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Culture

Raïna Raï : Sidi Bel Abbès, sec !


Rédigé par Anis HAJJAM le Dimanche 20 Août 2023

Début août, le groupe algérien célébrait le 40e anniversaire de la sortie de « Zina diri latay », reprise d’une vieille scie créée en 1958 par un compatriote, Kadri Dziri. Retour sur le parcours d’une formation qui a cumulé à ce jour près de 25 membres ! Ensemble, ils s’érigeraient en orchestre philharmonique. Seulement, c’est de raï mâtiné de musique traditionnelle, de rock et de blues qu’ils s’entichent.



Le guitariste-auteur-compositeur Lotfi Attar est membre-fondateur et emblème du groupe.
Le guitariste-auteur-compositeur Lotfi Attar est membre-fondateur et emblème du groupe.
Raïna Raï naissent en 1980 à Paris sur les cendres de deux combos, Les Aigles Noirs et Les Basiles. Ils sont quatre aux commandes d’un raï électrique, tous originaires de Sidi Bel Abbès : Tarik Chikhi aux claviers, Lotfi Attar à la guitare, Kaddour Bouchentouf au chant, Hachemi Djellouli aux percussions. Ils sont rejoints par Mohamed Guebbache dit Kada à la basse et Djilali Razkallah (Amarna) au chant et aux krakebs. Ils revisitent alors de vieilles chansons du patrimoine telle « Hmama » de l’Oranais Blaoui Houari, fer de lance du style El Asri mêlant sensibilités amazighes, malhoun et réminiscences espagnoles. Un raffinement de la musique bédouie.

Ce genre, il le développe parallèlement à Ahmed Wahby -hôte marocain de 1969 à 1971-, auteur de « Wahrane » popularisée des décennies plus tard par Khaled. En 1982, Raïna Raï réalisent un premier album contenant le célèbre « Zina diri latay » empruntée à Kadri Dziri également fils de Sidi Bel Abbès. Ce titre remonte à 1958. Il est repris une première fois en 1975 par un artiste de Maghnia, Boussouar El Maghnaoui. Pour Raïna, cette chanson est et restera leur signature. Une version fédératrice, un coup de maître. Elle apparaît sur d’autres opus du groupe, notamment « Hagda » sorti en 1983, faisant sensation au Maroc grâce à des pièces comme « Taïla », « Rani M’hayar », « Zabana », « Hagda » et bien évidemment « Zina ». Deux titres de cet enregistrement sont retenus pour la bande-son du film « Tchao Pantin » de Claude Berri avec Coluche en tête d’affiche. L’album est aujourd’hui disponible en format vinyle édité par Elmir Records.
 
Au « FM 86 » à Marrakech  

Après la réalisation en 1985 de « Rana Hna », Raïna Raï participent à Marrakech au Festival « FM 86 » commémorant les 25 ans de règne de Hassan II. Piloté par le bodygard en chef du roi, Haj Mediouri, l’évènement reçoit également Alpha Blondy, Sapho, Plastic Bertrand… et James Brown à Casablanca. A quelques heures de leur montée sur scène, Raïna expliquent que sans le phénomène Nass El Ghiwane ils n’auraient jamais songé créer un groupe devenu la première formation raï d’Algérie, faisant appel au diwane (musique gnaouie locale), au rock et au blues. Mais d’où sort cette musique dont les textes sont, un temps, qualifiés de vulgaires et d’impudiques ?

Lotfi Attar, guitariste et membre fondateur de l’emblématique ensemble, créateur du groupe Amarna, Tlemcénien par ses grands-parents, tient des propos sans équivoque, évoquant sa ville natale : « El fen ou raï kharjine men Bel Abbès (L'art et le raï sont issus de Bel Abbès) », phrase contenue dans la chanson « Zina ». Attar est vite happé par la musique. « À l'âge de 15 ans, il se met à la guitare électrique. Il économise pour acheter en 1973 sa toute première guitare électrique, une Fender Mustang de 1964, avec laquelle il s’essaye au blues, imite Jimi Hendrix  et Carlos Santana. En 1971, il rencontre Rachid Baba Ahmed, le fondateur du futur studio d'enregistrement ‘’Éditions Rachid et Fathi ’’, et de là, il commence sa carrière musicale. Il travaille par la suite beaucoup avec les deux frères qui lancent de nombreux artistes dont les chebs : Anouar, son neveu, KhaledHouari BenchenetSahraouiFadéla, Noujoum Saf et même des chanteurs kabyles dont le groupe Ifgourene. »

Aujourd’hui âgé de 71 ans, Lotfi Attar est l’emblème de Raïna Raï, aux côtés de Hachemi Djellouli. Lors de la prestation du 3 août à Alger à l’occasion du quarantenaire de son plus grand tube, « le groupe de Sidi Bel Abbès a été soutenu par une trentaine d’éléments du Chœur de l’Etablissement Arts et Culture, organisateur de ce concert-anniversaire, répartie dans une polyphonie à quatre pupitres hautement esthétiques, dirigée d’une main de maitre par Zohir Mazari. Durant près de deux heures, le groupe Raïna Raï a galvanisé le public, descendu sur la piste pour danser sur, entre autres titres, ‘’Til tayla’’, ‘’Khalti fatima’’, ‘’Ma galouli aâlik ya zerga’’, ‘’Goumari’’, ‘’Hakda, hakda’’, ‘’Zabana’’, ‘’Ana ma âandi z’har’’, ‘’Lalla Fatima’’, ‘’Hé mamma may hé’’, ‘’Oh yé Moulana’’, ‘’Bellah ya lemdina’’, ‘’Mimouna’’ et le plus attendu de tous ‘’Ya Zina’’ », rapporte l’agence APS. Un groupe qui enchante, qui galvanise depuis des décennies malgré les fréquents changements de son line-up.

Le chanteur Djilali Amarna, disparu en 2010 à 48 ans, dit un jour : « Ils avaient Khaled et d'autres. On voulait leur montrer ce qu'est le raï à tous ! » Si Miloud El Oujdi dédie à ses débuts ses chansons aux seuls Oujdis (« Fi Khater Oujada sec ») -ce qui amuse le reste du pays-, les déclarations de Lotfi Attar ou de Amarna n’ont pas l’air de faire rire les artistes d’Oran. Sidi Bel Abbes berceau du raï ? L’Unesco ne le précise pas…

 
Anis HAJJAM

 
     
 
 
 
 
 



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