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Maroc / Etats-Unis : Des relations enracinées sous le vent des changements géopolitiques


Rédigé par AB Jeudi 5 Décembre 2019

La visite du Secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, au Maroc revêt une réelle importance dans le sens où elle invite à s’interroger sur la qualité profonde des relations maroco-américaines dans un monde en mutation et l’acceptabilité des attentes des uns et des autres



Peu de choses ont filtré sur l’objet de la visite au Maroc du Secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo. Outre l’audience que devrait accorder SM le Roi au chef de la diplomatie américaine, il est question d’un passage en revue du partenariat économique et sécuritaire et d’exploration de nouveaux domaines de coopération.

Cerise sur le gâteau, c’est maintenant un haut responsable du Département d’Etat américain qui se plaît à rappeler, dans la cadre de l’annonce, il y a une semaine, de la visite de Mike Pompeo à Rabat, que le Maroc a été le premier à reconnaître l’indépendance des Etats-Unis, faisant ainsi concurrence aux médias marocains qui en font un leitmotiv.

« Menace iranienne » 

Il est intéressant de souligner qu’avant sa visite au Maroc, Mike Pompeo devait rencontrer, au Portugal, le Premier ministre israélien poursuivi par la justice, Benjamin Netanyahu, et que le haut responsable américain précité avait tenu à souligner que le Maroc est un pays arabe qui a « des liens et une relation apaisés avec Israël ».

Et d’annoncer, dans la foulée, que le Maroc devrait accueillir, en février 2020, le groupe de travail sur le processus de Varsovie relatif à la lutte contre le terrorisme, ledit processus étant notoirement et exclusivement tourné contre « la menace iranienne ».
Parallèlement, la présidente d’une ONG comme les Américains en sont friands, la très républicaine Suzanne Sholt de la Defense forum foundation, a adressé une lettre à Pompeo pour lui demander d’arrêter le soutien des Etats-Unis au Maroc, dans le but de lui forcer la main sur l’affaire du Sahara.

La carte du Sahara

Des confrères de la presse nationale y ont vu quelques paquets de dollars de fonds algériens pour activer le lobbying pro-polisarien, mais les Américains ne se font financer que ce qu’ils sont bien disposés à promouvoir. Depuis la présidence de Jimmy Carter (1977-1981), les Marocains sont parfaitement conscients que l’appui des Etats-Unis au Maroc est fonction du profil de l’occupant de la Maison Blanche et des intérêts américains du moment.
S’il était vrai, auparavant, que les Républicains se montraient plus réceptifs aux attentes du Maroc que ne l’étaient les Démocrates, cette différence a eu tendance à s’amenuiser, surtout depuis que les néoconservateurs ont infesté les rangs des deux grands partis américains. Ainsi fut le cas de John « moustache » Bolton, qui prenait malin plaisir à serrer la vis au Maroc sur l’affaire du Sahara au Conseil de Sécurité de l’ONU, avant de se faire virer de son poste, le 10 septembre dernier.

« Gag du siècle »

Lors de la première conférence du processus de Varsovie, qui s’est déroulée dans la capitale polonaise en février dernier, le Maroc a été représenté par Mohcine Jazouli, alors ministre délégué chargé de la Coopération africaine, l’absence du chef de la diplomatie marocaine, Nacer Bourita, ayant été fort regrettée par Benjamin Netanyahu, qui voulait le rencontrer.

Depuis lors, le « deal du siècle » du président Donald Trump a tourné en « gag du siècle », Netanyahu a la justice aux trousses et peine à rempiler à la tête du gouvernement israélien pour continuer à bénéficier de l’immunité, la Syrie a récupéré, sans coup férir, une large frange de son territoire jusqu’alors sous contrôle américain, les séparatistes kurdes pleurent à chaudes larmes leur abandon face aux soldats turcs, l’Iran se permet de narguer les Etats-Unis dans le Golfe persique et Moscou s’impose en nouvel acteur influent au Moyen Orient.

L’opportunité qui vient du froid

L’Amérique est un allié du Royaume qui n’a jamais officiellement reconnu la marocanité du Sahara et dont la politique au Moyen Orient et en Afrique du Nord porte une forte empreinte israélienne. La nouveauté, c’est que Moscou ne cache pas sa disponibilité à participer à une résolution politique du conflit du Sahara. Ses ambitions en Afrique n’ont d’égal que son subtil art de l’équilibre entre ses partenaires en concurrence, comme il en fait preuve au Moyen Orient… Tout ceci se trame, tandis qu’à l’Est du Maroc émergent autant de menaces que d’opportunités.

Ahmed NAJI

Le point d’inflexion d’Abqaïq

Le succès de l’attaque aux drones et missiles de croisière contre le complexe pétrolier saoudien d’Abqaïq, le 14 septembre, revendiquée par les rebelles yéménites houtis, mais plutôt attribuée par les Etats-Unis à l’Iran, sans toutefois parvenir à déterminer l’emplacement des sites de lancement, a provoqué un séisme géopolitique au Moyen Orient. Suite à quoi, le commandement militaire américain en charge du Moyen Orient (CENTCOM) a dû déplacer temporairement le contrôle de ses opérations aériennes de la base d’Al Udeid, au Qatar, à une autre située en Caroline du Sud. Les défenses aériennes saoudiennes, de fabrication américaine, se sont révélées totalement incapables de stopper cette attaque dévastatrice. Les stratèges sionistes en ont des sueurs froides.

Mike Pompeo

Michael Richard Pompeo, 56 ans, a été militaire (lauréat de l’académie West Point), avocat diplômé de l’Université d’Harvard et homme d’affaires opérant dans le secteur du pétrole, avant de se lancer dans la politique et se faire élire au Congrès des Etats-Unis, en 2010. Il a dirigé la CIA, de janvier 2017 à mars 2018, avant d’être nommé secrétaire d’Etat. Considéré comme l’un des faucons de l’Administration Trump, il est réputé pour ses positions anti-iraniennes et pro-israéliennes.

 
Processus de Varsovie

En février 2020, le Maroc serait l’hôte de la réunion du groupe de travail sur le processus de Varsovie relatif à la lutte contre le terrorisme, d’après le Département d’Etat américain. Lancé à l’occasion de la Conférence ministérielle sur la paix et la sécurité au Moyen-Orient qui s’est déroulée à Varsovie, le 14 février 2019, le processus du même nom a mis en place d’autres groupes de travail sur la cybersécurité, la protection des droits de l’Homme, la sécurité maritime, la sécurité énergétique et la prolifération des missiles.

Defense forum foundation

Se définissant, sur son site, comme étant « une fondation américaine à but non lucratif vouée à la promotion de la liberté, de la démocratie et des droits de l'Homme à l'étranger », la Defense forum foundation a été créée en 1987. Elle est actuellement présidée par Suzanne Sholt, membre du parti républicain qui a raté son entrée au Congrès des Etats-Unis, en 2014. Cette fondation focalise son attention sur plusieurs régions du monde dont le Sahara marocain et… la Corée du Nord ! Aminatou Haïdar compte parmi ses coqueluches.



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