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Culture

MAGAZINE : Les disparus de 2M, gratitude embuée


Rédigé par Anis HAJJAM le Dimanche 2 Février 2025

Ils s’appellent Saïl, Salim, Loukili, Malak, Sallaki, Almabchour, Ghomari, Ouhab, Alaoui… Aujourd’hui, ils ne font plus partie de ce monde. Quel hommage la chaîne nationale leur rend-t-elle ? Aucun, pour l’instant.



Fatéma Loukili - Omar Salim - Brahim Sallaki
Fatéma Loukili - Omar Salim - Brahim Sallaki
Cela est un parti-pris émanant d’un ancien de 2M et l’un de ses fondateurs. L’aventure de cette chaîne connaît plusieurs stations, les unes moins glorieuses que les autres. Mais ceci n’est pas le propos. On pense ici aux nombreux disparus qui ne bénéficient d’aucune reconnaissance, en dehors de Mohamed El Baz, ce généreux directeur général qui voit son nom accroché à l’un des studios de Aïn Sebâa. Vient également celui de Nour-Eddine Saïl, philosophe, écrivain, critique, cinéaste, penseur, agitateur, homme de culture(s)… Il scintillait dans l’immensité. Avec sa disparition, ce n’est pas une lumière qui s’est éteinte mais un disjoncteur qui a pris feu. Ses multiples éclairages éblouissaient même ceux qui le dénigraient jusqu’à le craindre… par aveuglement. Au contact de ce troublant érudit, on a droit à son émancipation intellectuelle, agrémentée par à-coups de citations de Kubrick, Spinoza, Eco, Nietzche, Morin ou Godard. Son ami Omar Salim part le rejoindre après avoir croqué dans la vie à pleines gencives, le cœur aimant, parfois saignant. Il est de cette race caressante à l’envi. Pour lui, le juste milieu n’est drapé que d’hypocrisie. Pour lui, la concession est forme de démission. Pour lui, la bêtise est crachat de l’intelligence. Pour lui, la mort est l’insignifiance de l’existence.

Pour lui, la voix est une voie vers l’appartenance, un moyen d’asseoir l’aura ou pas, selon l’importance de la discordance. Salim est, finalement, un être dont le poids physique équivaut à son volume d’émotion. Cette personne vaguement conventionnelle est une grosse leçon d’humilité, flirtant avec l’assise humaine et professionnelle, transmettant un savoir qu’il puise par endroits dans la naïveté de ses « administrés ». Et la lumineuse Fatéma Loukili ! Son verbe généreux et ses silences tranchants font d’elle une femme au caractère redoutable. On admire son sens de l’écoute et on appréhende la répartie de ses répliques, souvent vives et spirituelles. L’empêcheuse de tourner en rond, au sourire malicieux, tourne en bourrique celui qui s’y prête, déroule du réel respect à celui qui abonde de finesse d’esprit. Quant à l’amour, elle en a à revendre, jusqu’à parfois lui jouer de mauvais tours, lui causer fracas. Mais elle passe l’éponge et repart de plus belle.
 
Curiosité immuable

 
On n’oublie pas non plus Brahim Sallaki, fils inconsolable du quartier Aïn Sebaâ où il vit jusqu’à son ultime souffle. Il débarque tôt à 2M International. Ce sont alors les plus belles heures d’une chaîne qui ne sait pas encore que la malédiction rôde, finissant par tuer le rêve d’une génération plurielle. Antérieurement, le mordu de la pellicule, visiteur acharné du cinéma Beaulieu, gosse gloussant de rêvasseries indéterminées, se forge un regard et pénètre progressivement cet univers qui raconte variablement la réalité sans forcément la nommer. Curieuse destinée : en cherchant refuge dans le cinéma, c’est paradoxalement ce dernier qui l’habite. Utilisant ses souvenirs d’enfance à satiété, il développe, en grandissant, une curiosité immuable de ce qui risque de se faire ultérieurement en accompagnant ce qui se fait déjà. Et puis, il débite avec une surprenante mémoire noms de films, leurs réalisateurs et héros. A 2M, il s’occupe naturellement de cinéma avec le talent de ceux qui se créent des jaloux. Plus récemment, c’est Abdelhak Almabchour qui a rendu l’âme. Il jonglait avec les mots doux, savait réconforter, rendait service au premier venu. Ferme dans son travail avec le sourire qui désarmait, il arrivait sans forcer le trait à mettre tout le monde au cœur de l’action. Lorsqu’il débarquait en 1989 à 2M, il avait dans sa besace des centaines d’heures d’expériences cinématographiques. 

Des productions nationales et étrangères jalonnaient un court mais solide parcours. Il brillait dans la production et la régie, se frottant aux durs aléas du métier. Entre gérer les aspects techniques et humains, il s’en sortait comme un grand, son poids imposant faisant le reste, le cœur battant. La liste est tristement longue : Salaheddine Ghomari, Driss Ouhab, Choukri Alaoui, Malika Malak, Alain Maneval, Noureddine Karam… et bien d’autres, souvent anonymes, qui ont porté à bras-le-corps une (jadis) belle chaîne. Soyons alors bohémiens et sollicitons un large hommage à tous ces disparus qui ont servi sans compter 2M. Que cela soit fait dans la dignité, sans hiérarchie aucune, sachant que la mort n’est pas sélective. Rêvons !







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