Salah Cherki, grand virtuose du qanûn, auteur de six livres dédiés à la musique marocaine, était un parfait autodidacte. Le Roi Hassan II adorait écouter ses mélodies musicales. De tous les compositeurs arabes, il est le seul non égyptien pour lequel la diva Oum kaltoum a chanté une composition religieuse. C'était en 1978 à Marrakech, sur une requête personnelle de feu Hassan II, et le chant composé par le maitre du qanûn s’appelait «Ya Rassoul Allah Khoud Bi Yadi» (ô prophète, guide-moi en me tenant la main).
Le virtuose du qanûn n'a pourtant jamais été dans une école conventionnelle. Il n'avait que 7 ans lorsque, en 1930, il devint orphelin des deux parents.
Il a été pris en charge par son grand frère Maâti, un grand résistant, qui a été assassiné à Salé en 1956 lors de conflits partisans meurtriers ayant marqué cette époque.
A 15 ans, l'adolescent Salah a été recueilli par Maâlem Zniber, qui dirigeait une école spécialisée dans la musique andalouse à Casablanca. Cette pépinière fera éclore une pléiade de musiciens qui allaient devenir les piliers de la musique et de la chanson marocaine. Parmi les «diplômés» de l'école Zniber, on peut citer Salah Cherki au qanûn, Amer Tantaoui au luth, Mohamed Benbrahim à la flûte et le grand compositeur Mohamed Benabdeslam. Salah Cherki fait ainsi partie du noyau dur qui a constitué le premier orchestre national de musique, en 1950, avec Ismail Ahmed, Abdenbi Jirari, Abdelkader Rachid et d’autres pionniers.
Le virtuose du qanûn n'a pourtant jamais été dans une école conventionnelle. Il n'avait que 7 ans lorsque, en 1930, il devint orphelin des deux parents.
Il a été pris en charge par son grand frère Maâti, un grand résistant, qui a été assassiné à Salé en 1956 lors de conflits partisans meurtriers ayant marqué cette époque.
A 15 ans, l'adolescent Salah a été recueilli par Maâlem Zniber, qui dirigeait une école spécialisée dans la musique andalouse à Casablanca. Cette pépinière fera éclore une pléiade de musiciens qui allaient devenir les piliers de la musique et de la chanson marocaine. Parmi les «diplômés» de l'école Zniber, on peut citer Salah Cherki au qanûn, Amer Tantaoui au luth, Mohamed Benbrahim à la flûte et le grand compositeur Mohamed Benabdeslam. Salah Cherki fait ainsi partie du noyau dur qui a constitué le premier orchestre national de musique, en 1950, avec Ismail Ahmed, Abdenbi Jirari, Abdelkader Rachid et d’autres pionniers.
Ambassadeur de la musique marocaine
Il arrive que la musique joue un rôle quasi-diplomatique, faisant des artistes d’authentiques ambassadeurs portant la voix de leur pays dans le concert des nations. C’était le cas avec Salah Cherki, qui fut l'un des meilleurs «ambassadeurs» du royaume à travers les continents et jusqu’aux capitales les plus lointaines.
Inde, Azerbaïdjan, Ouzbékistan, Turkménistan, Iran, Thaïlande, Indonésie, Malaisie, Singapour, Chine, Etats-Unis, Union soviétique, Brésil, etc. Il a beaucoup voyagé et fait voyager sa musique mais aussi son pays.
De ces voyages inoubliables, citons celui, ou plutôt ceux, qui l’ont mené en Egypte. Salah Cherki se rendit au pays des Pharaons une première fois en 1974. Il faisait partie d’un quintette de musique marocaine accompagnant la princesse Lalla Nezha et son mari, alors Premier ministre, Ahmed Osman.
Une deuxième visite, cette fois privée, eut lieu en 1987. Deux années plus tard, il prit part à la semaine culturelle du Maroc en Egypte, en 1989. Si les voyages de 1974 et 1989 avaient un caractère officiel, celui de 1987 était plus personnel et riche en anecdotes. Le musicien était en quête d'un nouveau qanûn et l’Egypte était, bien entendu, le pays des qanûns par excellence.
