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Secteur informel : Un manque à gagner patent pour le Budget de l’Etat


Lundi 7 Décembre 2020

Les incitations fiscales des dernières Lois de Finances ne peuvent pas résoudre à elles seules la problématique du secteur informel au Maroc, souligne la CFCIM.



Secteur informel : Un manque à gagner patent pour le Budget de l’Etat
« Le secteur informel représente toujours une part importante de l’économie marocaine. Il couvre une grande diversité d’activités, d’acteurs et de situations et ne peut donc pas être considéré comme un ensemble homogène. Si certains arrivent à en tirer un profit substantiel, la grande majorité des travailleurs de l’informel vit dans la précarité, évoluant parfois d’un univers à l’autre », souligne la Chambre Française de Commerce et d’Industrie du Maroc dans le dernier numéro de sa revue mensuelle « Conjoncture », consacré en grande partie à la problématique de l’informel au Maroc.

Selon cette institution, en se basant sur une étude de la CGEM consacrée à l’économie informelle et ses impacts sur la compétitivité des entreprises, ce secteur pèse plus de 20 % du PIB hors secteur primaire, ce qui représente 170 milliards de dirhams par an et pas moins de 30 milliards de dirhams comme manque à gagner fiscal. Une étude qui corrobore les résultats d’études antérieures, notamment celle du Haut-Commissariat au Plan (HCP) : c’est le commerce qui constitue le plus gros de l’informel (31,76 %), suivi par la restauration, l’hôtellerie et les services à la personne (16,47 %), les activités industrielles et artisanales (14 %) et le BTP (12,94 %) qui emploie 2,6 millions de personnes.

L’étude de la CGEM énumère aussi les conséquences de l’informel sur l’économie formelle : le manque à gagner fiscal (IS, TVA et droits de douane), le gap de compétitivité prix, la pression négative sur les prix de marché, la perte de chiffre d’affaires, les risques inhérents au secteur (règles d’hygiène non respectées, marchandises de moins bonne qualité…), la pénibilité, la précarité et l’instabilité de l’emploi, l’absence d’avantages sociaux et le faible salaire moyen.

En somme, les acteurs de l’informel opèrent dans des activités économiques légales telles que le textile, le transport, le commerce, le tourisme,l’agroalimentaire ou l’artisanat.

Le secteur se caractérise également par la faiblesse des revenus, de leur instabilité et donc par la précarité des travailleurs. D’un autre côté, c’est le cash qui prévaut dans l’informel avec notamment des pratiques comme les emprunts auprès de membres de la famille ou d’usuriers qui échappent souvent au regard du fisc. Par ailleurs, les personnes qui y exercent ne bénéficient pas de protection sociale, est-il souligné.

« Ni légalité complète ni illégalité totale »
L’autre caractéristique du secteur est que les règles régissant le statut des travailleurs ne sont pas soumises au système de régulation marchand. « Au sein des activités informelles, les règles qui régissent le statut des travailleurs ne sont pas soumises au système de régulation marchand comme le droit du travail, le salaire minimum, la réglementation et la protection sociale. En principe, le salariat impose ces règles, mais son existence est presque insignifiante dans le secteur. Néanmoins, il n’y a pas absence totale de respect des règles étatiques, et les activités informelles ne sont pas totalement hors-la-loi pour nombre de raisons », explique Rajaa Mejjati Alami, docteure en Économie du développement, dans une déclaration à « Conjoncture ».

Comme elle le souligne dans son ouvrage «  Le secteur informel au Maroc », poursuit la même source, on n’est dès lors « ni dans la légalité complète ni dansl’illégalité totale ». D’ailleurs, des pratiques que l’on prête à l’informel, telles que le non-respect du salaire minimum et des cotisations sociales, se retrouvent également dans des entreprises opérant dans le formel.

« Les données des enquêtes révèlent que l’informel n’est pas un lieu de transgression totale. En 2007, la proportion des unités informelles enregistrées sur le fichier de la patente est de 18,6 %, et parmi celles qui disposent d’un local, la proportion est encore plus forte (40 %). Il en est de même, mais dans une moindre mesure, des unités figurant sur le Registre du commerce. Les contributions fiscales proprement dites sont moins bien observées que l’enregistrement. Toutefois, la majorité des responsables d’unités s’acquittent des impôts locaux. Les unités du secteur informel sont donc fiscalisées en partie. Si l’on s’en tient à ces données, on peut affirmer que ce qui est à l’œuvre au sein des activités informelles, c’est bien le chevauchement de pratiques formelles et informelles », apprendon également dans le livre« Le secteur informel au Maroc ».

