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Culture

Magazine : Abdallah Stouky, comme ça se prononce


Rédigé par Anis HAJJAM le Dimanche 17 Juillet 2022

L’homme s’est éteint mardi après une longue souffrance. Il était le bâtisseur de journaux, l’agitateur d’idées, le généreux éditeur. Et l’être au grand coeur. Il avait 76 ans, à peine. Son ami, le journaliste Abdelghani Dades, l’évoque, lui parle, à travers un texte émouvant que voici.



Ni ta mort, ni la nôtre, ne saura nous faire cesser de t’aimer.
Ni ta mort, ni la nôtre, ne saura nous faire cesser de t’aimer.
Il pleure dans mon coeur. Comme il pleut sur la ville… Ce matin du 12 juillet 2022, le ciel de mon âme est bas et gris. Il y a quelques minutes, au saut du lit, j’ai appris la nouvelle : dans les premières photos de l’Infini transmises par le télescope James Webb, Abdallah Stouky, notre Abdallah, Âazizi, a trouvé un passage vers l’Éternité. Et les Chants de Maldoror, qu’il appréciait tant, ont sans doute guidé ses premiers pas dans cet autre de ses voyages. Le ciel de mon âme est bas et gris; Il pleure dans mon coeur. Comme il pleut sur la ville; pourtant je suis sans tristesse.

Mais d’où vient alors cette langueur monotone qui m’étreint? Serait-ce, même si lui n’en avait cure, ma rancoeur devant ces hommages - mille fois mérités - qu’on ne lui a jamais rendu et devant ces honneurs - mille fois dus - qu’on ne lui a jamais fait? Ou bien est-ce cette dernière injustice - lui qui connaissait si bien le poids des mots et professait le mot juste et l’essentiel des idées - de n’avoir dit de lui, au jour de son bilan, que les choses qu’il jugeait futiles, que les produits les plus éphémères de son intelligence des choses et des situations?

Urbi et orbi

Comment peut-on oublier de dire la générosité de cet homme qui partageait tout avec tout le monde, lui qui avait fait la courte échelle à beaucoup d’entre nous, en nous faisant connaitre et côtoyer des géantes et des géants tels Mustapha El Kasri (l’auteur de «La souricière»), Mehdi Bennouna, Abdeljalil Fenjiro (La Dépêche, Maghreb Arabe Presse), Jacqueline Fabre, Hamid et Kaki Skali (Maghreb Informations), Mohamed Loghlam et Zakia Daoud (Lamalif)?

Se peut-il que l’on omette de dire ce qu’il a accompli pour que le journalisme, jusqu’alors gagne-pain militant devienne un vrai métier, digne, rémunérateur, offrant de réelles opportunités de carrière, quand bien même il était à l’emploi d’un parti politique, au sein du Groupe Mithaq-Al Maghrib, organe de presse du tout nouveau RNI? Est-il possible enfin, de ne pas se souvenir que, au sein de cette même institution, 33 ans avant la Constitution de 2011, il mettait déjà en pratique les principes de parité et d’égalité des genres avec une équipe rédactionnelle «moitié-moitié» et des salaires pour toutes et tous trois fois supérieurs à ce qui se faisait de mieux dans la profession.

Mais l’essentiel, de son point de vue, n’était pas là autant que dans le journalisme qu’il prônait : un journalisme de liberté, un journalisme avec une colonne vertébrale, des griffes et des dents mais qui ne se rigidifie, n’égratigne ni ne mord jamais inutilement. Ces valeurs, professées au Maroc, le seront également à travers le monde, du Sénégal au Viêt-Nam, en passant par le Nouveau-Brunswick et le Val d’Aoste, lorsque, élu à sa présidence, il entreprendra de redorer le blason terni de l’Union Internationale des Journalistes et de la Presse de Langue Française.

Les livres et l’Homme

Il laisse d’autres traces, d’encre et de papiers, fruit d’un acte militant celui-là : les ouvrages produits par les Éditions Stouky. Acte militant car, au départ, il se proposait de (re)mettre à la portée du public une somme de savoirs longtemps prohibés dans notre pays, en rééditant certains numéros de la revue Hespéris.

Pour faire bonne mesure, il fit place et justice dans des oeuvres éditoriales à quelques créateurs maudits, dont les poètes Ahmed Bouanani et Mohammed Khaireddine et le peintre Baghdad Bennas. L’homme enfin; je connaissais sa générosité, ses doutes aussi; mais pas cette fragilité qui en fait un homme bon et qui ne paraitra, fugacement, que le jour où se retrouvant seul à soutenir Jacqueline Jaï lors de l’enterrement de son fils Farid, il se laissa surmonter par une détresse n’ayant d’égale que dans la tendresse qui le submergeait quand il évoquait Aïda, sa fille unique… Abdallah, je sais que, là où tu es, quand tu liras ce texte tu vas encore me niaiser avec une phrase dans le genre «je te prenais pour un homme honnête et voilà que tu fais dans le genre thuriféraire»; si tu le fais, tiens-toi pour dit que ni ta mort, ni la nôtre, ne saura nous faire cesser de t’aimer.

Et puis, laisse-moi te rappeler aussi que tu ne m’as jamais rendu mon «Haouz de Marrakech» et ma «Légende du goumier Saïd»; tu n’en a plus besoin maintenant que tu vas pouvoir rencontrer directement les auteurs…




Abdelghani Dades,
Montréal, 12 juillet 2022



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