Il rencontra nombre d’artistes et d’intellectuels, se rendit dans plusieurs temples dédiés à la musique. Il confiera plus tard, dans l’un de ses livres : « Ce que je retiens, c’est le sentiment que chaque artiste était exactement à sa place, selon son talent, sa créativité et sa production. En Egypte, et contrairement au Maroc, la musique et l’art baignaient dans un cadre structuré et parfaitement encadré, avec un syndicat des musiciens à la fois efficace et indépendant ».
Inde, Azerbaïdjan, Ouzbékistan, Turkménistan, Iran, Thaïlande, Indonésie, Malaisie, Singapour, Chine, Etats-Unis, Union soviétique, Brésil, etc. Il a beaucoup voyagé et fait voyager sa musique mais aussi son pays.
De ces voyages inoubliables, citons celui, ou plutôt ceux, qui l’ont mené en Egypte. Salah Cherki se rendit au pays des Pharaons une première fois en 1974. Il faisait partie d’un quintette de musique marocaine accompagnant la princesse Lalla Nezha et son mari, alors Premier ministre, Ahmed Osman.
Une deuxième visite, cette fois privée, eut lieu en 1987. Deux années plus tard, il prit part à la semaine culturelle du Maroc en Egypte, en 1989. Si les voyages de 1974 et 1989 avaient un caractère officiel, celui de 1987 était plus personnel et riche en anecdotes. Le musicien était en quête d'un nouveau qanûn et l’Egypte était, bien entendu, le pays des qanûns par excellence.
Il rencontra nombre d’artistes et d’intellectuels, se rendit dans plusieurs temples dédiés à la musique. Il confiera plus tard, dans l’un de ses livres : « Ce que je retiens, c’est le sentiment que chaque artiste était exactement à sa place, selon son talent, sa créativité et sa production. En Egypte, et contrairement au Maroc, la musique et l’art baignaient dans un cadre structuré et parfaitement encadré, avec un syndicat des musiciens à la fois efficace et indépendant ».
Décoré par le Shah d’Iran
Le musicien marocain se rendit deux fois en Iran, en 1968 et 1974. La première visite était en réponse à l'invitation du festival international de musique de Chiraz, que les Iraniens avaient l'habitude d'organiser annuellement entre 1967 et 1977. La délégation marocaine comprenait, outre Salah Cherki, Omar Tantaoui (luth), Mohamed Benbrahim (flûte), Ahmed Chajaï (violon) et Mohamed Karam (tambourin, percussion).
« Les Iraniens sont des gens hospitaliers, curieux de tout, passionnés de musique et de littérature. La traduction y est florissante parce qu’ils voulaient tout savoir de l’autre, de son art et de sa culture… Le festival se tenait au mausolée du célèbre poète Abdallah Chirazi et les musiciens devaient, avant de se produire sur scène, saluer l’âme du poète avant d’entrer en communion avec le public. Ce moment était spécial et chargé d’émotion ».
Dans ses souvenirs iraniens, Salah Cherki se rappelait d’un malheureux incident : dans le vol du retour, en direction du Maroc, le musicien n’a pas été autorisé à garder son précieux qanûn à l'intérieur de l'avion. Il a été forcé de le laisser avec les bagages et, à l’arrivée, l’instrument a été brisé et réduit en pièces. « Depuis, je ne me suis plus séparé de mon qanûn , où que j’aille ! ».
Ce triste souvenir sera effacé par le deuxième séjour iranien de Salah Cherki, en 1974, quand il a été décoré par le Shah Pahlavi en personne. Un juste retour des choses.
