Le blues après le punk rock et le trash metal. Crédit photo : Ph. Adam Kennedy, Blues Matters Magazine.
C’est par des rengaines de l’ancêtre du jazz que le quarantenaire maroco- canadien s’exprime. Son nouvel enregistrement «Desert» (à paraître le premier avril prochain), est une expédition vers le cosmique, un rêve éveillé, une aliénation des sens par l’émotion. Nous sommes invités à y humer les odeurs d’une cuisine musicale aux ingrédients sud-sud qui ne craint pas la novation.
Divers univers, tous portés par le blues, chatouillent ou caressent l’enfoui. Tel un lion indomptable, Othman Wahabi use de rugissements insoupçonnés. Un langage qu’il partage avec des guests qui ne parlent pas forcément les mêmes phrasés musicales mais qui savent les mêler jusqu’à l’ivresse. Un 14-Titres où le spirituel s’affiche comme guide éternel. Le voyage s’ouvre en arabe sur «Daoui ya Guamra» que nous sommes tentés d’assimiler aux créations de l’excellent Aziz Sahmaoui, leader de University of Gnawa. En poursuivant l’écoute, outre de solides influences noires américaines, il y a Dr John qui vient ici et là flirter avec l’ouïe.
L’album est autrement parsemé de featurings impliqués avec coeur. Sur «Blues for Farka» en hommage à l’immense musicien et compositeur malien Ali Farka Touré, le mandingue guinéen Oumar Kouyaté se lance (en intro) dans une tirade verbale où il revendique l’appartenance du blues à l’Afrique en citant John Lee Hooker.
Plus loin, «Gnaoua Blues» marie la guitare et la chaude voix d’Othman aux redoutables ritournelles aériennes du trompettiste portugais Joao Sousa. Autre registre, autre hommage : «David Diop’s Africa» célèbre le légendaire poète sénégalais. Dans ce «Desert», on croise également un clin d’oeil à Muddy Waters et la reprise de «The Sky is Criying», spirituelle, teintée de reggae. Et puis, il y a derrière l’harmoniciste Vincent Bucher sur «By the River» l’ombre du tonitruant Sugar Blue, l’homme qui a aiguillé le musicien français. En somme, ce nouvel opus d’Othman Wahabi est un condensé de profondes réflexions trempées dans une libre maturité.
Questionnement de la mémoire
L’artiste casablancais amorce pourtant sa carrière avec fracas. La musique par la rage, par des sons stridents, par la revendication tous-azimuts. Et puis, c’est l’accalmie. Adolescent, Othman Wahabi commence par cogner en empruntant des voies punk- rock et trash metal. Il monte avec un ami le groupe Keops, formation lourde de rock.
Ayant assez de vivoter sur fond de désaccords d’approches, Othman claque la porte en se rappelant qu’une autre est encore entr’ouverte, celle de son enfance, celle de souvenirs lointains, celle d’un papa fou de blues. Il se remémore ces doux moments et comprend que le bonheur créatif peut venir de la douleur que peut suggérer un style.
Il quitte le Maroc en 2005, destination le Canada, Montréal où il décroche un diplôme en gestion hôtelière et touristique. Le membre fondateur de la formation garage blues rock Othman Wahabi & The Blues Punk Machine et du projet marocain de punk alternatif Ranging Indigenous reprend en 2013 le standard «Catfish Blues» du légendaire Robert Petway.
Sur YouTube, ce premier essai récolte au-delà du million de vues. Othman entend alors se faire plus entendre encore en poursuivant son exploration dans les entraves du blues rock américain, puis dans le blues des racines et enfin dans le questionnement de la mémoire de son pays d’origine et de l’Afrique qui le contient. Il enregistre six albums dont «Black Soul» (2018), «Blues Night Tripper» (2019), «Zagora » (2019), «The Blues Whisperer» (2021), enfin le nouveau et prochain, le lancinant et vigoureux «Desert».
Ry Cooder et Majid Bekkas
Guitariste/multi-instrumentiste/ compositeur et producteur, Othman Wahabi n’a pas vraiment le choix : lorsqu’il s’éloigne de la musique gnaoua, celle-ci finit toujours par le rattraper quoiqu’il lui administre des mélanges gravés dans les plus flamboyants des métissages. Ce qui interpelle les britanniques Blues Matters Magazine et la BBC. Il est accueilli sur les colonnes du premier et les ondes de la seconde avec une curiosité «constructive».
