Sur le flan Est de l’avenue Hassan II, relevant de l’arrondissement Agdal- Riad, niche un joyau architectural et urbain à la fois modeste par les dimensions de ses structures et la sobriété de son style et riche par son cachet arabo-mauresque traditionnel combiné aux valeurs modernistes de l’urbanisme et de l’architecture. C’est le quartier des Habous communément appelé Diour Jamaâ, même si cette appellation désigne aujourd’hui un périmètre urbain beaucoup plus large allant du rond-point Auto-Hall au Nord à celui de Bab Tamesna au Sud, et des avenues Maghreb Al Arabi et Madagascar à l’Ouest à l’avenue de La Victoire à l’Est.
Le quartier des Habous, réparti en trois grands blocs de tailles différentes séparés par la rue Ibn Bajja (ex-rue Emile Zola) et sa perpendiculaire la rue Al Kindi, se trouve pour sa part ceinturé par l’avenue Hassan II à l’Ouest, la rue Mohamed Abdou au Sud, la rue Al Ghazali au Nord et le quartier Les Orangers à l’Est.
Le contexte
Retenu en 2012 parmi les sites de Rabat classés «patrimoine mondial de l’UNESCO», le quartier des Habous de Diour Jamaâ est une petite merveille née de la période coloniale quelques années seulement après que Rabat ait été consacrée Capitale du Royaume chérifien. C’est en 1917, en effet, que l’architecte français Albert Laprade, assisté des architectes Auguste Cadet et Edmond Brian, alors attaché à la Résidence générale au Maroc et adjoint de Henri Prost, urbaniste de Hubert Lyautey, avait lancé les travaux de construction de ce nouveau quartier dont la réalisation, étalée sur plus de 14 ans, prendra fin aux débuts des années 1930.
Le quartier des Habous, réparti en trois grands blocs de tailles différentes séparés par la rue Ibn Bajja (ex-rue Emile Zola) et sa perpendiculaire la rue Al Kindi, se trouve pour sa part ceinturé par l’avenue Hassan II à l’Ouest, la rue Mohamed Abdou au Sud, la rue Al Ghazali au Nord et le quartier Les Orangers à l’Est.
Le contexte
Retenu en 2012 parmi les sites de Rabat classés «patrimoine mondial de l’UNESCO», le quartier des Habous de Diour Jamaâ est une petite merveille née de la période coloniale quelques années seulement après que Rabat ait été consacrée Capitale du Royaume chérifien. C’est en 1917, en effet, que l’architecte français Albert Laprade, assisté des architectes Auguste Cadet et Edmond Brian, alors attaché à la Résidence générale au Maroc et adjoint de Henri Prost, urbaniste de Hubert Lyautey, avait lancé les travaux de construction de ce nouveau quartier dont la réalisation, étalée sur plus de 14 ans, prendra fin aux débuts des années 1930.
Et pour cause. Il était devenu urgent d’alléger la pression sur l’ancienne Médina de Rabat qui ne pouvait accueillir de nouvelles populations provenant d’autres contrées et attirées par les opportunités d’emploi qu’offraient la capitale et ses administrations naissantes.
La formule a été de créer, en association entre l’administration coloniale et celle des Habous, une nouvelle forme de tissus urbains pour loger, par voie de location, une population musulmane de classe moyenne constituée d’employés de l’administration et de quelques notables. Le nouvel ensemble d’habitat à construire à l’extérieur de la Médina devait aussi être à l’écart de la ville nouvelle réservée à la population européenne et aux édifices officiels. Ainsi en avait décidé l’administration coloniale. Le choix fut alors porté sur un endroit relativement en retrait mais facile d’accès, situé sur l’axe routier Rabat-Casablanca à moins d’un kilomètre environ des remparts Almohades. Le quartier des Habous dut être érigé au milieu de vergers faisant eux-mêmes partie d’une grande plantation d’agrumes qui couvrait encore au début du 20ème siècle une vaste zone comprise entre l’avenue Foch (la Résistance), l’avenue de Témara (Hassan II) et l’avenue de La Victoire (Annasr).
