Pour la seconde année consécutive, le Prix Nobel de littérature se fait singulier. Après la poétesse américaine, Louise Glück qui avait été sacrée pour son oeuvre « à la beauté austère », c’est autour du romancier tanzanien Abdulrazak Gurnah qui se voit attribuer certainement le prix le plus prestigieux par ses répercussions mondiales.
L’auteur, connu notamment pour son roman Paradise (1994), a été récompensé pour sa narration « pour son traitement sans compromis et plein de compassion des effets du colonialisme et du sort du réfugié dans le fossé entre les cultures et les continents », explique le jury qui le situe dans la tradition littéraire de langue anglaise, avec pour références Shakespeare et V. S. Naipaul Né en 1948 sur l’île de Zanzibar, Abdulrazak Gurnah est arrivé au Royaume-Uni en tant que réfugié à la fin des années 1960. Il est l’auteur de dix romans, dont Près de la mer (2001), et de nouvelles. Il vit à Brighton et enseigne à l’université du Kent, la littérature anglaise et postcoloniale.
L’attribution du prix a surpris jusqu’à son auteur (« j’ai cru à une blague »), inconnu même des professionnels, critiques et éditeurs, absent de la liste des pronostics. Son éditeur en Suède, Henrik Celander, a ainsi expliqué à la presse suédoise qu’il n’aurait jamais imaginé qu’il décroche le Graal littéraire.
Politique, ce prix Abdulrazak Gurnah le prendra comme tel en appelant l’Europe à voir en l’arrivée des réfugiés venus d’Afrique, une richesse qui accoste par vagues sur les côtes européennes. « Beaucoup de ces gens qui viennent, viennent par nécessité, et aussi franchement parce qu’ils ont quelque chose à donner. Ils ne viennent pas les mains vides », dira-t-il, dans une interview à la Fondation Nobel, invitant à changer de regard sur « des gens talentueux et pleins d’énergie ».
Cette attribution peut être qualifiée de singulière comme le sacre de Bob Dylan en 2016 ou de l’écrivain chinois Mo Yan en 2012, car il a fallu attendre 35 ans après l’obtention de ce prix par le Nigérian Wole Soyinka en 1986 pour voir encore s’inscrire un nom africain parmi les 118 lauréats en littérature depuis la création des prix, 95, dont 80% sont des Européens ou des Nord-Américains.
L’absence du monde arabe pose question, mais qui peut apporter la réponse ou apporter la contradiction à Anders Olsson, président du comité Nobel, qui a tenu à réaffirmer que le « mérite littéraire » restait « le critère absolu et unique » de l’attribution du Prix Nobel de la littérature ? Sur les quelque 200 à 300 candidatures soumises, chaque année, à l’Académie, cinq sont retenues avant l’été.
Les membres du jury sont chargés de les lire « dans la discrétion », en somme dans le secret, avant le choix définitif qui prélude à l’annonce et après des délibérations qui restent secrètes depuis une cinquantaine d’années. Toutefois, depuis la création du Prix Nobel de littérature, une sorte de portrait-robot a été dressé du lauréat potentiel : « un homme, occidental et souvent européen ; pas un auteur de best-sellers, souvent d’un relatif anonymat ; écrivant ou étant traduit dans une langue lue dans le cénacle de Stockholm ».
Le Nobel de la Paix s’engage
Le prix Nobel de la paix 2021, à l’image de celui attribué à la littérature, fait également débat par son audace et son engagement pour la liberté d’expression. Le prix attribué à Dmitri Mouratov qui dirige « Novaïa Gazeta » et Maria Ressa à la tête de « Rappler », est ainsi le premier prix Nobel de la paix à récompenser la liberté d’information en tant que telle.
La présidente du comité Nobel norvégien, Berit Reiss-Andersen, dira ainsi que les lauréats « sont les représentants de tous les journalistes qui défendent cet idéal dans un monde où la démocratie et la liberté de la presse sont confrontées à des conditions de plus en plus défavorables », ajoutant : « Le journalisme libre, indépendant et factuel sert à protéger contre les abus de pouvoir, les mensonges et la propagande de guerre ».
Maria Ressa qui a cofondé la plate-forme numérique de journalisme d’investigation, Rappler, en 2012, estimant qu’« Un monde sans faits signifie un monde sans vérité et sans confiance ». Dmitri Mouratov est l’un des cofondateurs et rédacteurs en chef de Novaïa Gazeta qui dénonce régulièrement « la corruption, les violences policières, les arrestations illégales, la fraude électorale et les “fermes de trolls” ». Dmitri Mouratov a annoncé qu’il dédiait son prix à son journal et à ses collègues assassinés pour leur travail et leurs enquêtes.
« Ce n’est pas mon mérite personnel. C’est celui de Novaïa Gazeta. C’est celui de ceux qui sont morts en défendant le droit des gens à la liberté d’expression », a-t-il déclaré, en citant les noms des journalistes assassinés dont Anna Politkovskaïa, tuée il y a une quinzaine d’années. L’un des copropriétaires de Novaïa Gazeta n’est autre que Mikhaïl Gorbatchev, le dernier dirigeant de l’URSS, lui-même prix Nobel de la paix en 1990.
