Une généreuse fraîcheur bruine actuellement sur cet espace casablancais. Un duo dont le vis-à-vis est parfois complémentaire, souvent fracturé par des approches éloignées, un pari de faire dialoguer deux artistes ne parlant que très peu le même langage. Un «deux en un» doucereusement cognant. Ils sont jeunes et comptent encore le prouver, le vivre et le magnifier. Un face-à-face qui, pour la circonstance, se fait respectueux, insolent de bonnes ondes. Le tutoiement de ce qui dérange, le grondement du lustré. La bravoure dans un monde tranquille, l’inertie devant la menace.
A malaxer ce tout, c’est la perplexité qui s’exprime. Une heureuse occasion de s’interroger, de laisser s’exciter sa cellule nerveuse, de s’extraire de son confortable drapé. Des pièces où la rigueur n’est palpable que par l’acharnement minutieux de l’exécution. Deux artistes, deux visions, deux univers… Deux !
Rêver d’un lendemain sans fin
Hicham Matini et Saad Nazih font dans le contemporain, nous dit-on avec forte force dans le catalogue de l’exposition. Certes, mais suavement dans le MODERNE. Ils se battent et combattent, ironisent et chatouillent. Si cela ne fait d’eux que des modernes, il les maintient comme contemporains. Et l’art, où se situe-t-il ? Dans les coins et les recoins d’une approche vieille comme le futur qu’ils tracent au compas du présent. Leur passé est opiniâtrement récent. Et c’est la fête des formes et des couleurs, de la géométrie et des courbes, du solide et de l’effilochement. La salve des matières apprivoisées finit par mettre aux prises le contemporain et le moderne, justement.
Nous sommes en 2022 et notre discours n’a pas d’âge. Les deux perturbateurs que nous avons sous le regard sont des témoins d’une société qui les connaît moins qu’ils ne la connaissent. Elle les ignore, puisqu’elle ne les compte pas parmi ses affidés. Eux, la secouent avec fermeté. Mais est-elle sensible à leurs codes ? S’en soucie-t-elle ? Dans pareil cas, suggérons, même si cela paraît démesuré, le «work in progress» civique. De toute la sphère artistiquement créative. Sans embrasser des citations ou se référer à des réalisations d’antan, ni évoquer de grands précurseurs pour comparer le présent au lourd et fondateur passé, occupons-nous de ce que nous recevons comme gifles actuelles, riches d’un fécond devenir. Comparer n’est pas parer. Bien à l’inverse, cela signifie : «Vous ne faites que ‘copier’ ce qui a déjà été réalisé.»
De grâce, laissez-nous rêver d’un lendemain sans fin. Ceux qui citent sont ceux qui espèrent étaler leurs connaissances au mépris de l’oeuvre qui se présente à eux. Ils sont critiques et le soulignent à travers d’écrits auto-satisfaisants. Dommages, sans réels intérêts. Et lorsqu’on se perd dans pareilles mises en abime, on est pris par une incongruité prête à faire oublier le sujet principal, l’oeuvre produite et livrée au «traitement» de dieux auto-proclamés de l’esthétique plastique parfois assimilée à de nouveaux médiums d’expression dont ils ne maîtrisent pas forcément la genèse. Maintenant, lâchons ce pénible segment pour revenir à nos amours simples, celles de l’art tout bonnement. Saad et Hicham étant, ici, les maîtres de cérémonie.
Piste de glisse, rose des sables
Que dire de cette exhibition bicéphale riche en enseignements? Qu’elle touche l’oeil et le coeur, qu’elle a besoin d’un approfondissement d’actes plus poignants, d’une fluidité séparée, d’un cheminement logiquement personnel démontré par l’actuelle exposition. Nazih et Matini ne se connaissent pas forcément, mais cet accrochage les unit pour une expérience capable de leur dire que le dialogue artistique est possible. Chacun des deux a sa piste de glisse, chacun des deux a sa rose des sables.
Seulement, chacun des deux est loyalement épris de ses propres attaches créatives. L’oeuvre de Matini, matinée de pop’art, clache le dessin pour le récupérer en associé jonché d’une peinture passablement non identifiée, la diva Oum Kelthoum en partance. Quand Nazih se brûle les sens en associant l’huile à ses toiles, il s’ouvre grandes les portes à des saisons qu’il compte en quatre et qui ne sont que l’assaisonnement d’une belle et troublante approche, signifiée par ce «Et Dieu créa l’homme, la femme et l’argent».
