L'Opinion Maroc - Actuali
Consulter
GRATUITEMENT
notre journal
facebook
twitter
youtube
linkedin
instagram
search



Actu Maroc

Médicaments et prestations médicales : L’urgence d’une nouvelle tarification nationale [INTÉGRAL]


Rédigé par Souhail AMRABI Mercredi 16 Octobre 2024

Au moment où les prix des médicaments continuent leur baisse, la nouvelle tarification nationale de référence se fait toujours attendre. Détails.



Khalid Ait Taleb, ministre de la Santé.
Khalid Ait Taleb, ministre de la Santé.
Après la généralisation de l’Assurance maladie obligatoire, dont le gouvernement a parachevé la mise en œuvre, le débat sur l’accessibilité des services médicaux et le coût des médicaments est censé être clos. Or, on n’est pas sorti de l’auberge. Les difficultés sur le terrain restent encore si nombreuses que le débat refait irruption à la Chambre des Représentants à tel point d’occuper une partie importante de l’ordre du jour de la séance plénière consacrée aux questions orales. Face aux nombreuses questions des députés, dont plusieurs ont critiqué le coût élevé des actes médicaux et des médicaments de façon générale, le ministre de la Santé et de la Protection sociale, Khalid Ait Taleb, a jugé le moment idéal pour les annonces réjouissantes. “Les prix de 169 médicaments seront bientôt revus à la baisse avec des proportions allant jusqu’à 59%”, a-t-il annoncé, rappelant que cette baisse concerne également des traitements de maladies chroniques.  

Jusqu’à présent, cette décision n’a pas encore été actée au Bulletin Officiel, mais le sera bientôt. Selon une source ministérielle, les baisses vont varier de 5% à 59% en fonction des médicaments et des pathologies. La nouvelle réduction, rappelons-le, concerne plusieurs pathologies telles que les maladies cardio-vasculaires, le cancer, l'hypertension, l'hépatite B… En gros, il s’agit des maladies qui nécessitent une longue prise en charge. Cette décision fait l’objet d’un décret ministériel. 

Malgré cette “bonne nouvelle”, des efforts restent à faire pour garantir que les médicaments soient durablement accessibles. “Aujourd’hui, nous ne pouvons parler de hausse des prix, il n’y a pas eu de hausses”, a rassuré le ministre qui, pourtant, reconnaît que le niveau général des prix reste élevé par rapport au pouvoir d’achat des citoyens. Aux yeux de Khalid Ait Taleb, l’optimisme reste de mise. Le bilan de ce qui a été fait jusqu’à aujourd’hui, considère-t-il, demeure positif pour autant que les prix de 4500 médicaments génériques ont baissé grâce à leur exonération de la TVA. Cette décision a été prise par le gouvernement dans la Loi des Finances 2024 dans le cadre de la réforme fiscale. Une décision à laquelle l’ensemble du secteur pharmaceutique, que ce soient ses composantes industrielles ou commerciales, a adhéré. Cette décision a été prise de sorte à ce que cela se fasse en concertation avec les laboratoires fabricants pour qu’ils ne soient nullement impactés. 

En dépit des efforts consentis, les prix restent élevés pour le citoyen, a riposté l’opposition parlementaire, alléguant le niveau des prix à l’étranger. Le ministre a rejeté catégoriquement les comparatifs entre les prix au Maroc et ceux pratiqués dans des pays européens. “Les pharmaciens d’officine dans certains pays ont d’autres sources de profit que la vente des médicaments, alors qu’ici on se contente des marges commerciales, raison pour laquelle nous sommes en cours de réforme du secteur pharmaceutique dans son ensemble”, a-t-il fait savoir. Là, il fait allusion aux nombreux actes médicaux auxquels les pharmaciens officinaux ont accès dans des pays comme la France par exemple, et qui leur rapportent des revenus supplémentaires, ce qui expliquerait, selon lui, les écarts de prix. Les syndicats des pharmaciens, pour leur part, n’ont eu de cesse de revendiquer l'élargissement de leurs compétences pour pouvoir exercer des actes médicaux. Ils ont obtenu récemment la réalisation des tests diagnostic rapide. Un pas en avant en attente d’autres prestations. 
 
Pour quand la tarification nationale de référence ? 

Par ailleurs, le coût des médicaments renvoie automatiquement à la tarification nationale de référence qui peine encore à voir le jour, bien qu’il y ait un consensus national sur l’urgence de l’élaborer le plus rapidement possible. A présent, il y a eu des progrès que Khalid Ait Taleb a rappelés à l’hémicycle. Nous sommes passés aujourd’hui de la Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) à la Classification commune des actes médicaux. Ceci fait l’objet d’un arrêté du ministère de tutelle publié le 18 janvier dernier au Bulletin Officiel. Près de 7000 actes médicaux sont désormais inclus dans cette sorte d’inventaire, alors qu’on était à 3500 dans l’ancien système. Khalid Ait Taleb a fait part de l’ambition du gouvernement d’arriver prochainement à 8000 actes médicaux prochainement. 