Les mesures fiscales insuffisantes
La CFCIM indique, par ailleurs, que « la lutte contre l’informel était depuis toujours à la une des programmes de l’Exécutif. Mais, on est progressivement passé de « lutter contre l’informel » à « formaliser l’informel ». L’Exécutif s’emploie de plus en plus à accompagner le secteur ou encore à l’intégrer par le biais des incitations fiscales, notamment dans les dernières Lois de Finances ».

Elle évoque, en ce sens, quelques mesures prises dans le cadre de la Loi de Finance de 2020 : « Les contribuables exerçant une activité passible d’impôt sur le revenu, et qui s’identifient, pour la première fois, auprès de l’administration fiscale en s’inscrivant au rôle de la taxe professionnelle, à partir du 1er janvier 2020, ne sont imposables que sur la base des revenus acquis et des opérations réalisées à partir de cette date ». Pour bénéficier de cette disposition, « les personnes concernées sont tenues de déposer au service local des impôts dont elles relèvent, l’inventaire des marchandises détenues dans le stock à la date de leur identification en faisant ressortir la nature, la quantité et la valeur des éléments constitutifs dudit stock ».

Autre mesure fiscale prise pour lutter contre le paiement en cash : « Les contribuables soumis aux régimes du résultat net simplifié ou du bénéfice forfaitaire bénéficient d’un abattement de 25 % de la base imposable correspondant au chiffre d’affaires réalisé par paiement mobile ».

La CFCIM cite enfin le programme Intelaka, lancé il y a un peu moins de deux ans afin, entre autres, d’encourager les structures informelles à se formaliser en leur facilitant l’accès au financement.

Malgré ces mesures fiscales, elle estime qu’elles ne peuvent pas résoudre à elles seules la problématique de l’informel. « D’une part, il faut apporter des solutions adaptées aux différentes structures informelles et, d’autre part, les propositions de formalisation doivent également intégrer le facteur protection sociale qui garantirait des allocations familiales et une couverture médicale aux centaines de milliers de citoyens qui vivent dans et de l’informel », est-il recommandé. 

A. CHANNAJE

Encadré

4,3 millions de ménages marocains vivent de l’informel ?
4,3 millions de ménages marocains vivent de l’informel. C’est ce qu’a déclaré Mohamed Benchaâboun, ministre de l’Economie et des Finances, devant la Chambre des Représentants en avril 2020. «Le chiffre de 4,3 millions est en effet très significatif et se situe au-dessus de ce qui est relevé fréquemment par les différentes études et enquêtes, notamment celles menées par le HCP », constate Abdellatif Komat, doyen de la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales à l’Université Hassan II-Casablanca, rapporte le 360.ma. Les chiffres du HCP font état, cependant, de 1,4 million de ménages vivant de l’informel. Comment expliquer cet écart entre ces chiffres du HCP et ceux du gouvernement? D’après le Haut-commissaire au Plan, dans une déclaration à 360.ma, la réponse est simple : « L’enquête du HCP n’intègre pas l’agriculture qui représente jusqu’à 80% de l’activité informelle ».

Repères

Définition de l’informel
Le secteur informel se définit de façon formelle comme l’ensemble des activités économiques légales qui échappent à toute législation en vigueur. Il regroupe les petites activités et entreprises rémunératrices, souvent individuelles ou familiales, et se caractérise par l’inobéissance au cadre fiscal et juridique étatique, l’absence d’une comptabilité légalement tenue, les salaires non déclarés, etc. Le secteur informel, tel que défini, couvre tous les secteurs économiques : primaire, secondaire et tertiaire. Il comprend les marchands ambulants, les marchands sur étalages, les artisans tels que les réparateurs d’outils ménagers, les menuisiers, les maçons, les mécaniciens, forgerons, soudeurs, tisserands, cultivateurs, tontines, nettoyeurs, employés de maison, etc.
85,8% des emplois dans les pays arabes sont informels
Deux milliards de personnes (plus de 61% de la population active) dans le monde gagnent leur vie dans l’économie informelle, affirme l’OIT dans un rapport, soulignant que la transition vers l’économie formelle est une condition préalable pour réaliser le travail décent pour tous. En Afrique, 85,8% des emplois sont informels. La proportion est de 68,2% en Asie et Pacifique, de 68,6% dans les Etats arabes, 40,0% pour les Amériques et 25,1% en Europe et en Asie centrale.

Le rapport montre que 93% de l’emploi informel dans le monde se trouvent dans les pays émergents et en développement. L’emploi informel constitue davantage une source d’emplois pour les hommes (63%) que pour les femmes (58,1%). Parmi les deux milliards de travailleurs occupant un emploi informel dans le monde, à peine plus de 740 millions sont des femmes.








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