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Plages en détresse demandent intervention d’urgence


Rédigé par Oussama Abbaous Samedi 27 Mars 2021

Les autorités ont entrepris ces dernières semaines de démolir plusieurs infrastructures qui occupaient le domaine public maritime. La société civile environnementale prend acte et espère que la dynamique se poursuivra.



Plages en détresse demandent intervention d’urgence
Les bulldozers vont bon train ces dernières semaines dans plusieurs plages du Royaume. À Bouznika, Rabat, Mohammedia et à Casablanca, les autorités locales ont lancé des opérations visant les occupants du domaine public maritime. Plusieurs commerces, cabanes et petites infrastructures ont ainsi été détruits parce qu’ils ne disposaient pas des autorisations nécessaires. Des vidéos illustrant la démolition de plusieurs cafés et écoles de surfs à Dar Bouazza ont largement été partagées et commentées sur les réseaux sociaux. Si ces actes de démolition sont justifiés du point de vue de la loi, les internautes n’ont pas manqué de marquer leur solidarité avec certains propriétaires de structures concernées, et notamment avec ceux des écoles de surf. « On ne peut que saluer ces opérations de mise en conformité avec la loi 81.12 parce qu’il fallait absolument, selon l’article 15 de la loi, faire respecter la limite des 100 mètres. Le respect de la loi ne peut jamais être critiqué, surtout quand il sert un l’intérêt public », affirme pour sa part Abderrahim Ksiri, coordinateur de l’Alliance Marocaine pour le Climat et le Développement Durable (AMCCD).

Vers la fin de l’anarchie ?

Cette nouvelle dynamique de libération du domaine public maritime intervient alors que plusieurs organismes institutionnels, dont la Cour des Comptes, avaient pointé ces dernières années des dispositions juridiques régissant les modalités d’occupation et les conditions d’exploitation du Domaine Public Maritime qui dataient du protectorat et n’étaient pas systématiquement respectées. « Ces dernières décennies, nous avons assisté à un empiètement total sur le littoral national. Dans beaucoup de plages du Royaume, la vue sur mer est accaparée par des villas, des clubs ou encore des hôtels. Les propriétaires de ces structures auraient pu bénéficier de la même proximité avec la mer à 600 m. Ils auraient ainsi pu permettre d’avoir plus d’espaces qui feraient office de terrains de loisir, de sport et de jeu. Ces espaces communs auraient alors pu être valorisés au bénéfice de toute la collectivité tout en permettant la sauvegarde des écosystèmes dunaires », souligne le coordinateur de l’AMCDD.

Une dégradation qui a un coût

Lors de la préparation du Plan National du Littoral, les participants avaient souligné que le coût de la dégradation du littoral est estimé à 2,5 milliards de dirhams. « L’intensification des activités touristiques peut à long terme menacer l’équilibre du littoral, notamment à cause du processus de littoralisation accru, de l’augmentation de la consommation d’énergie et de la dégradation des écosystèmes (appauvrissement de la faune et de la flore à cause de l’amplification de l’activité humaine). Le développement de ces activités nuit au littoral et perturbe son équilibre naturel, particulièrement à cause de la multiplication rapide des activités et aménagements touristiques souvent de manière anarchique ne prenant pas en compte les considérations écologiques, les délaissant au profit des considérations économiques, nuisant ainsi à l’équilibre du littoral et à la pérennisation de la faune et de la flore côtières », soulignent par ailleurs les auteurs de l’étude pour l’élaboration du projet de Plan National du Littoral.

Nécessité d’une revalorisation du littoral

Après des années d’empiètement sur le domaine public maritime, détruire toutes les constructions réalisées dans le périmètre de 100 mètres de la plus haute vague, s’avère comme une tâche titanesque. « Dans le cadre de la revalorisation d’un territoire, il arrive parfois qu’une portion entière d’une ville soit amenée à être détruite et reconstruite. En tant que société civile, nous considérons que tout ce qui est à moins de 100 mètres de la côte devrait être rasé, pour respecter la loi, mais également pour la sécurité des résidents et exploitants eux-mêmes », souligne Abderrahim Ksiri pour qui « la solution réside dans une planification stratégique à long terme afin de refaçonner les zones littorales qui souffrent d’anarchie et d’empiètement ». « Je pense que la solution passe aussi par une mise en œuvre urgente des plans régionaux littoraux. Face à la multiplicité des intervenants dans ce domaine, il serait également judicieux de créer des agences dédiées qui seront chargées d’harmoniser les diverses stratégies en prenant en compte les enjeux climatiques », conclut le militant.