Sur les traces de l’ancienne Médina
Première particularité, le quartier des Habous a, par la force des choses, échappé à la règle dominante qui marquait généralement le tissu urbain traditionnel marocain et qui consistait en le passage par le stade de l’agglomération spontanée. Dûment planifié et dessiné, il a été pensé avec plan d’aménagement et exécuté dans la droite ligne de la philosophie proclamée par Lyautey, à savoir le respect de la culture et du cachet traditionnel locaux, tout en apportant une touche de modernité fonctionnelle. En fin de compte, le quartier a été le résultat d’un dialogue fructueux entre le passé arabo-musulman et le modernisme occidental. Un quartier qui mêle résidences et commerces et qui puise son âme dans l’identité mauresque tout en recelant dans ses détails un esprit de modernité. Il est évident qu’en s’inscrivant de façon préméditée dans la trame de la ville ancienne et de ses composantes historiques et patrimoniales, avec toutefois des rappels modernisés, la cité des Habous trahit un certain éblouissement des architectes et urbanistes français devant la beauté de l’authenticité de la tradition architecturale de la Médina de Rabat.
En y déambulant, on se sentirait justement en pleine ancienne médina mais en plus aéré, plus structuré et plus décongestionné, d’autant plus que tous les commerces ont été cantonnés en périphérie, sur l’avenue commerçante Hassan II. L’empreinte occidentale, à peine voilée, fait que les ingrédients de deux cultures différentes se mélangent et s’harmonisent dans un heureux brassage. Ruelles et impasses sont reliées à des artères au tracé régulier ; les «sabate», couvertes, communiquent par des ouvertures en arcs plein cintre. Le système dans son ensemble fait que les formes urbanistiques traditionnelles connues en médina sont respectées mais avec un plus : une voirie nettement plus large et régulière.
Les caractéristiques
Si les maisons de l’intérieur des trois îlots qui composent le secteur résidentiel du quartier sont dotées devant leur entrée de juste un petit perron, les maisons alignées sur la rue Mohamed Abdou, la rue Ibn Bajja plantée d’arbres et la rue Al Kindi, comportent sur le devant un jardinet clos de murs, offrant ainsi au quartier un chapelet d’unités de verdure. Le matériau de construction dominant est la pierre en gré dunaire de Salé utilisée comme matériau d’appareillage de certains éléments porteurs dont les piliers, les arcs, les chaînages d’angles et certains murs. On la retrouve aussi utilisée comme matériau décoratif dans les écoinçons des arcs, le traitement d’angles, les cheminées, les ouvertures d’aération… Les angles sont souvent traités en petites colonnes de pierres couronnés de chapiteaux à motifs floraux ou bien creux et arrondis traçant des arcs brisés, polylobés.
L’accès aux maisons se fait par des portes en bois clouté dont la forme de l’encadrement se présente sous plusieurs types distincts permettant ainsi de riches et variées devantures. Il y va de l’arc plein cintre coiffé d’un modillon avec encadrement rectangulaire, à la porte à linteau droit avec chambranle en bois, en passant par l’arc plein cintre coiffé d’un modillon et dépourvu d’encadrement ou encore l’arc en accolade ou à anse de panier.
Inspirée des maisons traditionnelles de la Médina, la conception architecturale des demeures comporte un vestibule d’entrée, une cour centrale et un étage. Le patio est à ciel ouvert et de plan carré autour duquel s’ouvrent des galeries et trois salles dont les accès présentent une variété d’arcs. Un escalier aboutit à l’étage qui se compose de deux pièces et où la symétrie est le maître mot.
Des exigences d’une vie moderne ont aussi été intégrées ; c’est le cas des cheminées, des sanitaires et les ouvertures qui sont de style européen moderne. Les façades des maisons sont cependant aveugles dans la plupart des cas et rares sont celles qui sont percées d’ouvertures, esprit conservateur de la société marocaine oblige. A noter aussi l’existence des auvents, ces éléments de couverture des portes et des fenêtres qui se présentent soit en bois ouvragé et peint, soit en maçonnerie reposant sur des consoles.
Les équipements
Plus globalement, par sa conception intégrée à la faveur de la vision occidentale, le quartier forme une unité urbaine autonome avec logements, mosquées, fours traditionnels, hammam et une école : la fameuse «Madrasat Al Ahbass» qui occupe une grande superficie et se compose d’un rez-de-chaussée et d’un étage. L’édifice, très bien ordonnancé, s’inscrit dans le style néo-mauresque et se développe autour d’une grande cour centrale bordée de galeries qui desservent les salles de cours, l’administration et les espaces sanitaires. Une vraie merveille architecturale. L’école des Habous est le dernier bâtiment à être livré, en 1938. Inaugurée officiellement par le roi Mohammed V et son héritier Moulay El Hassan en 1945, elle est aujourd’hui fermée (depuis 2014) sous le fallacieux prétexte de «détérioration de la construction» alors que la véritable raison n’a jamais été explicitée. Désaffectée et livrée à la vicissitude du temps au grand dam des habitants désabusés, sa fermeture et son abandon constituent un véritable gâchis. Mais c’est là une tout autre histoire.