Cette nouvelle classification n’est que le prélude d’une nouvelle étape vers une tarification nationale de référence qui prenne en compte l’ensemble des actes professionnels. Tout le monde attend impatiemment la nouvelle Nomenclature tarifée, d’autant qu’il n’y a pas eu de mise à jour depuis 2006. Il s’agit également d’une condition sine qua non pour la généralisation de l’AMO.

Pour rappel, la tarification de référence est si importante qu’il s’agit de la base sur laquelle se calcule le niveau du remboursement des médicaments et des prestations médicales par la Sécurité sociale. D’où la nécessité qu’elle soit mise à jour et être conforme aux prix réels des actes médicaux et aux évolutions des technologies médicales, et ce, au bénéfice à la fois des opérateurs privés et des ménages. Aujourd'hui, ce travail incombe à l’Agence Nationale de l'Assurance Maladie (ANAM) qui poursuit les concertations avec l’ensemble des acteurs concernés. “Nous ne pouvons pas nous permettre de mettre en place un nouveau cadre tarifaire sans tenir compte des équilibres de la couverture médicale. Nous avons besoin de compromis”, a insisté le ministre lorsqu’il a été interrogé sur ce point.  Cette tarification est jugée vitale pour mettre fin aux abus souvent observés dans le secteur privé, dont le chèque-garantie et ce qu’on appelle “le noir”. “Ces abus existent, j’en conviens, mais ne généralisons pas”, a reconnu Khalid Ait Taleb, qui parie pour l’instant sur le contrôle et les missions d’inspection. Cette année, toutes les contraventions seraient sanctionnées, selon les déclarations du ministre qui, force est de le constater, n’a donné aucun chiffre officiel pendant son passage à l'hémicycle. 

 

3 Questions à M. Saâd Taoujni : “Nous avons besoin d’un système de veille tarifaire”

  • Le ministre de la Santé a annoncé une nouvelle réduction des prix de 169 médicaments. Mais, le prix reste généralement élevé et mal encadrés, qu’en pensez-vous ?
 
Le problème des médicaments est assez sérieux. Ils représentent plus du tiers des dépenses totales de la santé. Il n’est pas normal que certains remèdes soient plus chers au Maroc que dans des pays plus développés. Les écarts sont parfois difficilement justifiables. Il est curieux de voir des médicaments très coûteux vendus à des prix si élevés en pharmacie avec de faibles rémunérations pour les pharmaciens d’officine. Ces derniers dont il faut tenir compte des revendications spécifiques, sont plutôt à protéger et ne sont pas concernés par mes propos. Je parle là de la politique de régulation, de fixation des prix et d’importation des médicaments des maladies chroniques ainsi que du mode de distribution et de dispensation. Il faut, à mon avis, revoir ces prix sur la base d’un benchmark détaillé. Il suffit de s’inspirer des bonnes pratiques à l'international avec des comparaisons avec des pays à revenu similaire. Par rapport à ces derniers les prix de certains médicaments coûteux sont deux à trois fois moins chers qu’au Maroc. Il est vrai que ces médicaments sont souvent dispensés gratuitement dans les hôpitaux publics mais nos gouvernants ont fait un tout autre choix. Il en va de même pour les actes médicaux.
 
  • Cela nous renvoie à la question de la tarification nationale de référence dont on parle beaucoup, elle peine à voir le jour. Comment y parvenir à votre avis ?
 
Le ministre a essayé de justifier le retard par les nécessités de la mise à jour de la Nomenclature Générale des Actes Médicaux. Il a créé ainsi une confusion entre nomenclature et tarification. Or, si cette dernière détermine la valeur des lettres-clés des actes de chirurgie, de radiologie, des analyses médicales, etc., la nomenclature quant à elle attribue uniquement des coefficients en fonction de la pénibilité de l’acte.

Il n’y a pas plus simple que d’établir une tarification de référence. C’est un travail de comptabilité analytique qui consiste à calculer minutieusement les coûts, des actes médicaux dans leur intégralité, du consommable médical, des gaz et fluides médicaux ainsi que des autres charges directes et indirectes. Je me demande pourquoi nous ne disposons pas d'un système clair de veille tarifaire qui demeure indispensable et facile à mettre en place.

D’autre part, je rappelle qu’on peut se servir des références médicales opposables (RMO) qui nous donnent une idée assez claire sur les prescriptions et les pratiques concernant une pathologie. La future Haute Autorité de la Santé peut se baser sur ces références en les adaptant au contexte marocain, mais en les faisant respecter. Les RMO élaborées en partenariat avec les sociétés savantes, sont très utiles pour déterminer les dépenses nécessaires pour faire face à une maladie. N’oublions pas aussi qu’il y a des frais non couverts par la sécurité sociale comme le coût du transport médicalisé qui est à la charge du patient.
 
