C’est l’une des réformes les plus sensibles du quinquennat du gouvernement d’Aziz Akhannouch qui se voit assigné la mission de sauvetage des Caisses de retraites, menacées de faillite d’ici quelques années. Une charge qui incombe à la ministre de l’Economie et des Finances, Nadia Fettah Alaoui, qui mène actuellement la réforme des retraites en concertation avec les syndicats et le Patronat dans le cadre d’une commission spéciale composée des représentants des partenaires sociaux, en plus des dirigeants des Caisses de retraite et les ministres concernés.
On se parle peu !
Jusqu’à présent, le dialogue semble stagner tant les divergences sont nombreuses. Ce à quoi s’ajoute un contexte politique et économique hyper sensible qui exige que le dialogue soit conduit avec une extrême prudence. « Il n’y a pas de nouveautés, nous ne sommes pas réunis depuis des semaines », lâche une source de la Confédération marocaine des entreprises du Maroc concernée par la réforme. De leur côté, des sources syndicales confirment ce silence sans parler de blocage. « Nous sommes encore dans la phase de diagnostic. Il faut qu’on se mette d’accord sur le constat avant d’avancer », nous explique une source syndicale proche du dossier.
La dernière réunion de la Commission date du mois de février, sachant que les discussions ont commencé dès octobre 2022. Selon le calendrier du gouvernement, Nadia Fettah Alaoui s’est donné six mois pour convaincre les syndicats du bien-fondé de la réforme qu’elle porte pour arriver à un compromis en mai. Or, selon le calendrier initial, les négociations devraient être déjà dans la phase de conception des scénarios de réforme, ce qui n’est pas le cas actuellement puisque les parties ne partagent pas encorne la même philosophie de réforme.
Le gouvernement compte réformer complètement le système en ne se contentant plus d’un ajustement paramétrique comme ce fut le cas en 2016 lorsqu’on a touché simplement au secteur public. Maintenant, tout le monde est concerné, y compris le privé et le semi-public. Ce qui est mis sur la table n’est pas facile à vendre. Le gouvernement compte relever l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans, tous secteurs confondus. À présent, cet âge est fixé à 60 ans dans le privé et à 63 ans dans le public.
La dernière réunion de la Commission date du mois de février, sachant que les discussions ont commencé dès octobre 2022. Selon le calendrier du gouvernement, Nadia Fettah Alaoui s’est donné six mois pour convaincre les syndicats du bien-fondé de la réforme qu’elle porte pour arriver à un compromis en mai. Or, selon le calendrier initial, les négociations devraient être déjà dans la phase de conception des scénarios de réforme, ce qui n’est pas le cas actuellement puisque les parties ne partagent pas encorne la même philosophie de réforme.
Le gouvernement compte réformer complètement le système en ne se contentant plus d’un ajustement paramétrique comme ce fut le cas en 2016 lorsqu’on a touché simplement au secteur public. Maintenant, tout le monde est concerné, y compris le privé et le semi-public. Ce qui est mis sur la table n’est pas facile à vendre. Le gouvernement compte relever l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans, tous secteurs confondus. À présent, cet âge est fixé à 60 ans dans le privé et à 63 ans dans le public.
65 ans, oui… mais !
C’est là où les divergences se font sentir. Les syndicats n’ont pas l’intention de céder immédiatement sur ce point. L’Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM) a été parmi les premières centrales à afficher des réserves. Le syndicat plaide pour l’âge de 63 ans avec une possibilité de travailler jusqu’à 65 pour ceux qui le souhaitent. Ceci dit, le départ à 65 ans devrait être une option facultative aux yeux du syndicat istiqlalien.
Si l’option de 65 ans pose problème, c’est parce qu’il est difficile de pousser les salariés à travailler jusqu’à cet âge compte tenu de la pénibilité de certains métiers où les salariés parviennent à peine à endurer la charge jusqu’à 60 ans. “Il est difficile qu’un enseignant ou un infirmier travaille aussi longtemps”, avait indiqué le patron de l’UGTM, Naâm Myara, lors d’une journée d’étude organisée à Oujda en décembre.