A écouter les créations d’Othman, on comprend mieux pourquoi il cite comme plateforme d’influences des artistes que seule le terme musique unit : Ry Cooder, Majid Bekkas, Peter Tosh, Nass El Ghiwane, John Lee Hooker, Ali Farka Touré, Chris Rea, Tinariwen, Carlos Santana, Hassan Hakmoun… Et lorsque le résultat est gravé dans la fluidité, on en redemande.
Divers univers, tous portés par le blues, chatouillent ou caressent l’enfoui. Tel un lion indomptable, Othman Wahabi use de rugissements insoupçonnés. Un langage qu’il partage avec des guests qui ne parlent pas forcément les mêmes phrasés musicales mais qui savent les mêler jusqu’à l’ivresse. Un 14-Titres où le spirituel s’affiche comme guide éternel. Le voyage s’ouvre en arabe sur «Daoui ya Guamra» que nous sommes tentés d’assimiler aux créations de l’excellent Aziz Sahmaoui, leader de University of Gnawa. En poursuivant l’écoute, outre de solides influences noires américaines, il y a Dr John qui vient ici et là flirter avec l’ouïe.
L’album est autrement parsemé de featurings impliqués avec coeur. Sur «Blues for Farka» en hommage à l’immense musicien et compositeur malien Ali Farka Touré, le mandingue guinéen Oumar Kouyaté se lance (en intro) dans une tirade verbale où il revendique l’appartenance du blues à l’Afrique en citant John Lee Hooker.
Plus loin, «Gnaoua Blues» marie la guitare et la chaude voix d’Othman aux redoutables ritournelles aériennes du trompettiste portugais Joao Sousa. Autre registre, autre hommage : «David Diop’s Africa» célèbre le légendaire poète sénégalais. Dans ce «Desert», on croise également un clin d’oeil à Muddy Waters et la reprise de «The Sky is Criying», spirituelle, teintée de reggae. Et puis, il y a derrière l’harmoniciste Vincent Bucher sur «By the River» l’ombre du tonitruant Sugar Blue, l’homme qui a aiguillé le musicien français. En somme, ce nouvel opus d’Othman Wahabi est un condensé de profondes réflexions trempées dans une libre maturité.
Questionnement de la mémoire
L’artiste casablancais amorce pourtant sa carrière avec fracas. La musique par la rage, par des sons stridents, par la revendication tous-azimuts. Et puis, c’est l’accalmie. Adolescent, Othman Wahabi commence par cogner en empruntant des voies punk- rock et trash metal. Il monte avec un ami le groupe Keops, formation lourde de rock.
Ayant assez de vivoter sur fond de désaccords d’approches, Othman claque la porte en se rappelant qu’une autre est encore entr’ouverte, celle de son enfance, celle de souvenirs lointains, celle d’un papa fou de blues. Il se remémore ces doux moments et comprend que le bonheur créatif peut venir de la douleur que peut suggérer un style.
Il quitte le Maroc en 2005, destination le Canada, Montréal où il décroche un diplôme en gestion hôtelière et touristique. Le membre fondateur de la formation garage blues rock Othman Wahabi & The Blues Punk Machine et du projet marocain de punk alternatif Ranging Indigenous reprend en 2013 le standard «Catfish Blues» du légendaire Robert Petway.
Sur YouTube, ce premier essai récolte au-delà du million de vues. Othman entend alors se faire plus entendre encore en poursuivant son exploration dans les entraves du blues rock américain, puis dans le blues des racines et enfin dans le questionnement de la mémoire de son pays d’origine et de l’Afrique qui le contient. Il enregistre six albums dont «Black Soul» (2018), «Blues Night Tripper» (2019), «Zagora » (2019), «The Blues Whisperer» (2021), enfin le nouveau et prochain, le lancinant et vigoureux «Desert».
Ry Cooder et Majid Bekkas
Guitariste/multi-instrumentiste/ compositeur et producteur, Othman Wahabi n’a pas vraiment le choix : lorsqu’il s’éloigne de la musique gnaoua, celle-ci finit toujours par le rattraper quoiqu’il lui administre des mélanges gravés dans les plus flamboyants des métissages. Ce qui interpelle les britanniques Blues Matters Magazine et la BBC. Il est accueilli sur les colonnes du premier et les ondes de la seconde avec une curiosité «constructive».
A écouter les créations d’Othman, on comprend mieux pourquoi il cite comme plateforme d’influences des artistes que seule le terme musique unit : Ry Cooder, Majid Bekkas, Peter Tosh, Nass El Ghiwane, John Lee Hooker, Ali Farka Touré, Chris Rea, Tinariwen, Carlos Santana, Hassan Hakmoun… Et lorsque le résultat est gravé dans la fluidité, on en redemande.
Anis HAJJAM