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Actu Maroc

Menace d’un reconfinement général après le "cluster" d’Asfi ?


Rédigé par Saâd JAFRI & Hajar LEBABI Dimanche 5 Juillet 2020

Après la détection d’un nouveau cluster à Asfi, la ville a été mise en quarantaine totale, à quelques jours seulement de la date de la levée de l’état d’urgence sanitaire…Sommes-nous aux portes d’une reconduction du confinement ?



Les autorités ont-elles déconfiné les populations plus tôt qu’il ne le fallait ?
Les autorités ont-elles déconfiné les populations plus tôt qu’il ne le fallait ?
A peine quelques jours nous séparent de la date du 10 juillet annoncée comme celle de la levée de l’état d’urgence sanitaire. Mais rien n’indique que cette mesure sera actée. Bien au contraire, plusieurs indices laissent croire que l’urgence sanitaire sera prolongée.

En premier lieu, il y a l’explosion du nombre de contaminations et la multiplication des clusters. En second lieu, il y a le maintien des frontières fermées et en troisième lieu il y a la progression alarmante et de plus en plus rapide vers le pic, très redouté, des 10.000 cas actifs, synonyme d’une contamination communautaire et le passage à la phase 3 de la pandémie, qui se définit par une circulation active du virus. Si cette phase est entamée, le plan national de riposte précise qu’il faudra renforcer de nouveau les mesures de confinement et de distanciation sociale et la mobilisation collective des professionnels de la Santé. 

Pourtant et tout récemment, alors que les compteurs de la pandémie étaient en plein affolement, le ministre de la Santé, Khalid Ait Taleb, se voulant rassurant, affirmait que la pandémie était sous contrôle. Au lendemain de cette déclaration, la ville d’Asfi avait été reconfinée et littéralement verrouillée suite à l’apparition d’un énorme cluster dans une usine de sardine qui a causé plus de 400 contaminations (voir repères).

Des questions sans réponses !

Ce qui rend d’actualité les questions légitimes des Marocains quant à l’absence de visibilité et d’information sur les conditions de déconfinement et de reconfinement. À partir de quel seuil de contaminations une ville ou une région peuvent être reconfinées ? Une question qui revient comme un leitmotiv parmi une population terrorisée par la perspective cauchemardesque de se voir reconfinée en plein été.

L’autre question tout aussi prégnante est celle de savoir s’il n’y a pas eu erreurs de timing dans la gestion de la pandémie. En plus clair, nos autorités ont-elles déconfiné les populations plus tôt qu’il ne le fallait ? Lorsqu’on se rappelle que les Marocains avaient été confinés à une période où la courbe des contaminations progressait à une cadence de moins de dix cas par jour et qu’ils sont maintenant déconfinés à une phase où la pandémie affecte des centaines de personnes quotidiennement, cette question trouve une certaine justification. D’où la nécessité de dévoiler les critères sur lesquels s’est basé le gouvernement pour entamer le processus de déconfinement.

Ainsi, la vision d’ensemble n’est pas présente à un moment critique et la communication gouvernementale n’est pas de nature à rassurer la population et les acteurs économiques qui ont besoin d’une visibilité sur les mesures futures de l’Etat pour pouvoir prendre les dispositions nécessaires à la relance. Il est impossible de planifier la relance des secteurs comme le tourisme, l’industrie, l’immobilier, ou encore les simples commerces, qui ont été dévastés comme jamais auparavant par la crise, dans une ambiance aussi incertaine et avec des perspectives aussi menaçantes.

Saâd JAFRI
Repères 

Asfi en mode «lockdown»
En seulement 24 heures, plus de 400 cas positifs à la Covid-19 ont été enregistrés à Asfi dans une usine de transformation de poissons. Les autorités publiques ont placé la ville en quarantaine. Tous les accès ont été complètement fermés dans la nuit de samedi à dimanche. Les habitants d’Asfi sont dorénavant soumis à un confinement total, avec interdiction de quitter la ville. Des campagnes de sensibilisation sont menées par des patrouilles des autorités locales et une campagne de dépistage massif a été lancée visant les travailleurs de l’usine concernée.

Quid de l’hospitalisation ?
Avant le rebond des contaminations, les ministères de l’Intérieur et de la Santé avaient annoncé les cas actifs et positifs à la Covid, au sein de deux structures sanitaires spécialisées, localisées respectivement à Benslimane et Ben Guérir. Néanmoins, sont-ils suffisants pour faire face à cette remontada des infections, sachant qu’ils ne totalisent que quelques centaines de lits ? De nouveaux hôpitaux de campagne seront-ils construits ? Des questions auxquelles le gouvernement doit répondre, d’autant que les Marocains sont encore une fois noyés dans le doute et la crainte.

3 questions à Allal Amraoui : «Le Maroc commence à peine à vivre la première vague de la pandémie»

Menace d’un reconfinement général après le "cluster" d’Asfi ?
Le chirurgien et parlementaire istiqlalien Allal Amraoui nous livre ses réflexions sur un éventuel reconfinement.

- Pourquoi le nombre de cas augmente-t-il au Maroc?

- L’augmentation du nombre de tests effectués, conjuguée au relâchement total quant au respect des mesures barrières, synonymes de prévention, font que plus de cas sont détectés. Que ce soit pour la distanciation sociale ou pour le port de masques, nous remarquons qu’il y a une sorte de ras-le-bol, ce qui reste somme toute normal pour des populations trop longtemps confinées et pour lesquelles nous sommes en train de vivre une sorte de convalescence sociale et professionnelle comme un retour de manivelle. En revanche et c’est le plus grave à mon sens, c’est le relâchement constaté chez les décideurs, chef du gouvernement en tête, qui se permettent d’apparaître en public, sans masque. La force des symboles n’est pas à négliger, de même que l’action pédagogique envers les populations sur laquelle on ne peut que déplorer la faillite du gouvernement.

- Pourquoi y a-t-il une absence de transparence quant aux conditions de reconfinement et de déconfinement?

- Cela découle principalement de cette posture de certains membres du gouvernement dont Monsieur Sâad Eddine El Othmani qui veut créditer l’idée comme quoi il n’est pas responsable et que les clés de la décision sont entre d’autres mains. C’est en somme le même refrain devenu lassant des Crocodiles et des démons que le parti dirigeant de l’actuelle majorité gouvernementale a érigé en stratégie politique de cette expérience gouvernementale pour se dédouaner de sa responsabilité avérée.

- Comment s’annonce la suite en cas de totalisation de 10.000 cas actifs qui est synonyme de contamination communautaire ?

- Le reconfinement est à mon sens une option inenvisageable. En revanche, la reconduction de l’état d’urgence sanitaire qui instaure un cadre de vigilance sanitaire, me semble plus que plausible et de surcroît nécessaire dans l’état actuel des choses. On a souvent entendu parler de deuxième vague, mais je tiens à préciser que le Maroc commence à peine à vivre la première vague de la pandémie. Cela ne signifie nullement que nous devons nous refermer sur nous-mêmes, mais bien au contraire, accepter de cohabiter avec le virus pour mieux le combattre. Cela ne veut pas dire également que le confinement édicté en début de pandémie, pour une trop longue période certes, était une erreur. Loin s’en faut, puisque cette mesure nous a évité une hécatombe comparable à celle de l’Espagne et de l’Italie.

Recueillis par Hajar LEBABI 








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