologiques et ethnographiques du Maroc vers les États-Unis ». Othman El Ferdaous a par ailleurs souligné que cet « accord constitue une étape importante dans la lutte contre la criminalité transnationale organisée, et fait partie d’un effort plus large en direction des pays du marché de l’art ».

Un cadre général de coopération
« Ce mémorandum est un cadre général d’entente entre le Maroc et les États-Unis pour empêcher l’importation sur le territoire américain d’objets de nature patrimoniale ou ethnographique. C’est une procédure qui ciblera surtout les services douaniers américains », explique Youssef Khiara, directeur du patrimoine culturel au sein du ministère de la Culture, de la Jeunesse et Sports et cheville ouvrière de cet accord. « J’ai été chargé de ce dossier en 2015. Depuis, j’ai effectué plusieurs réunions avec les autorités américaines et un séjour à Washington pour rencontrer les diverses parties prenantes concernées et négocier les termes de cet accord », nous raconte Youssef Khiara qui précise que ce mémorandum découle d’un long processus qui a nécessité « de trouver la juste mesure entre les lois fédérales américaines et les lois marocaines et de mettre en convergence les compréhensions des notions de patrimoine et de propriété des deux côtés de l’Atlantique ». 

Nécessité des accords bilatéraux​  
La convention internationale qui fait office de référence en matière de lutte contre le trafic des biens culturels a été soumise à la 16ème session de la Conférence Générale de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) et adoptée le 14 novembre 1970. « Le Maroc a ratifié cette convention en 2003 suite à une prise conscience de la menace qui pèse sur notre patrimoine. Si toutes les conventions de l’UNESCO ont pu former les comités subsidiaires chargés de leur mise en œuvre, la convention de 1970 n’a pu le faire qu’en 2013. Le Maroc a intégré ce comité, ce qui nous a permis de nous impliquer et de soulever les problèmes de trafic illicite des objets archéologiques et ethnographiques dans les pays arabes et d’Afrique notamment. Cela a également eu des répercussions sur le plan national », raconte Youssef Khiara qui précise que la convention de l’UNSECO a fortement recommandé aux pays de construire des accords bilatéraux dans ce domaine. 

D’autres protocoles en cours 
En plus de la convention et des accords culturels que le Royaume noue avec plusieurs pays, le ministère de la Culture a depuis commencé à cibler des pays qui sont traditionnellement considérés comme des marchés internationaux de l’art, afin d’établir des protocoles bilatéraux pour la lutte contre le trafic des objets archéologiques et ethnographiques marocains. « Nous avons établi des protocoles de ce genre avec l’Italie, le Pérou et maintenant avec les États-Unis. Avec la France, nous avons un accord inscrit dans le cadre de la coopération culturelle sur cette base duquel nous avons pu rapatrier les 25.000 pièces archéologiques marocaines qui étaient en France depuis 2005 », explique Youssef Khiara qui avait fait le déplacement à Marseille pour coordonner la restitution de ces objets avec les autorités françaises. « Nous sommes actuellement dans le processus de construire d’autres protocoles avec d’autres pays afin de renforcer la protection de notre patrimoine », conclut le directeur du Patrimoine culturel.

Oussama ABAOUSS

3 questions à Youssef Khiara, directeur du Patrimoine culturel

Youssef Khiara
Youssef Khiara
« Beaucoup de détenteurs font l’amalgame entre déclarer un objet et se le faire exproprier par l’État »

Youssef Khiara, directeur du Patrimoine culturel au ministère de la Culture, a répondu à nos questions concernant les pièces archéologiques ou ethnographiques détenues par des particuliers.

- Un particulier qui détient une pièce archéologique ou ethnographique, a-til le droit de la garder ?
- Au Maroc, nous respectons le principe de la propriété. Une famille qui a par exemple hérité d’un manuscrit datant de plusieurs siècles a un droit de propriété sur cet artefact. Cela dit, la loi marocaine souligne que les artefacts peuvent faire l’objet d’une protection juridique. Ce n’est malheureusement pas toujours systématique, car beaucoup de détenteurs font l’amalgame entre déclarer un objet et se le faire exproprier par l’État.