Quant aux lieux de culte, cycliquement rénovés, le quartier des Habous dispose de deux mosquées construites à quelque 18 années d’intervalle. Il y a eu d’abord la Mosquée Omar Saqqaf à laquelle le quartier Diour Jamaâ doit son nom (Maisons de la Mosquée) et qui se dresse dans la partie Ouest du quartier en bordure de l’avenue Hassan II, mitoyenne à un orphelinat. Elle fut construite dans le cadre du noyau initial achevé une année après le lancement des travaux, noyau que les habitants du quartier désignent jusqu’à aujourd’hui par «lhoumalaqdima» (le quartier ancien) en référence à son ancienneté par rapport aux deux autres blocs d’habitations de part et d’autre de la rue Al Kindi et en haut de la rue Ibn Bajja. C’est une mosquée de dimensions modestes qui se compose d’une salle de prière, d’une courette, d’un minaret et d’une salle d’ablutions.
La deuxième Mosquée, plus petite, est celle dite Mosquée Frej. Elle est située dans la partie Nord du quartier des Habous, dans la rue du même nom communément appelée « houmet Frej » (le quartier de Frej). Cette Mosquée a été construite en 1936 et comporte une salle de prière de dimensions réduites et une nef qui donne sur le mur de la qibla. Le hamman traditionnel, situé presque à équidistance des différents coins du quartier, a été construit à l’identique des bains maures marocains avec trois salles : froide, tiède et chaude. Servant jusqu’aux débuts des années 1980 aux hommes et aux femmes par alternance, il a été ensuite scindé en deux pour servir aux deux gents en même temps, ce qui n’a pas manqué d’atteindre à sa conception typique de base.
Quant aux fours traditionnels, lieux de rencontres conviviales éphémères entre les habitants à l’heure de la récupération du pain pour le déjeuner, le quartier en compte deux, le premier à «lhouma laqdima » et le second - désormais fermé - est situé au centre du troisième bloc d’habitation, à proximité de «Madrasat Al Ahbass».
Le vivre ensemble
La conception du quartier dans le style médina avec la proximité qu’il permet a conféré à la cité un mode de vie sociale qui répond à l’authenticité marocaine ancestrale faite de convivialité, de solidarité, d’hospitalité et d’entraide entre les familles voisines. Le caractère «ramassé» de cette «petite médina» aidant, les portes des maisons ne se fermaient pratiquement jamais et les valeurs sociales propres à la culture arabo- musulmane, doublée de l’empreinte maghrébine, se sont imposées en élément déterminant d’un vivre ensemble jalousement préservé. L’éducation des enfants est une affaire quasi-collective, les fêtes se célèbrent en communauté et les deuils s’observent dans la solidarité agissante. Les fils et les filles de Diour Jamaâ tous âge, niveaux social et intellectuel confondus, évoquent cette spécificité sociale avec amour et beaucoup de fierté. Une spécificité qui a déteint sur le voisinage de la cité Habous, pour englober l’ensemble du quartier Diour Jamaâ dans ses plus larges dimensions. Le fait est qu’à travers les époques, le caractère même du quartier (cité Habous, houmet Frej, rue Qadi Ayad, Talba Rquiya, rue Tonkin, Ba Allal, Madagascar, la cité ONCF, les Orangers) avec ses valeurs culturelles et sociales, a façonné une jeunesse éveillée, ambitieuse et épanouie qui a su briller dans les différents domaines de la vie.
Le rayonnement
Diour Jamaâ est notoirement connu pour avoir vu naître ou accueilli pour un séjour souvent long des personnalités éminentes qui ont contribué, chacune dans son domaine propre, au rayonnement de ce quartier. Sur les plans intellectuel, politique, syndicaliste, culturel, artistique et sportif, le quartier des Habous, et plus largement Diour Jamaâ, a été particulièrement fécond et souvent cité en référence.
