Cette période de la rentrée scolaire est marquée cette année par la situation épidémique, et prenant en compte le bouclage de Casablanca, la progression vertigineuse du nombre de cas de contamination au Maroc et les décisions prises par le ministère de l’Education. L’adoption de l’enseignement à distance comme règle avec la possibilité de choisir le mode présentiel, puis l’obligation de se restreindre aux cours à distance pour les élèves inscrits dans des établissements se trouvant dans des zones enclavées ou classées comme foyers épidémiques, a fait craindre aux parents d’élèves l’adoption d’un système d’enseignement à distance généralisé.
Dans ce sens, la question qui s’impose est celle des moyens techniques que nécessite un tel système, l’équipement qui inclut les ordinateurs portables, les tablettes et la connectivité (l’accès à internet et le débit), surtout dans les régions enclavées et dans le milieu rural.
Un marché qui explose et des prix sur-mesure
Pendant la période du confinement, avec tous ce qui en a découlé, et durant la période « back to school » qu’on vit actuellement, les vendeurs de matériel informatique, grossistes ou détaillants, ont affiché une importante hausse de ventes. L’enseignement à distance est l’un des paramètres les plus significatifs ayant contribué à cet accroissement d’activité.
Pour une meilleure visibilité sur le marché, nous avons contacté Disway, le grossiste leader de la distribution de technologies au Maroc, qui avait d’ailleurs déclaré une amélioration de son chiffre d’affaires de 3,3%, fin juin.
Notre interlocuteur chez Disway a souligné que les ordinateurs portables les plus demandés sont d’entrée de gamme, et ont été commandés pour les élèves (surtout ceux du primaire). En termes de configuration, les ordinateurs munis de processeurs I3 et I5 ont fait ravage durant ces périodes. Concernant les tablettes, la même source a déclaré que « ça marche à merveille », ajoutant que Disway a effectué des ventes importantes de tablettes Samsung 10 pouces.
Afin de comparer ces données à la vente directe aux particuliers, nous nous sommes adressés au Manager commercial d’un magasin de l’une des franchises les plus notables au Maroc, en matière de vente de matériel informatique, qui nous a confirmé que les ventes d’ordinateurs et de tablettes ont explosé pendant les deux périodes précitées. Comme chez les grossistes, les ordinateurs I3, I5 et les tablettes dont le prix varie de 1400 à 2200 dhs ont été très convoités. Cela dit, pour Chakib Rifi, expert en plates-formes digitales, les tablettes ne présentent pas une solution au problème. Il avance d’ailleurs qu’ « une tablette de bonne performance peut servir pour suivre les cours à distance, mais les tablettes lowcost ne sont pas dotées de composants électroniques pouvant tourner 8h/j ».
Conscient du coût « très peu abordable » du matériel informatique en rapport avec le pouvoir d’achat de la classe moyenne, auquel s’ajoute le coût de la connexion internet qui constitue un des freins majeurs à l’inclusion digitale de notre pays, Chakib Rifi préconise l’utilisation d’ordinateurs pour un enseignement à distance, quitte à ce que ce soit un ordinateur deuxième main vérifié et mis à niveau par des spécialistes.
Une insuffisance handicapante des canaux d’accès à distance
Selon une étude du Haut Commissariat au Plan, en raison de l’insuffisance des canaux d’accès à distance, une proportion de 83,5% des enfants en préscolaire n’ont pas suivi les cours à distance (79,1% en milieu urbain et 94,6% en milieu rural) durant le confinement. Une proportion de 51% des élèves au primaire et 48% au collège ont eu des difficultés à suivre les cours à distance pour la même raison. Ce motif est soulevé, en particulier, par les ménages ruraux (55% pour le primaire et 54% pour le niveau collégial), et les ménages pauvres (respectivement 60% et 53%). Pour 41% des élèves au secondaire, l’insuffisance de ces canaux est la principale difficulté.
La note a également révélé un intérêt hésitant vis-à-vis des plates-formes numériques mises en place par le ministère de l’Education Nationale (9% pour les élèves du primaire, 20% pour les élèves du collège et 30% pour les élèves du secondaire), en faveur des réseaux sociaux qui ont été les canaux plus utilisés pour suivre les cours à distance (40,1% pour les élèves du primaire, 43,8% pour les élèves du collège, 46,% pour les élèves du secondaire).
