Le conte a une adresse. Classée patrimoine oral de l’Humanité par l’Unesco en 2001, la place Jamâa El Fna de Marrakech est le lieu et le rendez-vous sacrés de l’art de conter des histoires, d’offrir la littérature orale comme art unique exigeant aussi la théâtralité, la musique parfois, pour offrir au public, généralement debout un moment de loisir complet. Mais le conte oral qui faisait partie du quotidien, meublait les soirées, encore vierges de toute technologie ne connait plus le même engouement et tend à disparaitre. Les contes, les histoires qu’écoutent un enfant ouvrent son imaginaire, développent son empathie, enrichissent son vocabulaire et consolident sa relation aux autres.
A l’opposé, l’addiction aux écrans démolit tous cet acquis. Elle érige des murs entre les personnes et poussent à l’isolement et à l’enfermement, une tendance en augmentation .Le temps accordé à l’écoute du conte est un moment précieux en intensité de concentration de l’auditeur, dans une sacralité aux mots et aux péripéties de l’histoire, le relai de cet art et ses divers bénéfices se passent dans un contrat tacite entre le conteur (ou la conteuse) et son auditoire.
Ce partage en live, emmagasiné est réinvesti se transforme avec le temps en capital de paroles, de connaissances de pouvoir relationnel. Interrogé sur l’importance du conte pour les enfants, le neuroscientifique Boris Cyrulnik explique que : « nous gagnerions à les développer davantage et notamment à utiliser bien plus les contes mimés et la musique. Ce sont des stimulus cérébraux qui participent considérablement à la socialisation et à la maîtrise du langage. Ce ne sont pas des distractions, ce sont des activités qui le construisent, le font gagner son autonomie ».
Quels rôles jouent les contes dans l’éveil à la lecture et la littérature ?
Cet art oral est développé dans les civilisations et cultures à dominante orale. L’Afrique est un continent où prospèrent les traditions orales de narrations, tels les contes. Répondant à la question : Comment vous est venu le goût de la littérature ? Le lauréat du Prix Goncourt 2021, Mohamed Mbougar Sarr, auteur du roman La Plus secrète mémoire des hommes évoque les moments d’enfance : « J’ai entendu beaucoup de contes dans mon enfance qui m’étaient racontés par les femmes de ma famille et ce sont peut-être ces contes-là, l’envie d’entendre et de raconter des histoires, c’est peut-être de là que ça vient ».
Cette déclaration est la reconnaissance de la valeur du conte oral dans l’éveil de l’imaginaire et le déclic pour les mots et la pratique de l’éloquence. C’est une réhabilitation d’une littérature souvent reléguée comme seconde dans la hiérarchie, juste après la littérature écrite. Elle représente l’éphémère, le non consigné. Un art non authentifié où l’auteur est anonyme, en plus, ces contes pourraient subir toutes les modifications possibles et imaginables au grès du conteur qui est généralement conteuse.
C’est là à la fois la force du conte, à savoir sa flexibilité et la possibilité d’y apporter différents ajouts, mais aussi ses limites face à une littérature écrite qui exige cette fidélité au texte, écrit dans un volume, un espace livresque.
Ahmed Sefrioui, comme précurseur ayant mis l’accent sur le don de conter réserve une place importante à ces personnes qui ont éveillé chez lui l’amour des mots et la notion d’affectivité que défend Boris Cyrulnik, notion nécessaire dans l’apprentissage chez l’enfant.
Dans son premier roman, l’auteur évoque cette culture de la relation des contes que même l’épicier du coin possède. Ce commerçant de proximité, dans sa simplicité précise la différence entre le conte écrit et le conte oral. Celui-ci jouit du privilège de l’authenticité, de l’émotionnel, de l’instantané et du personnalisé : « (…) l’histoire que tu as lue se trouve dans un livre. Tous tes camarades possèdent ce livre et peuvent la lire, mais celle que je t’ai racontée n’est que dans un seul livre, celui-ci…Et il désigna son coeur ».
La mère jouait un rôle déterminant dans la transmission de l’art de conter chez l’écrivain. Enfant, il s’émerveillait de la propension et du don de sa mère de s’étaler sur les détails, contrairement à son père, un homme plutôt taciturne et réservé : « Elle posa mille questions à ma mère qui répondait avec complaisance, s’attardait devant un détail, se lançait dans une longue digression, mimait une scène (…) ». Bien plus tard, c’est au tour de Fatima Mernissi de donner une place de choix à cet acte littéraire fait dans la proximité, la domesticité et le quotidien.
La littérature s’invite comme distraction simple et naturelle mais aussi comme mode de vie : « Elle savait parler la nuit, tante Habiba (…) Ses contes me donnaient envie de devenir adulte pour pouvoir à mon tour développer des talents de conteuse. Je voulais, comme elle, apprendre l’art de parler la nuit ».