  • Quelles sont les conditions à réunir avant de mettre en place la nouvelle tarifications ?

La tarification n’est pas une fin en soi. Il faut qu’elle soit efficace. Il ne suffit pas de la mettre en place. Il faut veiller à ce qu’elle soit rigoureusement respectée par les opérateurs. Par exemple, il est inadmissible qu’on se contente d’accepter les actes grassement remboursés et de refuser ceux qui sont mal couverts par la sécurité sociale. Ce genre de pratiques existent malheureusement. D’où l’importance de renforcer les mécanismes de contrôle pour veiller à ce que tout le monde ait un accès égal aux soins que ce soit dans le secteur public ou privé. En plus, il faut s’assurer du respect de la tarification par les prestataires désireux de soigner les nombreux assurés récemment solvabilisés par les organismes d’AMO. Sinon ils devraient être déconventionnés.
 
Par ailleurs, il ne faut pas envisager la tarification de façon isolée. Il faut la mettre dans un contexte global, celui de la refonte du système de santé. La refonte de la tarification, doit tenir compte des fractures territoriales où l’offre médicale laisse beaucoup à désirer et les populations incapables de payer les soins externes et d’attendre le remboursement. 
 
La tarification doit être adaptable et évolutive en tenant compte du service médical rendu et de l’évolution des pratiques médicales innovantes qui sont parfois moins coûteuses que la tarification des anciens actes. Certains tarifs pourraient être aussi revus à la baisse car ils sont plus coûteux chez nous.

Couverture sociale : La fusion reportée !



La fusion entre la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (CNOPS) est loin d’être achevée. Critiqué, ce chantier est reporté. Le gouvernement a fini par différer, le 19 septembre, l’examen du projet de loi n° 54.23, et ce, pour débattre de façon plus approfondie sur les implications d’une telle réforme, selon les explications fournies par le ministre porte-parole du gouvernement, Mustapha Baitas.

Ce projet de loi a pour vocation de centraliser la gestion de tous les régimes d’assurance maladie obligatoire de base, qu’il s’agisse des secteurs public ou privé, ainsi que des personnes incapables de cotiser, afin d'harmoniser la gestion des différents régimes sous l’égide de la CNSS.



Selon les explications de l'Exécutif, ce chantier vise également à mieux gérer les risques financiers et à garantir une plus grande équité dans l'accès aux soins et le remboursement des prestations de santé pour les assurés et leurs ayants droit, dans un contexte financier préoccupant où la CNSS affiche un excédent de plusieurs milliards de dirhams, tandis que la CNOPS se dirige vers un déficit budgétaire croissant. Or, Mustapha Baitas a reconnu qu’il s’agit d’une réforme difficile. 


Pharmaciens : Le souci des marges

Cela fait des années que les pharmaciens se plaignent de leur situation financière qui, selon eux, ne cesse de se dégrader d’année en année. Pour cause : une détérioration constante de leurs revenus au cours des années précédentes. Le Conseil de la Concurrence estime que le revenu mensuel des pharmacies, en moyenne générale, ne dépasse pas 4.000 dirhams. Une situation jugée inquiétante par les syndicats de la profession qui ont multiplié les actes de protestation au cours de l’année précédente. Pour rappel, dans une démarche collective, les syndicats des pharmaciens d’officine ont organisé plusieurs grèves entre mars et mai 2023 pour dénoncer la précarité dont souffrent les professionnels, une situation, pensent-ils, qui dure sous les yeux impuissants des autorités compétentes, notamment le ministère de la Santé.
 
En fait, quand on interroge les pharmaciens, dont le nombre s'élève à 12.000 à l’échelon national, sur leurs craintes, une réponse revient souvent dans leurs bouches : les marges, dont le mode de calcul actuel est considéré comme préjudiciable à la solvabilité des petites pharmacies. Ce débat refait surface à chaque fois que le ministère de tutelle procède à la révision des prix des médicaments.
 
Selon les estimations, la marge moyenne des pharmaciens est de 27%, sachant que les marges varient entre 29% et 33% en fonction des prix des médicaments de moins de 1000 dhs. Selon les pharmaciens, les marges sont plus problématiques pour les médicaments onéreux dont le prix dépasse 1000 dirhams. Là, on raisonne en termes de forfait. Le pharmacien perçoit une marge de 300 dirhams quand le médicament coûte entre 1000 et 3000 dirhams. Dès que les prix dépassent cette barre, les marges ne peuvent aller au-delà de 400 dirhams.
 
Rappelons que le prix du médicament est défini sur la base d’un benchmark avec sept pays. Quant aux marges du pharmacien d’officine et les forfaits, ils ont été fixés par le Décret 2-13-852 relatif aux conditions et aux modalités de fixation du prix public de vente des médicaments fabriqués localement ou importés.
 
 
 
 








🔴 Top News