Le mot de la fin revient à Antonio Guterres, Secrétaire général de l’ONU, qui, par communiqué, affirme qu’« Aucune société ne peut être libre et juste sans des journalistes capables d’enquêter sur les méfaits, d’informer les citoyens, de demander des comptes aux dirigeants ».
L’auteur, connu notamment pour son roman Paradise (1994), a été récompensé pour sa narration « pour son traitement sans compromis et plein de compassion des effets du colonialisme et du sort du réfugié dans le fossé entre les cultures et les continents », explique le jury qui le situe dans la tradition littéraire de langue anglaise, avec pour références Shakespeare et V. S. Naipaul Né en 1948 sur l’île de Zanzibar, Abdulrazak Gurnah est arrivé au Royaume-Uni en tant que réfugié à la fin des années 1960. Il est l’auteur de dix romans, dont Près de la mer (2001), et de nouvelles. Il vit à Brighton et enseigne à l’université du Kent, la littérature anglaise et postcoloniale.
L’attribution du prix a surpris jusqu’à son auteur (« j’ai cru à une blague »), inconnu même des professionnels, critiques et éditeurs, absent de la liste des pronostics. Son éditeur en Suède, Henrik Celander, a ainsi expliqué à la presse suédoise qu’il n’aurait jamais imaginé qu’il décroche le Graal littéraire.
Politique, ce prix Abdulrazak Gurnah le prendra comme tel en appelant l’Europe à voir en l’arrivée des réfugiés venus d’Afrique, une richesse qui accoste par vagues sur les côtes européennes. « Beaucoup de ces gens qui viennent, viennent par nécessité, et aussi franchement parce qu’ils ont quelque chose à donner. Ils ne viennent pas les mains vides », dira-t-il, dans une interview à la Fondation Nobel, invitant à changer de regard sur « des gens talentueux et pleins d’énergie ».
Cette attribution peut être qualifiée de singulière comme le sacre de Bob Dylan en 2016 ou de l’écrivain chinois Mo Yan en 2012, car il a fallu attendre 35 ans après l’obtention de ce prix par le Nigérian Wole Soyinka en 1986 pour voir encore s’inscrire un nom africain parmi les 118 lauréats en littérature depuis la création des prix, 95, dont 80% sont des Européens ou des Nord-Américains.
L’absence du monde arabe pose question, mais qui peut apporter la réponse ou apporter la contradiction à Anders Olsson, président du comité Nobel, qui a tenu à réaffirmer que le « mérite littéraire » restait « le critère absolu et unique » de l’attribution du Prix Nobel de la littérature ? Sur les quelque 200 à 300 candidatures soumises, chaque année, à l’Académie, cinq sont retenues avant l’été.
Les membres du jury sont chargés de les lire « dans la discrétion », en somme dans le secret, avant le choix définitif qui prélude à l’annonce et après des délibérations qui restent secrètes depuis une cinquantaine d’années. Toutefois, depuis la création du Prix Nobel de littérature, une sorte de portrait-robot a été dressé du lauréat potentiel : « un homme, occidental et souvent européen ; pas un auteur de best-sellers, souvent d’un relatif anonymat ; écrivant ou étant traduit dans une langue lue dans le cénacle de Stockholm ».
Le Nobel de la Paix s’engage
Le prix Nobel de la paix 2021, à l’image de celui attribué à la littérature, fait également débat par son audace et son engagement pour la liberté d’expression. Le prix attribué à Dmitri Mouratov qui dirige « Novaïa Gazeta » et Maria Ressa à la tête de « Rappler », est ainsi le premier prix Nobel de la paix à récompenser la liberté d’information en tant que telle.
La présidente du comité Nobel norvégien, Berit Reiss-Andersen, dira ainsi que les lauréats « sont les représentants de tous les journalistes qui défendent cet idéal dans un monde où la démocratie et la liberté de la presse sont confrontées à des conditions de plus en plus défavorables », ajoutant : « Le journalisme libre, indépendant et factuel sert à protéger contre les abus de pouvoir, les mensonges et la propagande de guerre ».
Maria Ressa qui a cofondé la plate-forme numérique de journalisme d’investigation, Rappler, en 2012, estimant qu’« Un monde sans faits signifie un monde sans vérité et sans confiance ». Dmitri Mouratov est l’un des cofondateurs et rédacteurs en chef de Novaïa Gazeta qui dénonce régulièrement « la corruption, les violences policières, les arrestations illégales, la fraude électorale et les “fermes de trolls” ». Dmitri Mouratov a annoncé qu’il dédiait son prix à son journal et à ses collègues assassinés pour leur travail et leurs enquêtes.
« Ce n’est pas mon mérite personnel. C’est celui de Novaïa Gazeta. C’est celui de ceux qui sont morts en défendant le droit des gens à la liberté d’expression », a-t-il déclaré, en citant les noms des journalistes assassinés dont Anna Politkovskaïa, tuée il y a une quinzaine d’années. L’un des copropriétaires de Novaïa Gazeta n’est autre que Mikhaïl Gorbatchev, le dernier dirigeant de l’URSS, lui-même prix Nobel de la paix en 1990.
Le mot de la fin revient à Antonio Guterres, Secrétaire général de l’ONU, qui, par communiqué, affirme qu’« Aucune société ne peut être libre et juste sans des journalistes capables d’enquêter sur les méfaits, d’informer les citoyens, de demander des comptes aux dirigeants ».
Abdallah BENSMAÏN