Que gardons-nous de ces oeuvres ? Des lendemains à redessiner, un lyrisme qui ne communique pas toute sa poésie. Nos sentiments enlaceront-ils une expression exaltée ? Nous y tenons, mais laissons faire le temps qui court, laissons jaillir les talons qui font courir. Quant aux talents, ils nous suivent au pas. Espérons qu’ils ne se lassent pas de nous surprendre, l’arme étant dans le feu de la création.
A malaxer ce tout, c’est la perplexité qui s’exprime. Une heureuse occasion de s’interroger, de laisser s’exciter sa cellule nerveuse, de s’extraire de son confortable drapé. Des pièces où la rigueur n’est palpable que par l’acharnement minutieux de l’exécution. Deux artistes, deux visions, deux univers… Deux !
Rêver d’un lendemain sans fin
Hicham Matini et Saad Nazih font dans le contemporain, nous dit-on avec forte force dans le catalogue de l’exposition. Certes, mais suavement dans le MODERNE. Ils se battent et combattent, ironisent et chatouillent. Si cela ne fait d’eux que des modernes, il les maintient comme contemporains. Et l’art, où se situe-t-il ? Dans les coins et les recoins d’une approche vieille comme le futur qu’ils tracent au compas du présent. Leur passé est opiniâtrement récent. Et c’est la fête des formes et des couleurs, de la géométrie et des courbes, du solide et de l’effilochement. La salve des matières apprivoisées finit par mettre aux prises le contemporain et le moderne, justement.
Nous sommes en 2022 et notre discours n’a pas d’âge. Les deux perturbateurs que nous avons sous le regard sont des témoins d’une société qui les connaît moins qu’ils ne la connaissent. Elle les ignore, puisqu’elle ne les compte pas parmi ses affidés. Eux, la secouent avec fermeté. Mais est-elle sensible à leurs codes ? S’en soucie-t-elle ? Dans pareil cas, suggérons, même si cela paraît démesuré, le «work in progress» civique. De toute la sphère artistiquement créative. Sans embrasser des citations ou se référer à des réalisations d’antan, ni évoquer de grands précurseurs pour comparer le présent au lourd et fondateur passé, occupons-nous de ce que nous recevons comme gifles actuelles, riches d’un fécond devenir. Comparer n’est pas parer. Bien à l’inverse, cela signifie : «Vous ne faites que ‘copier’ ce qui a déjà été réalisé.»
De grâce, laissez-nous rêver d’un lendemain sans fin. Ceux qui citent sont ceux qui espèrent étaler leurs connaissances au mépris de l’oeuvre qui se présente à eux. Ils sont critiques et le soulignent à travers d’écrits auto-satisfaisants. Dommages, sans réels intérêts. Et lorsqu’on se perd dans pareilles mises en abime, on est pris par une incongruité prête à faire oublier le sujet principal, l’oeuvre produite et livrée au «traitement» de dieux auto-proclamés de l’esthétique plastique parfois assimilée à de nouveaux médiums d’expression dont ils ne maîtrisent pas forcément la genèse. Maintenant, lâchons ce pénible segment pour revenir à nos amours simples, celles de l’art tout bonnement. Saad et Hicham étant, ici, les maîtres de cérémonie.
Piste de glisse, rose des sables
Que dire de cette exhibition bicéphale riche en enseignements? Qu’elle touche l’oeil et le coeur, qu’elle a besoin d’un approfondissement d’actes plus poignants, d’une fluidité séparée, d’un cheminement logiquement personnel démontré par l’actuelle exposition. Nazih et Matini ne se connaissent pas forcément, mais cet accrochage les unit pour une expérience capable de leur dire que le dialogue artistique est possible. Chacun des deux a sa piste de glisse, chacun des deux a sa rose des sables.
Seulement, chacun des deux est loyalement épris de ses propres attaches créatives. L’oeuvre de Matini, matinée de pop’art, clache le dessin pour le récupérer en associé jonché d’une peinture passablement non identifiée, la diva Oum Kelthoum en partance. Quand Nazih se brûle les sens en associant l’huile à ses toiles, il s’ouvre grandes les portes à des saisons qu’il compte en quatre et qui ne sont que l’assaisonnement d’une belle et troublante approche, signifiée par ce «Et Dieu créa l’homme, la femme et l’argent».
Que gardons-nous de ces oeuvres ? Des lendemains à redessiner, un lyrisme qui ne communique pas toute sa poésie. Nos sentiments enlaceront-ils une expression exaltée ? Nous y tenons, mais laissons faire le temps qui court, laissons jaillir les talons qui font courir. Quant aux talents, ils nous suivent au pas. Espérons qu’ils ne se lassent pas de nous surprendre, l’arme étant dans le feu de la création.
Anis HAJJAM