- Quel intérêt y a-t-il à déclarer un objet de ce genre au ministère de tutelle ?
- Quand un artefact qui a une valeur culturelle est identifié par le ministère de la Culture, il obtient une reconnaissance officielle de sa valeur culturelle et une protection juridique qui, entre autres, valorise le bien et augmente considérablement sa valeur financière. Le détenteur pourra toujours le garder à condition de bien le protéger. Il peut même le vendre tant que c’est au sein du territoire marocain sous réserve d’informer le ministère de la Culture pour garder la traçabilité de l’objet.

- Si l’objet est d’une grande valeur et a sa place dans un musée, sera-t-il saisi par l’État marocain ?
- Nos services s’informent des ventes d’artefacts potentiellement intéressants d’un point de vue archéologique ou ethnographique. Quand nous sommes avisés de la vente d’une pièce d’une valeur patrimoniale importante ou qui manque à la collection publique du département, le ministère peut procéder à son achat soit par entente directe avec le propriétaire notamment lorsque les pièces ne sont pas juridiquement protégées, soit par l’exercice du droit de Préemption de l’État conformément aux dispositions de la loi 22.80 telle qu’elle a été complétée et modifiée.

Recueillis par O. A.

Encadré

Projet de loi : Le patrimoine immatériel marocain en voie vers la reconnaissance et la valorisation

À la différence du patrimoine culturel matériel, le patrimoine immatériel marocain n’est pas encore pris en charge par la législation actuelle. « La définition du patrimoine immatériel ainsi que des mesures essentielles à sa sauvegarde, son identification, sa documentation, sa transmission aux générations futures, sa protection, sa promotion aux niveaux local, régional, national et international sont une nécessité », a souligné Othman El Ferdaous, ministre de la Culture, dans une annonce publiée sur Facebook jeudi dernier.

Un projet de loi relatif à la protection, la préservation et la valorisation du patrimoine culturel matériel et immatériel, élaboré par le ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, est actuellement engagé dans le processus d’adoption. Le nouveau projet de loi sur le patrimoine prévoit la création d’un registre national spécifique pour le patrimoine immatériel sur lequel les communautés locales, les associations de la société civile et les corporations de métiers pourront proposer l’inscription sur la liste nationale de l’inventaire par l’envoi d’une demande au ministère assortie de renseignements sur l’élément immatériel, sa valeur culturelle et éventuellement historique, les menaces potentielles qui pèsent sur lui et les actions proposées pour sa sauvegarde. Le projet de loi prévoit également la création d’un dispositif en faveur des trésors humains vivants pour accorder une reconnaissance officielle à ces « détenteurs de la tradition » et assurer la transmission de leurs connaissances aux jeunes générations.

Repères

Actualisation de la loi 80-22
Le ministre de la Culture a annoncé vendredi qu’une table ronde sur la protection juridique du patrimoine culturel matériel et immatériel sera organisée le 28 janvier à Rabat. L’événement associera des universitaires et professionnels des métiers du patrimoine, dans l’optique d’accélérer l’actualisation de la loi 22-80 après 40 années de sa mise en application, « dans la continuité d’une réflexion collective menée par le ministère avec la Fondation pour la Sauvegarde du Patrimoine Culturel de Rabat ».
Deux projets de loi en discussion
Le ministre de la Culture a également souligné que deux projets de loi relatifs aux musées et à la Fondation Nationale des Musées sont actuellement en discussion à la première Chambre. Ces projets de lois visent à renforcer la création de nouveaux musées, le contrôle de l’appellation « musée » et la préservation et la promotion du patrimoine matériel et immatériel, notamment pour ce qui concerne la récupération des pièces ethnographiques et archéologiques dont la saisie ou la confiscation a été décidée par la justice.








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