Les conteuses, autrefois confinées chez elles pour laisser se déployer leur art dans l’intimité de chez soi et avec ses connaissances proches, élargissent aujourd’hui, leur public, se déplacent à la conquête du public et de leur liberté.
A l’opposé, l’addiction aux écrans démolit tous cet acquis. Elle érige des murs entre les personnes et poussent à l’isolement et à l’enfermement, une tendance en augmentation .Le temps accordé à l’écoute du conte est un moment précieux en intensité de concentration de l’auditeur, dans une sacralité aux mots et aux péripéties de l’histoire, le relai de cet art et ses divers bénéfices se passent dans un contrat tacite entre le conteur (ou la conteuse) et son auditoire.
Ce partage en live, emmagasiné est réinvesti se transforme avec le temps en capital de paroles, de connaissances de pouvoir relationnel. Interrogé sur l’importance du conte pour les enfants, le neuroscientifique Boris Cyrulnik explique que : « nous gagnerions à les développer davantage et notamment à utiliser bien plus les contes mimés et la musique. Ce sont des stimulus cérébraux qui participent considérablement à la socialisation et à la maîtrise du langage. Ce ne sont pas des distractions, ce sont des activités qui le construisent, le font gagner son autonomie ».
Quels rôles jouent les contes dans l’éveil à la lecture et la littérature ?
Cet art oral est développé dans les civilisations et cultures à dominante orale. L’Afrique est un continent où prospèrent les traditions orales de narrations, tels les contes. Répondant à la question : Comment vous est venu le goût de la littérature ? Le lauréat du Prix Goncourt 2021, Mohamed Mbougar Sarr, auteur du roman La Plus secrète mémoire des hommes évoque les moments d’enfance : « J’ai entendu beaucoup de contes dans mon enfance qui m’étaient racontés par les femmes de ma famille et ce sont peut-être ces contes-là, l’envie d’entendre et de raconter des histoires, c’est peut-être de là que ça vient ».
Cette déclaration est la reconnaissance de la valeur du conte oral dans l’éveil de l’imaginaire et le déclic pour les mots et la pratique de l’éloquence. C’est une réhabilitation d’une littérature souvent reléguée comme seconde dans la hiérarchie, juste après la littérature écrite. Elle représente l’éphémère, le non consigné. Un art non authentifié où l’auteur est anonyme, en plus, ces contes pourraient subir toutes les modifications possibles et imaginables au grès du conteur qui est généralement conteuse.
C’est là à la fois la force du conte, à savoir sa flexibilité et la possibilité d’y apporter différents ajouts, mais aussi ses limites face à une littérature écrite qui exige cette fidélité au texte, écrit dans un volume, un espace livresque.
Ahmed Sefrioui, comme précurseur ayant mis l’accent sur le don de conter réserve une place importante à ces personnes qui ont éveillé chez lui l’amour des mots et la notion d’affectivité que défend Boris Cyrulnik, notion nécessaire dans l’apprentissage chez l’enfant.
Dans son premier roman, l’auteur évoque cette culture de la relation des contes que même l’épicier du coin possède. Ce commerçant de proximité, dans sa simplicité précise la différence entre le conte écrit et le conte oral. Celui-ci jouit du privilège de l’authenticité, de l’émotionnel, de l’instantané et du personnalisé : « (…) l’histoire que tu as lue se trouve dans un livre. Tous tes camarades possèdent ce livre et peuvent la lire, mais celle que je t’ai racontée n’est que dans un seul livre, celui-ci…Et il désigna son coeur ».
La mère jouait un rôle déterminant dans la transmission de l’art de conter chez l’écrivain. Enfant, il s’émerveillait de la propension et du don de sa mère de s’étaler sur les détails, contrairement à son père, un homme plutôt taciturne et réservé : « Elle posa mille questions à ma mère qui répondait avec complaisance, s’attardait devant un détail, se lançait dans une longue digression, mimait une scène (…) ». Bien plus tard, c’est au tour de Fatima Mernissi de donner une place de choix à cet acte littéraire fait dans la proximité, la domesticité et le quotidien.
La littérature s’invite comme distraction simple et naturelle mais aussi comme mode de vie : « Elle savait parler la nuit, tante Habiba (…) Ses contes me donnaient envie de devenir adulte pour pouvoir à mon tour développer des talents de conteuse. Je voulais, comme elle, apprendre l’art de parler la nuit ».
Les conteuses, autrefois confinées chez elles pour laisser se déployer leur art dans l’intimité de chez soi et avec ses connaissances proches, élargissent aujourd’hui, leur public, se déplacent à la conquête du public et de leur liberté.
Sabah ATTAB