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Maroc - UE : L’avenir du partenariat face à une Europe à deux vitesses [INTÉGRAL]


Rédigé par Anass MACHLOUKH Jeudi 10 Octobre 2024

Face à l’Europe des Juges qui contrecarre la volonté des Etats, le Maroc renvoie la balle aux pays européens pour relancer le partenariat stratégique. Détails.



128 navires européens, dont 93 espagnols, pêchaient dans les eaux marocaines en vertu de l’accord de pêche.
128 navires européens, dont 93 espagnols, pêchaient dans les eaux marocaines en vertu de l’accord de pêche.
“Ce qui s’est passé au Luxembourg est un non-événement”, a martelé, mardi, le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, lors d’une conférence de presse conjointe avec le président des Îles Canaries, en réaction à la dernière décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne invalidant les accords d’agriculture et de la pêche. L’air serein, le Chef de la diplomatie marocaine a adressé un message clair. Le Maroc n’est pas concerné par l’arrêt de la Cour pour autant qu’il ne soit pas partie prenante. C’est une sorte de coup d’épée dans l’eau sans aucune incidence sur la trajectoire de la question du Sahara qui demeure du ressort exclusif du Conseil de Sécurité, seule instance internationale habilitée à statuer sur ce conflit. Cela dit, la décision de la Cour européenne s’apparente à une gesticulation symbolique et une sorte d’ingérence judiciaire sans effet juridique. La CJUE a fourré le nez dans une affaire sur laquelle elle n’est pas compétente comme si elle était la garante du droit international alors qu’elle est chargée uniquement  de protéger le droit communautaire européen. Voilà en gros la réalité des choses du point de vue marocain.
 
L’UE face à ses contradictions
 
"Il y a une méconnaissance des réalités juridiques, politiques, historiques et humaines", a poursuivi Nasser Bourita sur un ton de reproche, lui qui n’a pas manqué de mots pour critiquer les contradictions de l’Union Européenne. Le Chef de la diplomatie marocaine, qui connaît bien les rouages de l’Europe, s’en est pris directement aux juges de la Cour de Justice qui ont statué en faveur du Polisario. Leur attitude est, pour le moins, curieuse. Ils ont pris une telle décision aux conséquences fatidiques deux jours avant de quitter leurs fonctions. « Ils ont rendu leur arrêt le 4 de ce mois et ont quitté leurs fonctions le 6 », a rappelé Bourita, ne cachant pas sa sidération. 

La décision a été rendue par 13 juges présidés par le “baron” belge Koen Lenaerts, un aristocrate dépositaire d’un titre de noblesse héréditaire qui se fait avocat de l’autodétermination ! Qui sont ces juges ? Il y en a l’Irlandais Eugene Regan, le Bulgare Alexander Arabadjiev, le Chypriote Constantinos Lycourgos, le Hongrois Zoltán Csehi, la Roumaine Octavia Spineanu-Matei, le Croate Siniša Rodin, Jarukaitis, le représentant de la Lituanie Irmantas Jarukaitis, l’Autrichien Andreas Kumin, le Finlandais Niilo Jääskinen et la juge espagnole Maria Lourdes Arastey Sahún. Leur perception du conflit du Sahara est qualifiée de “superficielle” par Nasser Bourita, qui a souligné à quel point les pays européens demeurent attachés au partenariat avec le Maroc quels que soient les arrêts de la CJUE.
 
Que vaut la volonté des Etats européens ?
 
En fait, la quasi-totalité des Etats-membres de l’UE, notamment les puissances influentes, ont tenté de rassurer le Maroc, auquel ils restent intimement attachés. Mardi, l’Allemagne, par la voix du porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a réaffirmé "la grande importance" qu’elle accorde au partenariat stratégique, multidimensionnel et privilégié, qui lie le Maroc à l’Union Européenne. Berlin rejoint ainsi le consensus européen exprimé clairement par la présidente de la Commission Européenne, Ursula Von Der Leyen, et le Chef de la Diplomatie de l'UE, Josep Borrell.
 
L’Europe tiraillée
 
Ce décalage entre la volonté des Etats-membres et celle de la Cour de Justice de l’UE en dit long sur le fonctionnement de l’Europe qui semble marcher à deux vitesses et parler de deux voix, ce qui nuit, en conséquence, à son image auprès de ses partenaires. Pas besoin d’être un expert pour s’étonner que la Commission et le Conseil européens, les pouvoirs exécutif et législatif de l’UE, approuvent un accord qui risque d’être rejeté par la Justice de l’Europe. “La CJUE joue contre l’intérêt des peuples européens parce que les Etats, d’eux-mêmes, ont cédé une partie de leur souveraineté”, s’indigne Aymeric Chauprade, ancien eurodéputé et ancien conseiller de Marine Le Pen.