D’où l’idée qui fait son chemin chez les syndicalistes, qu’est la prise en compte de la pénibilité du travail de sorte à donner la possibilité aux salariés exerçant un métier pénible, qualifié comme tel en fonction de critères bien définis, de partir plus tôt à la retraite. Chose que ne prévoit pas le projet de réforme proposé par l’Exécutif. Sur ce point, Tarik Legdali, professeur universitaire et ex-Chef de Division du Contentieux Administratif et des Assurés à la CNSS, estime qu’il faut qu’il y ait une étude pour déterminer quels sont les métiers jugés pénibles. « On peut se baser sur les critères de l’Organisation mondiale du Travail », préconise-t-il.
La qualité du travail, la question oubliée !
Pour que le débat se pose en termes clairs, notre interlocuteur estime qu’il est nécessaire qu’il porte sur la qualité du travail. « Si on veut amener les gens à travailler jusqu’à 65 ans, il faut que la question des conditions de travail soit mise sur la table », insiste M. Legdali, faisant référence à la réforme du code du travail qui va, selon lui, de pair avec celle des retraites dans la mesure où la question de la pénibilité ne peut être résolue qu’en révisant le code du travail. Cette réforme a été promise par le ministre de tutelle, Youness Sekkouri, et fait partie des sujets qui seront abordés lors du prochain round du dialogue social, dont la loi relative au droit de la grève.
Revalorisation des pensions : deux logiques contradictoires
Par ailleurs, l’autre pomme de discorde est la question des cotisations. En gros, le gouvernement propose de relever l’âge de départ à la retraite à 65 ans avec une hausse des cotisations pour tout le monde et un gel des revalorisations des pensions pendant dix ans. Deux logiques contradictoires s’affrontent. L’Exécutif pense équilibre financier là où les syndicats raisonnent en termes de pouvoir d’achat. Les syndicats s’attachent à la revalorisation des pensions. Face à cette revendication, le gouvernement propose l’option des régimes complémentaires qui devraient être obligatoires. Il s’agit de régime par capitalisation souscrit auprès de la Caisse interprofessionnelle marocaine des retraites (CIMR).
Pour convaincre les syndicats, l’Exécutif argue de la politique sociale qu’il mène actuellement avec la hausse du SMIG et la généralisation de la couverture sociale et de la baisse du seuil minimal de la cotisation pour bénéficier à la retraite dans le privé. Aussi, l’argument de l’équité est-il mis en avant puisque la réforme aspire à harmoniser les cotisations dans le public et le privé qui sont actuellement très différentes. Force est de constater que les salariés du privé cotisent à hauteur de 11,89% tandis que les fonctionnaires cotisent à hauteur de 28%, soit 10% de moins que le taux appliqué aux salariés des EPP (18%). Ceci fait que la moyenne des pensions chez les fonctionnaires est largement supérieure à celle des salariés (7873 contre 2022 dirhams). Raison pour laquelle le gouvernement veut aller vers un système unifié en passant, à tire provisoire, par un système à deux pôles (public et privé).
Maintenant, les syndicats ne sont pas satisfaits d’un projet élaboré par un bureau d’études français et exigent qu’il y ait une vision sociale à long terme. Conscient de la difficulté de la réforme et des efforts supplémentaires qui seront demandés aux salariés, le gouvernement semble, jusqu’à présent, déterminé à aller jusqu’au bout.