Au niveau politique, Diour Jamaâ a la réputation d’être le quartier de militants de renom qui ont marqué au fer blanc l’Histoire de l’action militante et nationaliste du Maroc. Des personnalités de la trempe de Mehdi Ben Barka, Mohamed Lyazidi, Fqih Ghazi, Mohamed Lyazghi, Fathallah Oualalou, Mohamed Gazoulet, Mohamed Guessous, entre bien d’autres, renseignent sur le degré d’activisme militant qui animait ce quartier…
On en dira autant pour le domaine culturel et artistique avec Larbi Doghmi, Habiba Medkouri et Abderrazak Hakam pour le théâtre ; Lhoussein Belmekki Hajjam, Mohamed Belkhadir, Abdelmajid Lfarrane, Mohamed Zaki, Amine Debbi pour le gharnati et la musique Al Ala ; Jilali Belmehdi et Ali Akif pour la musique moderne ; Larbi Belcadi pour les arts plastiques ; Abbas Benadada et Chakib Mesnaoui pour la musique Rock…
Le domaine sportif n’étant pas en reste, les seuls noms de Aziz Daouda, Khalid Labiyed, Saâd Dahane et autres Khalifa Bakhti et Mohamed Liyoubi, évoquent de bien belles épopées.
Outre donc l’innovation urbaine et architecturale qui le distingue, le quartier des Habous, cet ensemble urbain vivant, prolongement extérieur moderne de la Médina, présente une richesse patrimoniale matérielle et immatérielle qui témoigne d’une certaine profondeur culturelle et historique qui fait la fierté de plusieurs générations.
(Texte paru, légèrement modifié, dans le livre fraîchement édité «Rabat, Sérénité et Rayonnement»).
La formule a été de créer, en association entre l’administration coloniale et celle des Habous, une nouvelle forme de tissus urbains pour loger, par voie de location, une population musulmane de classe moyenne constituée d’employés de l’administration et de quelques notables. Le nouvel ensemble d’habitat à construire à l’extérieur de la Médina devait aussi être à l’écart de la ville nouvelle réservée à la population européenne et aux édifices officiels. Ainsi en avait décidé l’administration coloniale. Le choix fut alors porté sur un endroit relativement en retrait mais facile d’accès, situé sur l’axe routier Rabat-Casablanca à moins d’un kilomètre environ des remparts Almohades. Le quartier des Habous dut être érigé au milieu de vergers faisant eux-mêmes partie d’une grande plantation d’agrumes qui couvrait encore au début du 20ème siècle une vaste zone comprise entre l’avenue Foch (la Résistance), l’avenue de Témara (Hassan II) et l’avenue de La Victoire (Annasr).
Sur les traces de l’ancienne Médina
Première particularité, le quartier des Habous a, par la force des choses, échappé à la règle dominante qui marquait généralement le tissu urbain traditionnel marocain et qui consistait en le passage par le stade de l’agglomération spontanée. Dûment planifié et dessiné, il a été pensé avec plan d’aménagement et exécuté dans la droite ligne de la philosophie proclamée par Lyautey, à savoir le respect de la culture et du cachet traditionnel locaux, tout en apportant une touche de modernité fonctionnelle. En fin de compte, le quartier a été le résultat d’un dialogue fructueux entre le passé arabo-musulman et le modernisme occidental. Un quartier qui mêle résidences et commerces et qui puise son âme dans l’identité mauresque tout en recelant dans ses détails un esprit de modernité. Il est évident qu’en s’inscrivant de façon préméditée dans la trame de la ville ancienne et de ses composantes historiques et patrimoniales, avec toutefois des rappels modernisés, la cité des Habous trahit un certain éblouissement des architectes et urbanistes français devant la beauté de l’authenticité de la tradition architecturale de la Médina de Rabat.
En y déambulant, on se sentirait justement en pleine ancienne médina mais en plus aéré, plus structuré et plus décongestionné, d’autant plus que tous les commerces ont été cantonnés en périphérie, sur l’avenue commerçante Hassan II. L’empreinte occidentale, à peine voilée, fait que les ingrédients de deux cultures différentes se mélangent et s’harmonisent dans un heureux brassage. Ruelles et impasses sont reliées à des artères au tracé régulier ; les «sabate», couvertes, communiquent par des ouvertures en arcs plein cintre. Le système dans son ensemble fait que les formes urbanistiques traditionnelles connues en médina sont respectées mais avec un plus : une voirie nettement plus large et régulière.