Dans ce sens, la question qui s’impose est celle des moyens techniques que nécessite un tel système, l’équipement qui inclut les ordinateurs portables, les tablettes et la connectivité (l’accès à internet et le débit), surtout dans les régions enclavées et dans le milieu rural.
Un marché qui explose et des prix sur-mesure
Pendant la période du confinement, avec tous ce qui en a découlé, et durant la période « back to school » qu’on vit actuellement, les vendeurs de matériel informatique, grossistes ou détaillants, ont affiché une importante hausse de ventes. L’enseignement à distance est l’un des paramètres les plus significatifs ayant contribué à cet accroissement d’activité.
Pour une meilleure visibilité sur le marché, nous avons contacté Disway, le grossiste leader de la distribution de technologies au Maroc, qui avait d’ailleurs déclaré une amélioration de son chiffre d’affaires de 3,3%, fin juin.
Notre interlocuteur chez Disway a souligné que les ordinateurs portables les plus demandés sont d’entrée de gamme, et ont été commandés pour les élèves (surtout ceux du primaire). En termes de configuration, les ordinateurs munis de processeurs I3 et I5 ont fait ravage durant ces périodes. Concernant les tablettes, la même source a déclaré que « ça marche à merveille », ajoutant que Disway a effectué des ventes importantes de tablettes Samsung 10 pouces.
Afin de comparer ces données à la vente directe aux particuliers, nous nous sommes adressés au Manager commercial d’un magasin de l’une des franchises les plus notables au Maroc, en matière de vente de matériel informatique, qui nous a confirmé que les ventes d’ordinateurs et de tablettes ont explosé pendant les deux périodes précitées. Comme chez les grossistes, les ordinateurs I3, I5 et les tablettes dont le prix varie de 1400 à 2200 dhs ont été très convoités. Cela dit, pour Chakib Rifi, expert en plates-formes digitales, les tablettes ne présentent pas une solution au problème. Il avance d’ailleurs qu’ « une tablette de bonne performance peut servir pour suivre les cours à distance, mais les tablettes lowcost ne sont pas dotées de composants électroniques pouvant tourner 8h/j ».
Conscient du coût « très peu abordable » du matériel informatique en rapport avec le pouvoir d’achat de la classe moyenne, auquel s’ajoute le coût de la connexion internet qui constitue un des freins majeurs à l’inclusion digitale de notre pays, Chakib Rifi préconise l’utilisation d’ordinateurs pour un enseignement à distance, quitte à ce que ce soit un ordinateur deuxième main vérifié et mis à niveau par des spécialistes.
Une insuffisance handicapante des canaux d’accès à distance
Selon une étude du Haut Commissariat au Plan, en raison de l’insuffisance des canaux d’accès à distance, une proportion de 83,5% des enfants en préscolaire n’ont pas suivi les cours à distance (79,1% en milieu urbain et 94,6% en milieu rural) durant le confinement. Une proportion de 51% des élèves au primaire et 48% au collège ont eu des difficultés à suivre les cours à distance pour la même raison. Ce motif est soulevé, en particulier, par les ménages ruraux (55% pour le primaire et 54% pour le niveau collégial), et les ménages pauvres (respectivement 60% et 53%). Pour 41% des élèves au secondaire, l’insuffisance de ces canaux est la principale difficulté.
La note a également révélé un intérêt hésitant vis-à-vis des plates-formes numériques mises en place par le ministère de l’Education Nationale (9% pour les élèves du primaire, 20% pour les élèves du collège et 30% pour les élèves du secondaire), en faveur des réseaux sociaux qui ont été les canaux plus utilisés pour suivre les cours à distance (40,1% pour les élèves du primaire, 43,8% pour les élèves du collège, 46,% pour les élèves du secondaire).