Pour convaincre les syndicats, l’Exécutif argue de la politique sociale qu’il mène actuellement avec la hausse du SMIG et la généralisation de la couverture sociale et de la baisse du seuil minimal de la cotisation pour bénéficier à la retraite dans le privé. Aussi, l’argument de l’équité est-il mis en avant puisque la réforme aspire à harmoniser les cotisations dans le public et le privé qui sont actuellement très différentes. Force est de constater que les salariés du privé cotisent à hauteur de 11,89% tandis que les fonctionnaires cotisent à hauteur de 28%, soit 10% de moins que le taux appliqué aux salariés des EPP (18%). Ceci fait que la moyenne des pensions chez les fonctionnaires est largement supérieure à celle des salariés (7873 contre 2022 dirhams). Raison pour laquelle le gouvernement veut aller vers un système unifié en passant, à tire provisoire, par un système à deux pôles (public et privé).
Maintenant, les syndicats ne sont pas satisfaits d’un projet élaboré par un bureau d’études français et exigent qu’il y ait une vision sociale à long terme. Conscient de la difficulté de la réforme et des efforts supplémentaires qui seront demandés aux salariés, le gouvernement semble, jusqu’à présent, déterminé à aller jusqu’au bout.
Anass MACHLOUKH
Trois questions à Tarik Legdali « Il faut que la réforme prenne en compte le phénomène de sous-déclaration »
Tarik Legdali, professeur universitaire, expert dans la protection sociale et ex-Chef de Division du Contentieux Administratif et des Assurés à la CNSS, a répondu à nos questions.
A votre avis, comment peut-on intégrer la question de la pénibilité du travail dans la réforme ?
Il est clair que certains métiers peuvent aller jusqu’à 65 ans et d’autres arrivent à l’état d’incapacité d’exercer une activité salariale dès 55 ans. D’où la pertinence de prendre en compte cette question de pénibilité de travail afin de trouver des solutions. Là, l’équation est compliquée, mais il faut d’abord définir ce qu’est un métier pénible et établir une liste de professions selon des critères scientifiques sur la base d’une étude. A mon avis, la distinction entre métiers pénibles et non-pénibles est faisable puisqu’il existe des professions où les salariés demandent eux-mêmes de prolonger leur départ à la retraite. Aussi, le relèvement de l’âge de départ à la retraite ne peut être traité indépendamment de la question de la qualité du travail. Ici, on parle de l’amélioration des conditions de travail et la promotion de la médecine de travail qui est peu généralisée dans les entreprises.
Quelles sont les conditions de réussite d’un régime unifié ?
Maintenant, on se dirige vers une réforme systémique qui va toucher les fondements du système au lieu d’une réforme paramétrique comme celle qui a été adoptée en 2016 où on a changé uniquement l’âge légal et le taux de cotisation avec une légère réduction des pensions. Aujourd’hui, l’objectif est d’assurer la durabilité des régimes en passant progressivement vers un système unifié avec deux pôles public et privé. Le fait qu’il y ait un système unifié permettra d’équilibrer les quotitions et les pensions entre les deux secteurs. Mais, il ne faut pas oublier la question des sous-déclarations à laquelle il faut trouver des réponses concrètes. Là, le renforcement de l’inspection travail est indispensable.
Pourquoi le régime complémentaire devrait-il être obligatoire et non pas facultatif ?
Le régime complémentaire est une façon de remédier à la faiblesse des pensions. A mon avis, il vaut mieux que ce soit obligatoire sachant que les minimas actuels sont dérisoires. On parle de 1000 dirhams dans le secteur privé et 1500 dans le public. Ceci dit, on va aboutir à un système quasi-hybride en préservant le régime par répartition auquel s’ajoutera le régime par capitalisation, basé sur l’épargne.
Propos recueillis par A. M.
L’info...Graphie
Déséquilibres financiers, injustices… Les failles du système actuel
Si le gouvernement fait la course contre la montre pour en finir avec le marronnier des retraites, c’est parce que la réforme paramétrique de 2016 n’a pas suffi pour redresser les caisses puisqu’elle n’a fait que prolonger leur durée vie. Selon l’exposé de l’Exécutif, tous les régimes actuels sont menacés mais à des degrés différents. Le régime de pensions civiles est le plus menacé puisque la Caisse Marocaine des Retraites souffre d’un déficit de 7,8 MMDH et risque ainsi d’épuiser ses réserves d’ici 2028. Par contre, la CNSS dispose d’une durée de vie plus longue avec un déficit de 375 MDH.