Les caractéristiques
Si les maisons de l’intérieur des trois îlots qui composent le secteur résidentiel du quartier sont dotées devant leur entrée de juste un petit perron, les maisons alignées sur la rue Mohamed Abdou, la rue Ibn Bajja plantée d’arbres et la rue Al Kindi, comportent sur le devant un jardinet clos de murs, offrant ainsi au quartier un chapelet d’unités de verdure. Le matériau de construction dominant est la pierre en gré dunaire de Salé utilisée comme matériau d’appareillage de certains éléments porteurs dont les piliers, les arcs, les chaînages d’angles et certains murs. On la retrouve aussi utilisée comme matériau décoratif dans les écoinçons des arcs, le traitement d’angles, les cheminées, les ouvertures d’aération… Les angles sont souvent traités en petites colonnes de pierres couronnés de chapiteaux à motifs floraux ou bien creux et arrondis traçant des arcs brisés, polylobés.
L’accès aux maisons se fait par des portes en bois clouté dont la forme de l’encadrement se présente sous plusieurs types distincts permettant ainsi de riches et variées devantures. Il y va de l’arc plein cintre coiffé d’un modillon avec encadrement rectangulaire, à la porte à linteau droit avec chambranle en bois, en passant par l’arc plein cintre coiffé d’un modillon et dépourvu d’encadrement ou encore l’arc en accolade ou à anse de panier.
Inspirée des maisons traditionnelles de la Médina, la conception architecturale des demeures comporte un vestibule d’entrée, une cour centrale et un étage. Le patio est à ciel ouvert et de plan carré autour duquel s’ouvrent des galeries et trois salles dont les accès présentent une variété d’arcs. Un escalier aboutit à l’étage qui se compose de deux pièces et où la symétrie est le maître mot.
Des exigences d’une vie moderne ont aussi été intégrées ; c’est le cas des cheminées, des sanitaires et les ouvertures qui sont de style européen moderne. Les façades des maisons sont cependant aveugles dans la plupart des cas et rares sont celles qui sont percées d’ouvertures, esprit conservateur de la société marocaine oblige. A noter aussi l’existence des auvents, ces éléments de couverture des portes et des fenêtres qui se présentent soit en bois ouvragé et peint, soit en maçonnerie reposant sur des consoles.
Les équipements
Plus globalement, par sa conception intégrée à la faveur de la vision occidentale, le quartier forme une unité urbaine autonome avec logements, mosquées, fours traditionnels, hammam et une école : la fameuse «Madrasat Al Ahbass» qui occupe une grande superficie et se compose d’un rez-de-chaussée et d’un étage. L’édifice, très bien ordonnancé, s’inscrit dans le style néo-mauresque et se développe autour d’une grande cour centrale bordée de galeries qui desservent les salles de cours, l’administration et les espaces sanitaires. Une vraie merveille architecturale. L’école des Habous est le dernier bâtiment à être livré, en 1938. Inaugurée officiellement par le roi Mohammed V et son héritier Moulay El Hassan en 1945, elle est aujourd’hui fermée (depuis 2014) sous le fallacieux prétexte de «détérioration de la construction» alors que la véritable raison n’a jamais été explicitée. Désaffectée et livrée à la vicissitude du temps au grand dam des habitants désabusés, sa fermeture et son abandon constituent un véritable gâchis. Mais c’est là une tout autre histoire.
Quant aux lieux de culte, cycliquement rénovés, le quartier des Habous dispose de deux mosquées construites à quelque 18 années d’intervalle. Il y a eu d’abord la Mosquée Omar Saqqaf à laquelle le quartier Diour Jamaâ doit son nom (Maisons de la Mosquée) et qui se dresse dans la partie Ouest du quartier en bordure de l’avenue Hassan II, mitoyenne à un orphelinat. Elle fut construite dans le cadre du noyau initial achevé une année après le lancement des travaux, noyau que les habitants du quartier désignent jusqu’à aujourd’hui par «lhoumalaqdima» (le quartier ancien) en référence à son ancienneté par rapport aux deux autres blocs d’habitations de part et d’autre de la rue Al Kindi et en haut de la rue Ibn Bajja. C’est une mosquée de dimensions modestes qui se compose d’une salle de prière, d’une courette, d’un minaret et d’une salle d’ablutions.