Nabil LAAROUSSI
3 questions à M. Chakib Rifi, expert, conférencier et entrepreneur dans les plates-formes digitales, ex-président de l’APEBI
Chakib Rifi
« Nous pouvons penser à la mise en place de « recycleries » régionales d’ordinateurs »
Quelles solutions afin d’atténuer l’impact des difficultés techniques sur l’enseignement à distance ? Chakib Rifi, expert et entrepreneur dans les plates-formes digitales, répond à nos questions.
- Est-ce que l’infrastructure de la connectivité au Maroc permet de mener à bien l’enseignement à distance ?
- En mettant en place la bonne architecture réseaux, nous pouvons arriver à optimiser la bande passante et assouplir le réseau télécom. Des solutions existent et peuvent être adoptées. Nos ingénieurs réseaux des opérateurs télécoms et la DSI du ministère de l’Education nationale peuvent mettre en place l’architecture qu’il faut, mais le frein est ailleurs.
- Dans le milieu rural, peut-on trouver des solutions pour garantir un brin d’égalité des chances entre les élèves issus de ce milieu et ceux issus du milieu urbain ?
En milieu rural, les solutions techniques existent : nous pouvons avoir la connexion internet soit par Cuivre (ADSL), soit 3G-4G ou même satellite, il faut maintenant penser à équiper les élèves de ce milieu. Quels que soient notre milieu et notre classe socio-professionnelle, tout élève et tout étudiant devrait avoir accès à Internet et à un ordinateur à un prix abordable. Comme la scolarisation est un droit, la connexion et l’ordinateur le deviennent également, puisque tout simplement, sans cela, nous ne pouvons assurer la scolarisation de nos enfants.
- En tant qu’expert en la matière, que pourriez-vous proposer comme solutions pour arriver à atténuer les inconvénients de l’enseignement à distance ?
- Des solutions existent pour que le poids financier soit atténué. Nous pourrons penser à la fixation du prix de la connexion pour les élèves et les étudiants et que tous les acteurs de cet écosystème (ANRT, Opérateurs, Ministère, Région, Ville) participent à rendre cette connexion abordable. Quant aux ordinateurs et à défaut d’avoir sur le marché un ordinateur à 500 Dhs, nous pouvons penser à la mise en place de « recycleries » régionales d’ordinateurs.
Les solutions existent et ont toujours existé, la seule chose qui nous manque, actuellement, c’est le temps !
Quelles solutions afin d’atténuer l’impact des difficultés techniques sur l’enseignement à distance ? Chakib Rifi, expert et entrepreneur dans les plates-formes digitales, répond à nos questions.
- Est-ce que l’infrastructure de la connectivité au Maroc permet de mener à bien l’enseignement à distance ?
- En mettant en place la bonne architecture réseaux, nous pouvons arriver à optimiser la bande passante et assouplir le réseau télécom. Des solutions existent et peuvent être adoptées. Nos ingénieurs réseaux des opérateurs télécoms et la DSI du ministère de l’Education nationale peuvent mettre en place l’architecture qu’il faut, mais le frein est ailleurs.
- Dans le milieu rural, peut-on trouver des solutions pour garantir un brin d’égalité des chances entre les élèves issus de ce milieu et ceux issus du milieu urbain ?
En milieu rural, les solutions techniques existent : nous pouvons avoir la connexion internet soit par Cuivre (ADSL), soit 3G-4G ou même satellite, il faut maintenant penser à équiper les élèves de ce milieu. Quels que soient notre milieu et notre classe socio-professionnelle, tout élève et tout étudiant devrait avoir accès à Internet et à un ordinateur à un prix abordable. Comme la scolarisation est un droit, la connexion et l’ordinateur le deviennent également, puisque tout simplement, sans cela, nous ne pouvons assurer la scolarisation de nos enfants.
- En tant qu’expert en la matière, que pourriez-vous proposer comme solutions pour arriver à atténuer les inconvénients de l’enseignement à distance ?
- Des solutions existent pour que le poids financier soit atténué. Nous pourrons penser à la fixation du prix de la connexion pour les élèves et les étudiants et que tous les acteurs de cet écosystème (ANRT, Opérateurs, Ministère, Région, Ville) participent à rendre cette connexion abordable. Quant aux ordinateurs et à défaut d’avoir sur le marché un ordinateur à 500 Dhs, nous pouvons penser à la mise en place de « recycleries » régionales d’ordinateurs.
