En 1972, une bande de vingtenaires s’agite, une idée fixe comme leitmotiv : monter un groupe où la musique et les textes remuent les méninges. Sur des textes « assassins », ses membres bâtissent leurs premiers pas. Avant cette ferme et souhaitable claque, il y a un doux passé convoquant des sensibilités occidentales, sous le nom de Sawt Al Yaoum… en anglais. Entre le bon goût et la belle histoire, l’incompréhension se fait maîtresse. Un ami, un certain Boulemane devenu avocat au barreau de Marrakech, suggère le nom de Lemchaheb. Le mandoliniste Chérif Lamrani entend faire du bruit avec beaucoup de calme. Il y arrive en engrangeant le brouhaha de recrues à la revendication arabe dialectale, qu’il choisit ou pas. Chérif est ferme : « Nas El Ghiwane, c’est de la guimauve. » Ce qui ne l’empêche pas de changer d’avis.
L’expérience occidentale fait long feu et le chemin de Chérif Lamrani croise celui de Mohamed Bakhti, futur manager de Lemchaheb. Celui-ci lui propose de changer de fusil d’épaule et de réfléchir à une formation dans la lignée de Nass El Ghiwane. Le niet du musicien est sans appel. Bakhti insiste et l’incite à faire un essai sans engagement. Parallèlement à cette discussion, un ensemble vocal marrakchi, Tyour El Ghorba (ultérieurement Lejouad), débarque à Casablanca. Parmi ses membres, les frères Ahmed et Mohamed Al Bahiri et une chanteuse du nom de Saïda Beirouk qui retourne rapidement dans sa famille, l’enregistrement d’un album se soldant par un échec. Mohamed Bakhti rencontre les Bahiri et les présente à Lamrani qui écoute longuement les chansons de Tyour El Ghorba. Après les premières répétitions, Chérif pense au recrutement d’une voix féminine qui est toute trouvée.
Déplacement à Marrakech et palabres avec les parents de la jeune Saïda qui finissent par accepter le dépaysement de leur fille. Lamrani aligne quatre membres, enregistrant un premier opus contenant « Al Khiyala ». Mais manque au quartet une voix évoluant dans les graves. Eureka ! L’un des éléments de Taggada vient de quitter son groupe suite à un profond désaccord. Il s’appelle Mohamed Batma, frère de Larbi de Nass El Ghiwane. Chérif l’engage et dit plus tard de lui : « Mohamed est un homme merveilleux et poli. Une personne au sens délicat et un artiste avec qui on se sent à l'aise. J'ai décidé de le prendre comme ami et compagnon dans mon parcours artistique. » L’auteur de « Amana » devient en 1973 l’un des piliers de Lemchaheb. Il confesse ensuite, en pleine gloire : « Il nous a fallu du temps pour nous imposer, beaucoup de temps. Nous étions venus après deux grosses cylindrées, qui avaient leurs fans difficiles à convaincre. Mais les jeunes nous ont adoptés dès le départ ».
L’expérience occidentale fait long feu et le chemin de Chérif Lamrani croise celui de Mohamed Bakhti, futur manager de Lemchaheb. Celui-ci lui propose de changer de fusil d’épaule et de réfléchir à une formation dans la lignée de Nass El Ghiwane. Le niet du musicien est sans appel. Bakhti insiste et l’incite à faire un essai sans engagement. Parallèlement à cette discussion, un ensemble vocal marrakchi, Tyour El Ghorba (ultérieurement Lejouad), débarque à Casablanca. Parmi ses membres, les frères Ahmed et Mohamed Al Bahiri et une chanteuse du nom de Saïda Beirouk qui retourne rapidement dans sa famille, l’enregistrement d’un album se soldant par un échec. Mohamed Bakhti rencontre les Bahiri et les présente à Lamrani qui écoute longuement les chansons de Tyour El Ghorba. Après les premières répétitions, Chérif pense au recrutement d’une voix féminine qui est toute trouvée.
Déplacement à Marrakech et palabres avec les parents de la jeune Saïda qui finissent par accepter le dépaysement de leur fille. Lamrani aligne quatre membres, enregistrant un premier opus contenant « Al Khiyala ». Mais manque au quartet une voix évoluant dans les graves. Eureka ! L’un des éléments de Taggada vient de quitter son groupe suite à un profond désaccord. Il s’appelle Mohamed Batma, frère de Larbi de Nass El Ghiwane. Chérif l’engage et dit plus tard de lui : « Mohamed est un homme merveilleux et poli. Une personne au sens délicat et un artiste avec qui on se sent à l'aise. J'ai décidé de le prendre comme ami et compagnon dans mon parcours artistique. » L’auteur de « Amana » devient en 1973 l’un des piliers de Lemchaheb. Il confesse ensuite, en pleine gloire : « Il nous a fallu du temps pour nous imposer, beaucoup de temps. Nous étions venus après deux grosses cylindrées, qui avaient leurs fans difficiles à convaincre. Mais les jeunes nous ont adoptés dès le départ ».