Toutefois, la Caisse est menacée de faillite dès 2038, en dépit de ses réserves estimées à 61 MMDH. La situation la plus confortable est celle du Régime collectif d'allocation de retraite (RCAR), géré par la Caisse de Dépôt et de Gestion (CDG), fort de ses 135 MMDH de réserves qui lui permettent de continuer à verser les pensions jusqu’en 2052.
Toutefois, la Caisse est menacée de faillite dès 2038, en dépit de ses réserves estimées à 61 MMDH. La situation la plus confortable est celle du Régime collectif d'allocation de retraite (RCAR), géré par la Caisse de Dépôt et de Gestion (CDG), fort de ses 135 MMDH de réserves qui lui permettent de continuer à verser les pensions jusqu’en 2052.
En plus des failles financières liées à plusieurs facteurs, dont le chômage et le vieillissement de la population, le système actuel accuse plusieurs lacunes dont un décalage flagrant entre le secteur privé et le secteur public. Il en résulte un fossé abyssal qui sépare le public et le privé en termes de pension qui sont calculés différemment. Pour rappel, la pension dans le secteur public est déplafonnée tandis que les salariés affiliés à la CNSS ont un plafond de 6000 dirhams. Pour assurer la durabilité des caisses, le gouvernement veut mettre en place un régime unifié avec deux pôles.
Un pôle privé regroupant les salariés et les travailleurs indépendants (travailleurs non-salariés et les professions libérales) et un pôle public. Les deux auront les mêmes modes de calcul et le même plafonnement des pensions. En plus de cela, le gouvernement compte ajouter un régime par capitalisation à l’aide du régime complémentaire.
Un pôle privé regroupant les salariés et les travailleurs indépendants (travailleurs non-salariés et les professions libérales) et un pôle public. Les deux auront les mêmes modes de calcul et le même plafonnement des pensions. En plus de cela, le gouvernement compte ajouter un régime par capitalisation à l’aide du régime complémentaire.
Une réforme redoutée : Quoi qu’il en coûte politiquement !
Compte tenu de la sensibilité de la conjoncture actuelle où l’inflation érode le pouvoir d’achat des citoyens, nombreux sont ceux qui parlent d’une possible prolongation de la durée des négociations afin que les concertations puissent durer le maximum possible pour aboutir à un compromis. D’autres estiment que le débat ne cessera pas même après le dialogue avec les syndicats puisque la réforme fera, de toute façon, l’objet d’un examen législatif approfondi au Parlement. Ceci dit, il y aura toujours une possibilité de se rattraper et d’ajuster la loi lors des séances des amendements, nous explique une source parlementaire.
En effet, le gouvernement, selon les déclarations précédentes d’Aziz Akhannouch, compte assumer la responsabilité politique de cette réforme. Quoi qu’il en soit, la tâche de convaincre les syndicats s’annonce ardue puisque le débat s’annonce difficile, sachant que quelques centrales syndicales ont d’ores et déjà montré le bout du nez en affichant leur solidarité aves les syndicats français qui luttent contre la réforme portée par le gouvernement d’Emmanuel Macron. Toutefois, nous sommes assez loin du scénario français.
En effet, le gouvernement, selon les déclarations précédentes d’Aziz Akhannouch, compte assumer la responsabilité politique de cette réforme. Quoi qu’il en soit, la tâche de convaincre les syndicats s’annonce ardue puisque le débat s’annonce difficile, sachant que quelques centrales syndicales ont d’ores et déjà montré le bout du nez en affichant leur solidarité aves les syndicats français qui luttent contre la réforme portée par le gouvernement d’Emmanuel Macron. Toutefois, nous sommes assez loin du scénario français.