La deuxième Mosquée, plus petite, est celle dite Mosquée Frej. Elle est située dans la partie Nord du quartier des Habous, dans la rue du même nom communément appelée « houmet Frej » (le quartier de Frej). Cette Mosquée a été construite en 1936 et comporte une salle de prière de dimensions réduites et une nef qui donne sur le mur de la qibla. Le hamman traditionnel, situé presque à équidistance des différents coins du quartier, a été construit à l’identique des bains maures marocains avec trois salles : froide, tiède et chaude. Servant jusqu’aux débuts des années 1980 aux hommes et aux femmes par alternance, il a été ensuite scindé en deux pour servir aux deux gents en même temps, ce qui n’a pas manqué d’atteindre à sa conception typique de base.
Quant aux fours traditionnels, lieux de rencontres conviviales éphémères entre les habitants à l’heure de la récupération du pain pour le déjeuner, le quartier en compte deux, le premier à «lhouma laqdima » et le second - désormais fermé - est situé au centre du troisième bloc d’habitation, à proximité de «Madrasat Al Ahbass».
Le vivre ensemble
La conception du quartier dans le style médina avec la proximité qu’il permet a conféré à la cité un mode de vie sociale qui répond à l’authenticité marocaine ancestrale faite de convivialité, de solidarité, d’hospitalité et d’entraide entre les familles voisines. Le caractère «ramassé» de cette «petite médina» aidant, les portes des maisons ne se fermaient pratiquement jamais et les valeurs sociales propres à la culture arabo- musulmane, doublée de l’empreinte maghrébine, se sont imposées en élément déterminant d’un vivre ensemble jalousement préservé. L’éducation des enfants est une affaire quasi-collective, les fêtes se célèbrent en communauté et les deuils s’observent dans la solidarité agissante. Les fils et les filles de Diour Jamaâ tous âge, niveaux social et intellectuel confondus, évoquent cette spécificité sociale avec amour et beaucoup de fierté. Une spécificité qui a déteint sur le voisinage de la cité Habous, pour englober l’ensemble du quartier Diour Jamaâ dans ses plus larges dimensions. Le fait est qu’à travers les époques, le caractère même du quartier (cité Habous, houmet Frej, rue Qadi Ayad, Talba Rquiya, rue Tonkin, Ba Allal, Madagascar, la cité ONCF, les Orangers) avec ses valeurs culturelles et sociales, a façonné une jeunesse éveillée, ambitieuse et épanouie qui a su briller dans les différents domaines de la vie.
Le rayonnement
Diour Jamaâ est notoirement connu pour avoir vu naître ou accueilli pour un séjour souvent long des personnalités éminentes qui ont contribué, chacune dans son domaine propre, au rayonnement de ce quartier. Sur les plans intellectuel, politique, syndicaliste, culturel, artistique et sportif, le quartier des Habous, et plus largement Diour Jamaâ, a été particulièrement fécond et souvent cité en référence.
Au niveau politique, Diour Jamaâ a la réputation d’être le quartier de militants de renom qui ont marqué au fer blanc l’Histoire de l’action militante et nationaliste du Maroc. Des personnalités de la trempe de Mehdi Ben Barka, Mohamed Lyazidi, Fqih Ghazi, Mohamed Lyazghi, Fathallah Oualalou, Mohamed Gazoulet, Mohamed Guessous, entre bien d’autres, renseignent sur le degré d’activisme militant qui animait ce quartier…
On en dira autant pour le domaine culturel et artistique avec Larbi Doghmi, Habiba Medkouri et Abderrazak Hakam pour le théâtre ; Lhoussein Belmekki Hajjam, Mohamed Belkhadir, Abdelmajid Lfarrane, Mohamed Zaki, Amine Debbi pour le gharnati et la musique Al Ala ; Jilali Belmehdi et Ali Akif pour la musique moderne ; Larbi Belcadi pour les arts plastiques ; Abbas Benadada et Chakib Mesnaoui pour la musique Rock…
Le domaine sportif n’étant pas en reste, les seuls noms de Aziz Daouda, Khalid Labiyed, Saâd Dahane et autres Khalifa Bakhti et Mohamed Liyoubi, évoquent de bien belles épopées.
Outre donc l’innovation urbaine et architecturale qui le distingue, le quartier des Habous, cet ensemble urbain vivant, prolongement extérieur moderne de la Médina, présente une richesse patrimoniale matérielle et immatérielle qui témoigne d’une certaine profondeur culturelle et historique qui fait la fierté de plusieurs générations.
(Texte paru, légèrement modifié, dans le livre fraîchement édité «Rabat, Sérénité et Rayonnement»).