1974, année de l’envol
Quelque temps après, les frères Al Bahiri quittent le navire. Mohamed Bakhti monte alors au front et approche Mbarek Chadili et Mohamed Sousdi, membres du groupe Dakka devenu Jaouda. De retour de Hollande à l’issue d’une longue tournée, ils intègrent Lemchaheb, Chadili en premier. Nous sommes en 1974, année du véritable envol du groupe qui reçoit plusieurs propositions de concerts à travers l’Europe et le Maghreb. Dans la foulée, Mohamed Batma épouse Saïda, contrainte de se mettre en retrait quelques mois plus tard à cause d’une grossesse, ce qui n’arrange pas les nombreux engagements du combo. Et rebelote : chasse à une voix de remplacement. Chanceux, Lemchaheb entendent parler du split d’un ensemble nommé Nouass Al Hamra dans lequel évolue Abdelkrim Kasabji qui remplace plus tard Sakina Safadi au sein de Jil Jilala. Abdelkrim rejoint la troupe, suivi de Mohamed Hamadi destiné initialement à la comédie. Ce beau monde se retrouve généralement au Café La Comédie de Casablanca, faisant face au (défunt) théâtre municipal dirigé dans les années 1970 par Tayeb Saddiki. C’est l’âge d’or pour Lemchaheb qui enchaînent les tubes : « Amana », « Khelili », « Bghit Bladi », « Rsami », « Daouini », « El Aârab », « Tbayea Ennass », « El Ghadi Biid », « Ettaleb », « Khaiyi », « Ya Aâjaba », « Filystine » … Rien n’arrête plus cette vilaine bande de bienfaiteurs, soigneusement surveillée par des poètes en civil : « La police se méfiait de nous. Nous en avions peur. Quelques heures avant chaque concert, nous étions convoqués au commissariat. Nous devions décliner les chansons que nous allions chanter, en annoncer le thème et expliquer les paroles qu’elles contiennent. Parfois, quand un mot déplaisait à nos interrogateurs, ils le remplaçaient par un autre moins suspect. A la sortie du concert, même manège. Nous étions soumis systématiquement à un interrogatoire », raconte Mohamed Sousdi en 2007.
Ecoute intense avant le départ
Lemchaheb connaissent plusieurs vies après une première affichant un check-up parfait. Lamrani qui s’amourache subitement de la Tunisie pour s’y installer un temps, Chadili qui lâche l’aventure et c’est la séparation. Reformation en 1990 et dissolution en 2000. Vient ensuite la période bicéphale : d’un côté Sousdi et Chadili, de l’autre Lamari et Hamadi. Quand disparaît Lamrani, Mohamed Hamadi, Sanaâ Birouk et Mbarek Chadili forment un groupe, Mohamed Sousdi préfère faire cavalier seul. Ces nouvelles configurations mènent, hélas, droit dans le mur.
Des derniers moments de vie de Chérif dont la maman s’amuse à confectionner les tenues de scène enflammées du groupe, le journaliste et écrivain Larbi Riad (valeureux inspirateur du présent texte), rapporte : « Peu avant sa mort, Lamrani enjoint à sa sœur de lui faire écouter des chansons de Lemchaheb. Ce qu’elle fait avant qu’il lui dise d’éteindre le lecteur et de lui demander de remettre en marche l’enregistrement. Là, il a écouté intensément, passant avec délicatesse la main sur sa poitrine, écrasant une larme avant de fermer les yeux à jamais. Ainsi disparaît Chérif et dans son cœur son groupe avec lequel il a conçu les plus belles mélodies.
Il meurt et dans ses oreilles les voix de Mohamed Batma, Mohamed Sousdi, Mbarek Chadili, Mohamed Hamadi, Saïda Beirouk… Comme si, pour ses adieux, il avait besoin de la chaleur de Lemchaheb, groupe au sein duquel il a vécu pendant des années. » Il part, d’autres membres avant et après lui, laissant les empreintes d’un gang à la sensibilité à fleur de peau.
Anis HAJJAM