De tournée en tournée
Notre «ambassadeur» se souvenait aussi de ses escales en Irak, patrie des poètes et des créateurs, le pays qui a vu naître Ibrahim et Ishaq al-Mawsili, Ziryab, etc. Cherki s’y produisit à deux reprises, en 1974 et 1978, à l'invitation de la mission musicale irakienne dirigée par Mounir Bachir, joueur de luth à la réputation mondiale (1930-1979). Dans cet Irak de l’avant-Saddam, le musicien marocain fut frappé par la multitude de musées et d'institutions dédiées d'art, surtout l’ancien, et par le travail colossal des uns et des autres, artistes et responsables, pour préserver l’immense patrimoine artistique du pays.
De ses séjours dans les pays du Golfe (Koweït, Bahreïn, Qatar, Oman, Émirats), Salah Cherki
Au cours de l'année 1974, un quintet marocain entreprit une tournée orientale qui est les emmena au Proche et Moyen Orient. « Ces pays connaissaient et aimaient la chanson marocaine. Une artiste comme Naima Samih était une star là-bas et l’une de ses chansons (Ba’hara) faisait littéralement fureur, un véritable hit international ».
Bienvenue en Extrême Orient
Entre 1971 et 1989, le musicien effectua plusieurs visites en Union soviétique, où il a pu visiter un certain nombre de grandes villes, dont Samarcande, Tachkent et Boukhara, en Ouzbékistan. Il lui fut alors donné de constater l’importance de l’héritage islamique, mais aussi l’influence de l’art persan ou turc.
Et comment oublier ce voyage qui le mena, en 1980, à New Delhi, où il fit des séances d’enregistrement dans les studios de la radio indienne, tout en renonçant à la compensation financière au profit de musiciens indiens émergents…
Cette même année 1980 l’emmènera en Chine, ensuite en Thaïlande, où il entendit l’appel à la prière et le prêche du vendredi en thaï et en anglais…
Il reviendra plus tard en Chine, dans les années 1990, pour effectuer plusieurs tournées à travers ce pays-continent. Ces visites répétées entrainèrent l'intérêt d’un groupe de musiciens locaux pour la musique andalouse-marocaine. Résultat : les musiciens chinois finiront par se produire peu de temps après au Maroc, en jouant…de la musique andalouse !
Flamenco et fado
De ses tournées en Espagne, le joueur de qanûn retint les correspondances existant entre le flamenco et certaines gammes et mesures que l’on peut écouter dans les musiques amazighes. Sans oublier le rapport au corps, qui devient interprète à part entière des sensations musicales…
De ses voyages au Portugal, Salah Cherki retint, bien entendu, l’art incomparable du fado, si éloigné des traditions musicales en Espagne. Mais, plus que tout, il fut ému aux larmes le jour ou plutôt la nuit où, et alors que les restaurants et lieux de divertissement baissaient leurs rideaux, plusieurs groupes de fado se mirent, instantanément, à jouer le même air, une chanson dédiée à la mère. « C’était le frisson, surtout au moment où les passants s’arrêtaient pour répéter, la main sur le cœur et dans le recueillement le plus total, les paroles poétiques de cette chanson »…
Chez l’oncle Sam
Si la référence à la mère a tant touché le musicien, c’est évidemment parce qu’elle le renvoyait à ses propres souvenirs d’enfant, quand il perdit précocement ses deux parents… Peu le savent mais Salah séjourna, deux ans durant, en France, immédiatement après la Seconde Guerre mondiale, quand il était encore à la recherche d'un gagne-pain.
Le musicien retournera plus tard à Paris, dès les années 1950, d’abord pour compléter sa formation artistique, ensuite pour enseigner son art ou le partager avec un public d’étudiants et d’initiés.
Autre voyage mémorable : celui de l’Amérique, que notre «ambassadeur» découvrit une première fois en 1969. Les Etats-Unis traversent alors une période bouillonnante, entre luttes pour les droits civiques et contestations de la guerre du Vietnam. Le musicien découvre la musique noire américaine, mais aussi les réalités contrastées du pays de l’oncle Sam. Pour l’anecdote, un jour et alors qu’il était invité par une université américaine, on lui demanda son point de vue sur le racisme en Amérique. « Je leur ai simplement dit que s'il n'y avait pas eu la diffusion de la musique noire, l'Amérique n'aurait pas été connue des Marocains. Ma réponse surprit grandement les présents… ».