Le géopolitologue, qui connaît bien le Maroc, déplore que la Cour puisse contrecarrer la volonté des 3 principales institutions européennes, à savoir la Commission, le Conseil et le Parlement européen qui a ratifié les accords signés avec le Maroc.

Cette ambivalence, poursuit M. Chauprade, provoque chez les partenaires de l’UE une certaine méfiance. Il préfère parler d’insécurité juridique du moment que toute accord peut être remis en cause à tout moment. “N’importe quel partenaire se trouve de facto dans une situation d’insécurité juridique”, insiste-t-il.
 
A l’Europe de songer à l’avenir !
 
Pour sa part, le Maroc, qui a pris acte sereinement de cette décision, loin des esclandres et des indignations, demande à l’Europe d’assumer ses engagements internationaux comme indiqué dans le communiqué du ministère des Affaires étrangères du 4 octobre. Maintenant que la Justice européenne a plongé le partenariat dans le flou, le Royaume renvoie la balle à l’Union Européenne, à laquelle incombe de songer à l’avenir. Pendant la conférence de presse, Nasser Bourita a fait clairement savoir que le Maroc n'adhérera jamais à aucun accord qui ne respecte pas sa souveraineté et son intégrité territoriale. “Le dossier du Sahara est le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international, et l'aune qui mesure la sincérité des amitiés et l’efficacité des partenariats que le Royaume établit”, avait indiqué SM le Roi le 20 août 2022. Ce principe est désormais un dogme immuable de la diplomatie marocaine. Sans le respect de la marocanité du Sahara, rien n’est envisageable. “C’est la moindre des choses que le Maroc demande à l’Europe de respecter ses engagements, il a légitimement le droit à la sécurité juridique”, poursuit l’expert.

Le Maroc ne semble pas passionnément attaché aux accords annulés, ce sont les Européens qui donnent l’impression d’en avoir plus besoin. Raison pour laquelle la Commission Européenne n’a eu de cesse de rassurer le Royaume de sa volonté de poursuivre la coopération à tous les niveaux. Ici, la décision de la CJUE est perçue comme une opportunité pour partir à la quête de nouveaux débouchés. Ils sont nombreux.
 
 

Trois questions à Aymeric Chauprade : « Le Maroc a beaucoup moins à perdre que l’Union Européenne »

  • La décision de la CJUE aura-t-elle des conséquences politiques majeures ?
 
Cette décision crée de facto une grave instabilité juridique dans la relation entre le Royaume et l’UE. Le Maroc est en droit de penser que l’UE n’est plus un partenaire fiable. Quoique disent les Etats européens, la présidente de la Commission, Von der Leyen, et Joseph Borrel, pour minimiser les effets d’annonce de cet arrêt, la décision de la CJUE s’impose finalement aux Etats européens. En d’autres termes, l’Union Européenne s’est tiré une balle dans le pied en sabordant des accords qui lui étaient devenus plus utiles qu’au Maroc! Aussi, cette décision contraint–elle la Commission à renégocier les accords actuels avec le Royaume qui aura du mal à accepter un accord excluant son Sahara. Pour l’Espagne, qui bénéficie le plus des accords de pêche, cette décision est catastrophique. Son industrie de la pêche, surtout en Andalousie et dans les îles Canaries, subit des pertes majeures.  Le Maroc a moins à perdre que l’UE puisqu’il a beaucoup plus intérêt à diversifier ses accords de pêche, notamment avec la Russie, le Japon, le Royaume-Uni ou encore la Chine, qu’à rester enfermé dans sa relation avec l’UE.
 
  • Sommes-nous dans une situation de vide maintenant ?
 
Le Maroc est en position de force maintenant. Il n’est pas dans la situation d’infériorité commerciale dans laquelle il se trouvait au moment de la négociation des accords annulés. Il peut imposer ses conditions à l’UE et dire : « Ce sera avec le Sahara ou rien ». Regardez la position des pays du Conseil de Sécurité. Les Américains reconnaissent la marocanité depuis 2020, la France depuis cette année. La Russie a signé avec le Maroc des accords de pêche comprenant les zones sahariennes et elle affirme sa neutralité dans les votes de Résolution de l’ONU concernant le Sahara. La Grande-Bretagne a, elle aussi, conclu des accords commerciaux avec le Royaume qui englobent les provinces sahariennes et qui ont été validés par la Cour suprême. Il n’y a que l’UE qui est empêtrée dans le problème de la CJUE. Le Maroc n’a donc qu’à camper sur sa position de principe qui est que son intégrité territoriale n’est pas négociable. La balle est dans le camp des Européens.
 