Les solutions existent et ont toujours existé, la seule chose qui nous manque, actuellement, c’est le temps !
Recueillis par N. L.
Encadré
Big Blue Button : Une application spécialisée dans l’enseignement à distance
L’utilisation des plates-formes internet dédiées vient s’ajouter au lot des complications techniques qui s’opposent à la réussite de l’enseignement à distance, déjà rendu ardu par la difficulté d’accès au matériel informatique et à internet avec son débit insuffisant.
A ce propos, deux points principaux sont àcritiquer, le premier étant les complexités que rencontrent enseignants et élèves dans le maniement de ces outils, et la quasi-absence de formations dans ce sens. De ce fait, une certaine réticence a été relevée, dans une note du Haut Commissariat au Plan, vis-à-vis des plates-formes mises en place par le ministère de l’Education ou par des établissements d’enseignement privés. Et ce n’est que cette semaine que des formations pour l’utilisation de ces plates-formes sont offertes aux enseignants des établissements publics. Mais qu’en est-il des élèves ?
Le choix du ministère quant aux applications utilisées, qui s’est porté sur Zoom et Microsoft Teams, semblerait discutable, car il néglige l’application Big Blue Button, le système de visioconférence gratuit développé par l’Université Carleton au Canada, précisément pour la formation à distance, qui a, d’ailleurs, été intégré au socle interministériel de logiciels libres en France, depuis mai 2020.
Il permet de répartir les participants en deux statuts (modérateur et utilisateur), de partager de la voix et du contenu vidéo, de présentations avec ou sans tableau blanc. Big Blue Button permet également l’utilisation d’outils de clavardage publics et privés, le partage d’écran, la voix sur IP, des sondages en ligne, ainsi que l’utilisation de documents bureautiques.
A ce propos, deux points principaux sont àcritiquer, le premier étant les complexités que rencontrent enseignants et élèves dans le maniement de ces outils, et la quasi-absence de formations dans ce sens. De ce fait, une certaine réticence a été relevée, dans une note du Haut Commissariat au Plan, vis-à-vis des plates-formes mises en place par le ministère de l’Education ou par des établissements d’enseignement privés. Et ce n’est que cette semaine que des formations pour l’utilisation de ces plates-formes sont offertes aux enseignants des établissements publics. Mais qu’en est-il des élèves ?
Le choix du ministère quant aux applications utilisées, qui s’est porté sur Zoom et Microsoft Teams, semblerait discutable, car il néglige l’application Big Blue Button, le système de visioconférence gratuit développé par l’Université Carleton au Canada, précisément pour la formation à distance, qui a, d’ailleurs, été intégré au socle interministériel de logiciels libres en France, depuis mai 2020.
Il permet de répartir les participants en deux statuts (modérateur et utilisateur), de partager de la voix et du contenu vidéo, de présentations avec ou sans tableau blanc. Big Blue Button permet également l’utilisation d’outils de clavardage publics et privés, le partage d’écran, la voix sur IP, des sondages en ligne, ainsi que l’utilisation de documents bureautiques.
Repères
Disparités régionales et fragilité des infrastructures
Dans un rapport du «Policy Center of the New South», qui dresse un état des lieux de l’éducation à distance au Maroc, une analyse par milieu de résidence permet de soulever la présence d’une fracture numérique entre le milieu urbain et le milieu rural. A titre d’exemple, 67% des étudiants du milieu urbain utilisent un téléphone portable avec accès à internet à la maison et 59% utilisent une connexion internet. Ces proportions sont de l’ordre de 52% et 32%, respectivement, en milieu rural, soit des écarts respectifs de 15% et 27%.
Le décret de l’enseignement à distance
Pour l’instant, rien n’oblige les enseignants à adopter le système d’enseignement à distance. Cela dit, la publication d’un décret qui sera bientôt soumis en Conseil de gouvernement afin de le développer et de l’institutionnaliser, vise à en faire un système complémentaire à l’enseignement présentiel. Ledit décret porte également l’obligation d’intégrer les nouvelles technologies de l’information et la communication (NTIC) au sein des classes, dans le cadre de la modernisation de l’enseignement.