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Actu Maroc

Les juifs marocains, une composante naturelle de la société

Entretien avec Mustapha El Qadery


Rédigé par Safaa KSAANI Dimanche 10 Janvier 2021

L’Histoire et la culture de la communauté judéo-marocaine vont bientôt être enseignées au Royaume. Une occasion de s’arrêter sur cette longue histoire.



Mustapha El Qadery, Professeur universitaire et spécialiste en anthropologie sociale et culturelle
Mustapha El Qadery, Professeur universitaire et spécialiste en anthropologie sociale et culturelle
- Le Maroc vient d’intégrer l’Histoire de la communauté juive dans ses programmes scolaires. Les premiers cours seront dispensés au prochain trimestre en dernière année du primaire. Quel commentaire en faites-vous ? 
- D’abord, il convient de rappeler que l’Histoire de la communauté juive marocaine a été retirée des manuels scolaires marocains depuis l’indépendance de notre pays et où le Maroc était devenu partie prenante dans le conflit israélo-palestinien. A mon avis, on a ainsi gommé en quelque sorte cette mémoire et la diversité de notre pays. Cela porte aussi sur ce qui est amazigh puisqu’on était obnubilé, à un moment donné depuis l’indépendance, par l’idéologie arabo-islamique. Ainsi, on a eu une sorte de perception de notre passé qui est plus attachée aux Abbassides et à la Jahilia par exemple qu’aux Almoravides ou même au Maroc préislamique. Je crois que les enfants doivent connaître les étapes de l’évolution de la société marocaine, sur les plans religieux et linguistique.

- A travers l’Histoire, à quel moment la communauté juive était importante ?
- C’est un élément totalement naturel dans l’économie du pays, y compris au niveau de la production agricole. En effet, les juifs étaient des propriétaires terriens dans des montagnes et des oasis, ce qui était interdit en Europe par exemple. En plus de l’agriculture, le commerce et l’industrie étaient pratiqués dans les autres régions du Royaume. A priori, il n’y avait rien d’exceptionnel puisqu’ils faisaient partie du paysage humain, démographique, économique, social et culturel marocain. 

- Quelle diversité linguistique existait au Royaume ? 
- Au Maroc, il y avait deux catégories de Marocains : les “darijophones” et les “amazighophones”. Les lettrés de la religion juive, l’équivalent de nos “Fouqaha”, apprenaient l’hébreu, qui était leur langue religieuse, et l’arabe qui était la langue des intellectuels et des savants et non pas celle du peuple. Les deux communautés qui vivaient au Maroc sont les autochtones qui font partie des amazighs, et ceux qui ont été chassés de l’Andalousie. Les juifs marocains parlaient Darija, donc on a du mal à les considérer comme des Arabes.

- Qu’est-ce qui caractérise les juifs marocains de ceux des autres pays nord-africains ?
- Les juifs des autres pays d’Afrique du Nord étaient nombreux, du Maroc à l’Egypte où ils y ont vécu pratiquement jusqu’aux années 1960. Les juifs algériens sont devenus Français par le décret Crémieux de 1870. Depuis, ils ne sont plus indigènes ou autochtones. En Tunisie, on a facilité le processus de naturalisation aux juifs, également. En Libye, il y en avait également. Au Maroc, ce n’était pas facile. En Égypte, le christianisme a survécu à l’islam et au judaïsme, contrairement aux autres pays de l’Afrique du Nord où il n’a pas perduré. Comment ? C’est une question que je me pose également. Il est probable que ce soit la cause d’une alliance entre les juifs et les musulmans contre les chrétiens, qui s’est poursuivie durant le 9ème et le10ème siècles, selon la recherche du regretté Simon “Chamoun” Lévy, basée sur un document trouvé au niveau de la vallée du Draâ. 

Recueillis par S.K.

Nouvel ouvrage

Les origines du nationalisme, selon Mustapha El Qadery
Le professeur universitaire et chercheur Mustapha El Qadery a récemment publié un nouvel ouvrage intitulé « Nationalisme au mépris de soi ». Il s’agit d’un texte publié au Maroc en 1932, dans la première revue nationaliste marocaine, qui s’appellait Revue Al Maghrib, en arabe. Intitulé « Je cherche un Barbari », donc un « berbère », il l’a traduit et annoté pour le décoder, l’analyser et le comprendre, dans le but de remettre le texte à la disposition des lecteurs et de les aider à comprendre les origines scolaires du nationalisme marocain.

“J’avais participé à un colloque et j’avais publié ce que j’avais sous la main. Plus tard, j’ai repris le travail pour l’approfondir”, explique Mustapha El Qadery. “Dans le livre, j’ai étudié notamment comment al-Mu’tamid ibn Abbad de Séville a été érigé en icône au Maroc puisqu’il y a des rues, des établissements, des écoles, des associations qui portent son nom et le Général Franco lui a fait construire un mausolée”, ajoute-t-il.

Il écrit également que la première pièce de théâtre jouée par une troupe nationaliste en 1932 était intitulée « Princesse d’Al Andalus ». Écrite par le poète et dramaturge égyptien Ahmed Chawqi, elle met en valeur ibn Abbad et insulte Youssef ben Tachfine.

S.K. 

Repères

Le Maroc intègre l’Histoire de la communauté juive à ses programmes scolaires
Le Maroc a lancé une réforme scolaire décrite par certains comme un « tsunami » : l’Histoire et la culture de la communauté juive vont bientôt être enseignées aux élèves de ce pays où l’islam est religion d’État. Les premiers cours, en langue arabe, seront dispensés au prochain trimestre en dernière année du primaire, où l’âge des élèves tourne autour de 11 ans, selon le ministère marocain de l’Éducation nationale. « Cette introduction est une première dans le monde arabe. Elle fait l’effet d’un tsunami », s’exalte Serge Berdugo, secrétaire général du Conseil de la communauté israélite du royaume à Casablanca.
La communauté juive marocaine en Israël : Un grand attachement aux coutumes et traditions marocaines
La communauté juive marocaine en Israël est restée attachée à la culture de son pays d’origine même parmi les membres de la deuxième et de la troisième générations. Les juifs marocains conservent également les quartiers connus sous le nom d’El Mellah où habitaient leurs ancêtres au Maroc. “Il y a des lectures qui voient en ces quartiers une sorte de ségrégation, tandis que d’autres y voient une organisation, avançant l’argument d’avoir une sorte d’harmonie dans le fonctionnement social, y compris pour l’organisation de la vie religieuse”, nous explique le Pr Mustapha El Qadery.








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