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Culture

Najah Salam, une voix n’est pas coutume


Rédigé par Anis HAJJAM le Dimanche 8 Octobre 2023

La chanteuse et actrice libano-égyptienne s’éteint à Beyrouth le 28 septembre à 92 ans. Elle aura tout interprété : du sentimental, du patriotique, du religieux. Sa seule présence suffit à attirer l’attention, son charisme invite au respect. Plus de 3000 chansons au compteur et des vibrations qui continuent à secouer les mélomanes. Avec « Ayez Gawabatek », elle conquiert le monde arabe. 67 années après sa sortie, l’œuvre est toujours vivante.



L’artiste interprète une chanson initialement écrite et composée pour Oum Kelthoum.
L’artiste interprète une chanson initialement écrite et composée pour Oum Kelthoum.
Son parcours dessine, peint et dépeint le génie vocal et émotionnel d’une dame qui vit le texte en l’interprétant avec majesté. Elle ne chante pas, elle fait pleurer ses cordes vocales. La douceur de sa voix, même dans le registre joyeux, rassure, calme, caresse l’âme. Son milieu s’y prête. Najah naît en 1931 dans une famille où l’art et la religion font bon ménage : son grand-père, Cheikh Abdul Rahman Salam, est secrétaire de la Maison libanaise de la Fatwa ; son père est le grand compositeur et luthiste Mohieddin Salam. Il est également directeur de la radio de Beyrouth. Lors d’une visite que rend le phénix égyptien Mohammed Abdel Wahab à la station, la jeune Najah profite de l’occasion et chante devant lui.

Abdel Wahab est séduit. Il conseille au papa d’encourager la petite à emprunter la voie de la chanson. Ce que Mohieddine ne tarde pas à faire. En 1947, il se rend au Caire, flanqué de sa fille qui croit rêver. Elle est alors présentée à Oum Kelthoum, à Ahmed Zakarya, à Farid El Atrach, à Asmahane… Moins de deux années plus tard, elle enregistre ses deux premières chansons : « Hawel Ya Ghanam Hawel » et « Ya Jarha Kalbi ». Suivent quelques prestations scéniques dans la région, à Damas, à Alep, à Ramallah, à Bagdad… Retour en 1950 à Beyrouth où elle met en boîte quelques titres pour la radio dont « Ala Masrahak Ya Dounia », chanson écrite par Sami Sidawi et composée par Nicolas Al Matni. Najah Salam entame ensuite une carrière d’actrice plus ou moins satisfaisante.

Elle y joue et chante. Une quinzaine de films qui lui permettent de croiser quelques monstres du cinéma et de la télévision (Kamal Shennaoui, Ismail Yassin, Souad Hosni, Samia Gamal, Mohcen Sarhan, Tahiat Kariouka, Ahmed Ramzy, Laïla Fawzy…) et son futur premier époux Mohamed Salman, acteur et chanteur libanais qu’elle rencontre sur le tournage de « Assaad waad » en 1955. Ils se marient la même année et se séparent en 1965. Deux filles naissent de cette union, Samar et Reem.   
 
Abdel Wahab, Baligh, Soumbati… 

Le cœur de l’artiste bat essentiellement pour le chant. « Chanter est une responsabilité, et celui qui la porte réussit à diffuser ses chants parmi les gens (…) L’art joue le rôle de miroir et d’ambassadeur et se transforme en une civilisation que nous recherchons tous, mais les nouvelles générations de chanteurs, poètes et compositeurs ne le savent pas (…) Notre époque était celle du don et donc celle de l’art sincère qui venait du cœur. » Ces mots de Najah Salam résument ce qu’elle ressent au fur et à mesure de l’ampleur engendrée par son aura.

Enchantée et amère. « La voix des Arabes », comme la surnomment ses fans quand elle est au sommet de la gloire, choisit l’engagement patriotique. En 1956, elle chante pour l’Egypte « Ana Nil Maqbarat al Ghouzat », au lendemain de la crise du canal de Suez nationalisé par Jamal Abdel Nasser et l’attaque tripartite regroupant Israël, le Royaume uni et la France. La Chanson est composée initialement par Riyad Soumbati pour Oum Kelthoum. Seulement, la diva propose de changer quelques couplets ce qui a poussé le musicologue à changer de fusil d’épaule.

Le choix tombe « naturellement » sur Najah Salam. Les plus grands compositeurs cherchent à s’associer à la chanteuse naturalisée égyptienne en 1974 : Mohammed Abdel Wahab, Baligh Hamdi…, outre Riyad Soumbati qui lui offre l’une de ses pièces les plus emblématiques, « Ayez Gawabatek ». Un texte écrit au compas, une composition qui fait chavirer l’oreille et une voix qui fait trembler les sens. Le poème initial -il revient au talentueux Hossein Assayed- est amputé de plusieurs vers par Soumbati, le compositeur souhaitant donner plus de poids à l’intensité dramatique de la chanson. Résultat, une longévité enviable, 67 ans après l’enregistrement effectué en 1956.

En 2000, après 52 années pendant lesquelles elle interprète plus de 3000 chansons, Najah Salam délaisse les répertoires sentimental et patriotique pour se consacrer au chant religieux. Et quand on lui demande son avis sur les chanteurs arabes actuels, sa réponse est sans appel : « Il y a plusieurs jeunes voix qui me plaisent et je préfère celle de Amal Maher. Il existe d’autres belles voix (Wael Jassar, Janat et Molhim Zine) mais la crise ne réside pas dans les cordes vocales, plutôt dans la composition. Quant à Assala, ses capacités vocales sont extraordinaires, c’est sa façon de chanter qui me révulse. George Wassouf avait l’une des plus belles voix, malheureusement il a choisi de chanter depuis quelque temps d’une manière scientifique oubliant la beauté du chant. Le vrai problème de la chanson arabe, c’est la suppression des comités d’écoute au sein des instances radiophoniques ou autres. Avant, il y avait des comités de composition, d’écriture et de chant. » Décidément, l’indulgence n’est pas l’apanage des grands. 
 
                                                                                        Anis HAJJAM





 



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