  • La CJUE a-t-elle commis une erreur en donnant le droit au Polisario d’ester en justice ?
 
Il faut s’interroger sur la légitimité de la CJUE à statuer sur un sujet extérieur à l’Union Européenne qui concerne seulement ses relations avec ses partenaires. Je me demande d’où la Cour tire sa légitimité alors que ces accords ont été conclus après avoir été validés à l’unanimité des 3 principales institutions européennes : la Commission, le Conseil et le Parlement européens. Je rappelle que dans l’affaire C-278-01, « Commission contre Allemagne », la CJUE a rappelé que les Etats membres conservent leur compétence en matière de politique étrangère. Par conséquent, la CJUE n’est pas compétente pour statuer sur les accords commerciaux entre l’UE et le Maroc. Deuxièmement, la CJUE reconnaît le droit du Front Polisario « d’ester en justice » au nom des habitants des provinces du Sud du Maroc, alors qu’elle le considère un simple « interlocuteur privilégié » sans être le représentant légitime de la population sahraouie. Il y a là une contradiction fondamentale qui annule de facto le droit du Polisario « d’ester en justice ».  La CJUE contient des erreurs flagrantes, comme d’affirmer que la majeure partie des Sahraouis se trouveraient en dehors des territoires considérés, ainsi qu’une méconnaissance totale du contexte historique et juridique de la question du Sahara. Ce qui porte atteinte à la crédibilité du raisonnement proposé dans l’arrêt. 
 

Alternatives : À la recherche de nouveaux débouchés

Dans une lettre adressée au Chef du gouvernement, la Fédération Nationale des Industries de Transformation et de Valorisation des Produits de la Pêche (FENIP) a déclaré avoir pris connaissance de la décision rendue le 04 octobre 2024 par la Cour de Justice de l’Union Européenne, annulant les accords commerciaux de pêche et d’agriculture entre le Maroc et l’Union Européenne. Il s’agit, selon la fédération, d'une décision infondée qui représente un défi important pour le secteur de la pêche, pilier de l’économie nationale et des échanges extérieurs. 

En dépit des répercussions d’une telle décision, la fédération semble optimiste puisqu’elle se dit convaincue qu’elle peut être transformée en opportunité pour la pêche marocaine. “Nous croyons fermement qu’il est possible de convertir cette contrainte en opportunité pour le secteur”, précise la même source. 

La fédération juge qu’il est temps de diversifier les débouchés, une aspiration qui doit être érigée en priorité. Dans sa lettre, la corporation a suggéré de renforcer les efforts pour développer de nouveaux partenariats commerciaux avec des marchés à fort potentiel, tels que l’Asie, l’Amérique latine, et surtout l’Afrique.

Parlement européen : Désillusion du Polisario et de ses thuriféraires

Même au cœur du Parlement européen, l’une des institutions européennes les moins amènes à l’endroit du Maroc, la décision de la CJUE ne fait pas l’unanimité. Les eurodéputés pro-Polisario n’ont pas eu assez de temps pour exulter. A peinent ont-ils voulu en débattre qu’ils ont subi un revers. Ils ont échoué à inscrire la décision à l’ordre du jour de la session plénière du 7-10 octobre.

Ce genre de gesticulations sont souvent et traditionnellement de la gauche. Cette initiative a été portée par le groupe de la Gauche, avant qu’elle ne soit rejetée à la majorité des eurodéputés issus des différentes familles politiques de l’hémicycle de Strasbourg.  Ce rejet n’est pas fortuit. Nombreux sont les élus européens qui se sont indignés de la démarche de la Cour de Justice de l’UE et l’ont publiquement fait savoir. Nicolas Bay, l’une des figures de proue des Conservateurs européens, a sévèrement taclé l’UE. “La CJUE a cédé aux revendications des terroristes du front Polisario sur le Sahara et porté atteinte aux intérêts économiques européens et marocains", a-t-il martelé. Même son de cloche du député du Rassemblement national, Thierry Mariani, connu pour ses positions claires et tranchées en faveur du Royaume. "Triste jour pour l’Europe", a-t-il écrit, soulignant que tout le monde a compris que le Sahara est marocain "sauf la Cour de Justice de l’UE". Les critiques viennent aussi du Parti populaire européen, groupe majoritaire au Parlement de Strasbourg, qui dirige la Commission Européenne. Un de ses députés, Tomáš Zdechovský, a déclaré que “le Maroc reste le partenaire le plus fiable en Afrique du Nord et le seul interlocuteur de l'UE pour toutes les questions politiques et commerciales".
 
 
 









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