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Culture

Ponctuation : Des signes pour mieux s’exprimer


Rédigé par Abdallah BENSMAÏN le Mercredi 10 Février 2021

Signes anodins s’il en est, les symboles réunis sous l’appellation de ponctuation peuvent-ils être analysés par rapport à eux-mêmes et non plus par rapport à la place qu’ils occupent dans l’ordre du discours ?



Ponctuation : Des signes pour mieux s’exprimer
Plus qu’une fonction d’apparat dans l’énonciation, la ponctuation semble, malgré son effacement actuel dans la critique, remplir une fonction déterminante dans le travail de structuration du texte, qu’il soit littéraire ou autre.

Au-delà de sa fonction grammaticale, la ponctuation semble s’ouvrir à des fonctions que repère de façon systématique la psychanalyse dans son rapport au texte littéraire. Pour citer Lacan que peut livrer « l’automatisme de répétition » dont les incidences pour signifier doivent être « rapportées à la chaîne symbolique qui les lie et les oriente »?, dans le sens où le sujet reçoit une « détermination majeure… du parcours d’un signifiant », comme il fut montré dans l’analyse de « La lettre volée » d’Edgar Poe. 

Lacan affirme encore que « c’est cette vérité… qui rend possible la fiction ». L’hypothèse émise selon laquelle la ponctuation a un statut conféré par l’usage justifiant une approche systématique est certainement une hypothèse à vérifier

Par référence à Lacan pour illustrer la démarche, le projet consiste à faire signifier des objets disparates et peu fixés. Dans ce sens l’inscription du travail de la ponctuation peut agir à différents niveaux. Le niveau linguistique, s’il a son importance ne sera qu’accessoirement souligné : l’attention sera retenue en particulier par le niveau de la signifiance au sens que donne Julia Kristeva à ce terme. 

Une question d’époque, malgré le peu d’intérêt qu’elle peut susciter est susceptible d’éclairer la mise en situation de la ponctuation. Pour ne pas remonter plus loin que le XVIe, il semblerait que les premiers travaux sur la ponctuation ont eu lieu à cette époque. Si dans un premier temps elle devait marquer les limites des énoncés, leurs segments, la ponctuation pendant le XVIe, XVIIe, XVIIIe devait acquérir une fonction plus importante. 

Cette fonction de marquage au départ devenait un procédé mélodique et rythmique, évoluant dans un registre de six symboles. La virgule, les deux points, le point, le point-virgule, le point d’interrogation, les parenthèses ; il faut attendre le XXe siècle pour que la ponctuation devienne un procédé syntaxique au service des besoins de la logique. 

La fonction idéologique est à souligner pour l’essentiel en ce qu’elle peut tenir le discours de la censure, de la dissimulation, sinon, pour tout dire de l’aliénation tant au sens marxiste que freudien du terme. Les guillemets soupçonnent. En d’autres termes elles semblent poser à chaque fois la question d’Erich Fromm de la « science qui a pour objet un homme aliéné, étudié par des chercheurs aliénés, à l’aide de méthodes aliénées ».

La ponctuation donne du sens

Les guillemets comme les italiques ayant une sorte de fonction de dramatisation textuelle ne consistent pas seulement à attirer l’attention mais également à émettre des réserves. 

Après les guillemets, quelle valeur donner au point d’exclamation pour autant que faire se peut, l’interroger. Benveniste citant le dictionnaire général définit ainsi l’exclamation : « cris, paroles brusques qu’on laisse échapper pour exprimer un sentiment vif et soudain ». La question posée à l’exclamation est de savoir si elle constitue une parole expressive ou communicative. Il est on ne peut plus difficile de préciser une ligne de démarcation entre l’expression et la communication. Cette division expression-communication peut paraître comme un faux-problème, une sorte d’épouvantail dont les menées sont moins que linguistiques et sémiologiques, mais assurément et massivement idéologiques.

Cette digression ouverte (ou si l’on veut cette parenthèse, ce tiret matérialisés) il est utile de souligner que l’exclamation présente de l’intérêt non pas nécessairement à travers le problème qu’elle soulève (parole expressive ou communicative) même s’il est d’un intérêt évident mais parce qu’elle est tout simplement, suivie d’un signe, à savoir le point d’exclamation.

Par rapport aux autres signes, le point d’exclamation occupe une position originale avec les guillemets, le point d’interrogation, les trois points de suspension, ce signe est un signe plein. L’indice signifiant dont il est investi lui accorde un statut particulier: si la virgule, le point-virgule, les deux points, dans une certaine mesure, marquent des pauses, enchaînent des rythmes, le point d’exclamation pour sa part, joue les niveaux signifiants, les portées logiques de la partition écrite ou verbale. 

L’intervention de ce signe dans le langage marque un comportement d’un point de vue psychologique. L’imagination du sujet aux prises avec son langage peut montrer le travail de la série guillemets, points, interrogation, points de suspension. Dire aux prises avec son langage ne signifie pas moins avec le réel : Lacan ne dit-il pas tout simplement que : « Le nom crée la chose ».

Abdallah BENSMAÏN



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