Dans la forme, des écrivains comme Driss Chraïbi, Abdelkébir Khatibi, Kateb Yacine, Rachid Boudjedra, pour ne citer que ceux-là avaient donné le ton : ne pas s’inscrire dans les formes littéraires de la littérature française a été une révolution esthétique en soi.
Rachid Boudjedra peut bien entendu se trouver des attaches avec le Nouveau Roman et n’hésite pas à assumer sa proximité avec Claude Simon, mais l’essentiel est là : il participe ainsi de la révolte contre les formes traditionnelles du roman français et se réfère souvent, avec Kateb Yacine, par ailleurs, à William Faulkner ou James Joyce.
Abdelkébir Khatibi assume une littérature libérée des pesanteurs formelles et esthétiques usées jusqu’à la corde et s’inscrit dans une révolution du langage qui s’appelle « écriture », une sorte de dérive, une manière de se tenir à la marge mais en assumant une forme d’expérimentation issue de la confrontation au langage.
C’est certainement l’écrivain qui assume le mieux l’héritage de « porteur de feu », sans se réclamer explicitement de Nietzsche, Marx et Freud, il se plait à citer Heidegger, entretient de Borges et porte la marque des révolutionnaires du langage qui se situent au carrefour de celui-ci et de la psychanalyse. L’oeuvre emblématique de cette démarche peut être représentée par « Le livre du sang ». Sa réflexion sur le signe a transcendé la littérature proprement dite et s’est exprimé de façon plus explicite dans des analyses sur le tatouage, le langage formel des tapis, la calligraphie, la peinture. Abdelkébir Khatibi hanté par le signe a fait une incursion remarquée dans la culture japonaise.
L’image, la narration
Au plan de l’implication de l’oeuvre dans la société, « Le triptyque de Rabat » reste le regard d’Abdelkébir Khatibi sur Rabat qui « monopolise » la politique et Casablanca qui, peut-être, n’existerait pas sans l’économie ou, à tout le moins, n’aurait pas l’importance nationale qu’elle a dans son environnement local, régional et international.
Le travail d’écriture, encore une fois, prend l’avantage sur la substance elle-même de l’oeuvre : Abdelkébir Khatibi n’est pas, à proprement parler, dans la description, la délivrance d’un ou de plusieurs messages. Il est dans le travail sur le langage, ce matériau « fétiche » de la psychanalyse et la linguistique - sa discipline naturelle !-, mais sous l’angle définie par la réalité sociologique… et l’inconscient.
La distance, par exemple, est abyssale avec « Rhapsodies de Tanit la captive », d’Ahmed Boukous où la réalité déborde la fiction et se nourrit d’actualité... et de vraisemblance. Les luttes de la société civile, prise en étau entre un islamisme actif et maître des lieux publics et une autorité publique qui ne réagit guère n’est pas une invention romanesque mais une mise en forme esthétique d’une réalité que la fiction n’a pas cherché à abolir, mais à rendre… audible.
« Rhapsodies de Tanit la captive » est un Roman qui prend l’allure d’un témoignage romancé, avec pour angles, la société civile et les combats de la femme pour s’affirmer dans l’espace public et bien au-delà, face au paradigme de l’intolérance drapé des oripeaux de la religion ? Les noms qui apparaissent au fil de la trame sont réels, ont existé au moment de la parution de « Rhapsodies de Tanit la captive » (Trump).
Benzekri, Rouicha, BB King, ne sont pas des êtres imaginés par Ahmed Boukous et inconnus pour le lecteur comme celui-ci doit avoir encore en mémoire l’évènement lié à une histoire d’adultère entre des cadres du MUR, Mouvement de l’Unicité et de la Réforme, considérée comme l’aile idéologique du PJD, qui remonte à moins de 6 ans.
Dans l’antiquité grecque, une rhapsodie est une suite de poèmes épiques chantés par les rhapsodes, des chanteurs itinérants. Dans « Rhapsodies de Tanit la captive », c’est une suite de tableaux dans la vie de Tanit qui rappelle avec force et insistance une esthétique de l’oralité où le conteur doit retenir par une certaine linéarité du récit l’attention, une linéarité faite de rebondissements comme on en voit au cinéma. Une autre façon de dire que la force narrative se nourrit de représentations, le verbe se faisant image.