Une nouvelle loi pour renforcer la protection du domaine public

Le jeudi 18 mars, Le Conseil de gouvernement a adopté la nouvelle version du projet de loi 03.19 relatif aux occupations temporaires du domaine public. Présenté par le ministre de l'Équipement, ce projet vise à assurer la protection nécessaire du domaine public. La loi 03.19 édicte ainsi les règles spéciales des occupations temporaires du domaine public en soumettant les occupations du domaine public à un cahier de charges précis. Ce nouveau texte interdit les autorisations temporaires pour la construction et l'exploitation des habitations et des chalets d'estivage dans le domaine public. Le projet de loi exige également une durée de 40 années, renouvelable une seule fois pour une durée maximale de 40 ans, pour les projets d'investissement avec certaines exceptions et interdit toute cession de l'autorisation d'occupation sous peine d'annulation. Ce texte édicte aussi des indemnités pour le préjudice au profit des titulaires des autorisations d'occupation temporaire en cas de retrait de ces autorisations avant leur expiration pour intérêt public. Il s'agit aussi de mettre en place des règles spéciales destinées à récupérer le domaine public occupé et d'imposer des sanctions financières strictes en cas de manquement aux dispositions de ce texte, tout en appliquant les autres sanctions répressives prévues par d'autres lois. Le projet de loi prévoit aussi des règles transitoires relatives aux occupants dans le cadre du dahir de 1918 en vue d'adapter leur situation aux nouveautés de ce texte. 

 
51% des Marocains vivent à proximité du littoral
Sur le plan démographique, la population totale des préfectures et provinces littorales du Royaume s’élève à plus de 17 millions d’ habitants, soit 51 % de la population nationale, dont plus de 12 millions d’habitants en milieu urbain et près de 5 millions en milieu rural. Sur le plan communal, la population compte plus de 11 millions, soit 1/3 de la population totale. Au Sud du pays, les communes littorales sont de plus grande taille, mais elles sont nettement moins peuplées que les communes du Nord.
42% du littoral marocain sera exposé aux inondations d’ici 2030
Une étude récemment dévoilée par la Banque Mondiale annonce qu’une grande partie du littoral du Royaume fera face à des phénomènes d’inondation et d’érosion à l’horizon 2030. Ce risque qualifié « d’élevé » par les experts de la Banque Mondiale est d’autant plus préoccupant que l’échéance annoncée approche à grands pas et que les zones concernées sont très peuplées. Selon l’étude, plusieurs secteurs seront touchés par ces phénomènes : l’agriculture, l’eau, l’énergie, la pêche, les forêts et la santé.

3 questions à Houcine Nibani, enseignant à la FST d’Al-Hoceima

Plages en détresse demandent intervention d’urgence
« Il faut conserver l’intégrité et la biodiversité des cordons dunaires pour garantir la résilience du littoral marocain »
Enseignant de gestion intégrée des zones côtières à la Faculté des Sciences et Techniques d'Al-Hoceima, Houcine Nibani a répondu à nos questions sur la valeur des cordons dunaires littoraux.

- Est-ce que la formation des plages au Maroc obéit à des dynamiques particulières ?
- La formation des plages se fait grâce à un cycle naturel qui dure depuis des millions d’années. Ce processus naturel peut sensiblement différer d’une région à une autre. Au Maroc, le sable des plages provient en grande partie de l’érosion des montagnes dont les alluvions sont charriées par les rivières. La formation des plages se fait selon plusieurs paramètres : la longueur des rivières, la morphologie de la côte et des bassins-versants, le type et la granulométrie des alluvions, la force de la marée… La faiblesse des marées dans la Méditerranée explique par exemple la petite taille des plages alors que dans la façade atlantique qui a des marées plus fortes, nous avons des plages plus vastes, notamment dans la région d’Agadir, où le sable est d’excellente qualité grâce aux nombreux longs fleuves qui charrient des roches granitiques de l’Atlas.

- Quel rôle jouent les plages et les écosystèmes dunaires littoraux ?
- Les plages et les écosystèmes dunaires sont des barrières physiques mais aussi biologiques qui jouent un rôle incontournable dans la résilience du littoral face aux aléas des intempéries cycliques. Ces dunes de sable sont mobiles, car elles ont été façonnées par les marées. Elles jouent, à cet égard, le rôle de barrières dynamiques qui permettent d’équilibrer et de garantir l’intégrité très précaire du littoral.

- Vous évoquez des barrières « biologiques ». Quel rôle joue la biodiversité dans la fonction des dunes ?
- Comme je l’ai souligné, la dynamique des cordons dunaires face aux aléas des marées dépend de leur mobilité. Or, la biodiversité, par ailleurs très remarquable de ces écosystèmes, participe à façonner et à maintenir cette mobilité. Pour garantir la résilience du littoral marocain, il faut non seulement conserver l’intégrité des cordons dunaires, mais également garantir la conservation de leur biodiversité.








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