Le musicien retournera plus tard à Paris, dès les années 1950, d’abord pour compléter sa formation artistique, ensuite pour enseigner son art ou le partager avec un public d’étudiants et d’initiés.
Autre voyage mémorable : celui de l’Amérique, que notre «ambassadeur» découvrit une première fois en 1969. Les Etats-Unis traversent alors une période bouillonnante, entre luttes pour les droits civiques et contestations de la guerre du Vietnam. Le musicien découvre la musique noire américaine, mais aussi les réalités contrastées du pays de l’oncle Sam. Pour l’anecdote, un jour et alors qu’il était invité par une université américaine, on lui demanda son point de vue sur le racisme en Amérique. « Je leur ai simplement dit que s'il n'y avait pas eu la diffusion de la musique noire, l'Amérique n'aurait pas été connue des Marocains. Ma réponse surprit grandement les présents… ».
Le Brésil et la samba
Salah Cherki entreprit d’autres voyages mémorables, où il représenta dûment le Maroc. Il s’aventura ainsi au Brésil, où il eut l’idée d’accorder et de mixer sa musique aux rythmes endiablés de la samba et de la bossa nova.
Il visita, et à plusieurs reprises, l’Algérie voisine, d’abord française, ensuite indépendante, et dont il rapporta de nobreux souvenirs et des réalisations mémorables, dont une rencontre au sommet avec feu Mohamed El Anka, le maître incontesté du chaâbi algérien, en plus de nombreux maîtres du gharnati.
Le maître du qanûn découvrit aussi la Tunisie, à des époques différentes, et il retint, entre autres, la passion du public pour la musique marocaine, et notamment pour le groupe Jil Jilala. Une passion que l’on peut, d’ailleurs, constater à travers de nombreux documents, à l’instar du film «Transes – Al Hal» d’Ahmed Maânouni.
Notre ambassadeur voyagea aussi en Mauritanie, en Syrie, au Yémen, en Indonésie, en Norvège, en Autriche, en Allemagne, etc.
Il fit le tour du monde grâce à son fascinant instrument musical à 75 cordes, le qanûn, encore et toujours. Dans toutes les formes et combinaisons possibles (trio, quatuor, quintet…), en visite officielle ou privée, il porta et honora partout la spécificité marocaine, nouant des contacts avec les officiels, les artistes et les intellectuels, établissant des ponts et des passerelles faits d’amitié, de passion pour la musique.
La fin d’un monument
Même après avoir pris sa retraite administrative de la RTM en 1984, l’artiste choisit de continuer de vivre sa passion et de prolonger le plaisir, se lançant dans des expériences musicales aussi originales que brillantes, n’hésitant pas à moderniser son répertoire et à y inclure diverses influences. Il récolta de nombreux lauriers, médailles et marques d’estime. Mahdi Elmandjra, Abbas Jirari, Abdelhadi Tazi (ambassadeur, membre de l’académie du Royaume du Maroc, Ahmed Sefrioui (monsieur «La boîte à merveilles») et tant d’autres lui témoignèrent, de son vivant, de leur admiration, lui qui a littéralement fait partie de l’archéologie de la mémoire musicale marocaine. Il tira sa révérence en novembre 2011, par un lundi pluvieux à 15h, à l’âge de 88 ans.
Et si l’Egypte a édité un timbre postal à l’effigie de la grande diva Oum Kalthoum, le Maroc a consacré l’un de ses timbres postaux au qanûn personnel de Salah Cherki. Une manière d’honorer la mémoire d’un homme dont le nom est aujourd’hui associé à un conservatoire de musique à Salé, une ville qui l’a toujours habité et accompagné dans tous ses voyages. Paix à son âme.
*Docteur en médecine, fils de Salah Cherki.