Le destin individuel dans ces oeuvres est un prétexte à mise en scène de perspectives plus globales, qui, au-delà du groupe, vise le fonctionnement de la société dans son ensemble.
Rachid Boudjedra peut bien entendu se trouver des attaches avec le Nouveau Roman et n’hésite pas à assumer sa proximité avec Claude Simon, mais l’essentiel est là : il participe ainsi de la révolte contre les formes traditionnelles du roman français et se réfère souvent, avec Kateb Yacine, par ailleurs, à William Faulkner ou James Joyce.
Abdelkébir Khatibi assume une littérature libérée des pesanteurs formelles et esthétiques usées jusqu’à la corde et s’inscrit dans une révolution du langage qui s’appelle « écriture », une sorte de dérive, une manière de se tenir à la marge mais en assumant une forme d’expérimentation issue de la confrontation au langage.
C’est certainement l’écrivain qui assume le mieux l’héritage de « porteur de feu », sans se réclamer explicitement de Nietzsche, Marx et Freud, il se plait à citer Heidegger, entretient de Borges et porte la marque des révolutionnaires du langage qui se situent au carrefour de celui-ci et de la psychanalyse. L’oeuvre emblématique de cette démarche peut être représentée par « Le livre du sang ». Sa réflexion sur le signe a transcendé la littérature proprement dite et s’est exprimé de façon plus explicite dans des analyses sur le tatouage, le langage formel des tapis, la calligraphie, la peinture. Abdelkébir Khatibi hanté par le signe a fait une incursion remarquée dans la culture japonaise.
L’image, la narration
Au plan de l’implication de l’oeuvre dans la société, « Le triptyque de Rabat » reste le regard d’Abdelkébir Khatibi sur Rabat qui « monopolise » la politique et Casablanca qui, peut-être, n’existerait pas sans l’économie ou, à tout le moins, n’aurait pas l’importance nationale qu’elle a dans son environnement local, régional et international.
Le travail d’écriture, encore une fois, prend l’avantage sur la substance elle-même de l’oeuvre : Abdelkébir Khatibi n’est pas, à proprement parler, dans la description, la délivrance d’un ou de plusieurs messages. Il est dans le travail sur le langage, ce matériau « fétiche » de la psychanalyse et la linguistique - sa discipline naturelle !-, mais sous l’angle définie par la réalité sociologique… et l’inconscient.
La distance, par exemple, est abyssale avec « Rhapsodies de Tanit la captive », d’Ahmed Boukous où la réalité déborde la fiction et se nourrit d’actualité... et de vraisemblance. Les luttes de la société civile, prise en étau entre un islamisme actif et maître des lieux publics et une autorité publique qui ne réagit guère n’est pas une invention romanesque mais une mise en forme esthétique d’une réalité que la fiction n’a pas cherché à abolir, mais à rendre… audible.
« Rhapsodies de Tanit la captive » est un Roman qui prend l’allure d’un témoignage romancé, avec pour angles, la société civile et les combats de la femme pour s’affirmer dans l’espace public et bien au-delà, face au paradigme de l’intolérance drapé des oripeaux de la religion ? Les noms qui apparaissent au fil de la trame sont réels, ont existé au moment de la parution de « Rhapsodies de Tanit la captive » (Trump).
Benzekri, Rouicha, BB King, ne sont pas des êtres imaginés par Ahmed Boukous et inconnus pour le lecteur comme celui-ci doit avoir encore en mémoire l’évènement lié à une histoire d’adultère entre des cadres du MUR, Mouvement de l’Unicité et de la Réforme, considérée comme l’aile idéologique du PJD, qui remonte à moins de 6 ans.
Dans l’antiquité grecque, une rhapsodie est une suite de poèmes épiques chantés par les rhapsodes, des chanteurs itinérants. Dans « Rhapsodies de Tanit la captive », c’est une suite de tableaux dans la vie de Tanit qui rappelle avec force et insistance une esthétique de l’oralité où le conteur doit retenir par une certaine linéarité du récit l’attention, une linéarité faite de rebondissements comme on en voit au cinéma. Une autre façon de dire que la force narrative se nourrit de représentations, le verbe se faisant image.
Le destin individuel dans ces oeuvres est un prétexte à mise en scène de perspectives plus globales, qui, au-delà du groupe, vise le fonctionnement de la société dans son ensemble.
Abdallah BENSMAÏN