Depuis mardi dernier, la ville de Marrakech s’est transformée en capitale mondiale de la sécurité routière, en accueillant la 4ème Conférence ministérielle sur la «Road Safety», qui réunit des décideurs, des experts, des acteurs économiques et des représentants d’organisations de la société civile, du monde entier. En ligne de mire : endiguer en urgence un phénomène qui provoque plus de 1,19 million de décès chaque année. Cette grand-messe de la sécurité routière a également été l’occasion de mettre en exergue l’expérience marocaine, dont les indicateurs de sinistres sont, certes, déplorables, mais demeurent sous-contrôle, selon les dires de Benacer Boulaâjoul, directeur général de l’Agence nationale de la sécurité routière (NARSA).
«Nous arrivons à éviter le pire, grâce à une stratégie pragmatique et ambitieuse qui combat l’accidentologie routière sous toutes ses formes», nous déclare le ministre du Transport et de la Logistique, Abdessamad Kayouh, qui a, en compagnie du ministre de l’Equipement et de l’Eau, Nizar Baraka, signé moult conventions dont une dotée d’une enveloppe de 6 millions de dirhams pour renforcer la sécurité des conducteurs de motos à deux et trois roues.
«Nous arrivons à éviter le pire, grâce à une stratégie pragmatique et ambitieuse qui combat l’accidentologie routière sous toutes ses formes», nous déclare le ministre du Transport et de la Logistique, Abdessamad Kayouh, qui a, en compagnie du ministre de l’Equipement et de l’Eau, Nizar Baraka, signé moult conventions dont une dotée d’une enveloppe de 6 millions de dirhams pour renforcer la sécurité des conducteurs de motos à deux et trois roues.
Cap sur l’efficacité
«Qui n’a jamais été touché, de près ou de loin, par la perte d’un proche dans un accident de la route», s’est interrogé le ministre sur un ton empreint de tristesse, notant que désormais le cap est «d’éviter que ce drame ne se reproduise en œuvrant à réduire le nombre de sinistres mortels d’au moins 50%». Objectif, louable, sachant que sous nos cieux, les accidents de la circulation causent annuellement plus de 3000 décès et environ 2000 blessés graves, soit une moyenne de 10 tués et 33 blessés graves par jour. Boulaâjoul rassure néanmoins que le nombre de décès est resté stable depuis 2001, témoignant de l’efficacité de la feuille de route nationale. En plus d’être à l’origine de drames humains, ces accidents pèsent lourdement sur les services de santé et aussi sur l’économie du pays, alors que les accidents représentent un coût financier d’environ 19,5 milliards de dirhams (MMDH) par an, soit 1,7% du PIB.
«Au cours des 20 dernières années, l’infrastructure routière a connu une transformation majeure, notamment avec l’extension du réseau autoroutier et, parallèlement, le nombre de véhicules en circulation a triplé. Cette évolution ajoute une couche supplémentaire de défis et implique un changement de paradigme en matière de gestion routière», note de son côté le ministre du Transport, ajoutant que, malgré les acquis, «nous sommes encore loin d’avoir atteint nos objectifs. La sécurité routière reste un chantier en constante évolution, et nous sommes pleinement conscients des lacunes à combler au Maroc». C’est dans cette optique que ce conclave a convié plus de 100 ministres issus de divers pays, en charge des secteurs du Transport, de l’Intérieur, des Infrastructures et de la Santé. À leurs côtés, 2700 participants, dont près de 600 experts de haut niveau, ainsi que des représentants d’agences des Nations Unies et d’organisations internationales majeures, telles que la Banque Mondiale, le Forum international des transports, la Fédération internationale de la route et la Fédération internationale de l’automobile (FIA), prennent part à cette initiative d’envergure.
Cela dit, le patron de la NARSA affirme que chaque décès reste un de trop et que cette Conférence ministérielle constitue «une opportunité précieuse» pour les entités concernées de s’inspirer des recommandations et des expériences réussies, insistant sur l’importance d’un plan d’action précis et de financements adéquats pour maîtriser efficacement les accidents de la route.
Meilleure coopération, meilleurs résultats !
Pour atteindre les objectifs escomptés, la tutelle mise sur la promotion de programmes et d’initiatives de renforcement des capacités, de partage des connaissances, d’appui technique et de transfert de technologie à des conditions convenues d’un commun accord dans le domaine de la sécurité routière. Dans ce sens, Abdessamad Kayouh insiste sur l’importance d’un financement international adéquat, prévisible, durable et opportun, pour soutenir et compléter les efforts des pays dans la mobilisation des ressources nationales, en particulier dans les pays à revenu faible et intermédiaire, conformément aux recommandations de la Déclaration de Marrakech.
Il a aussi souligné l’importance de stimuler le financement pour la sécurité routière par les banques multilatérales de développement et le rôle du Fonds mondial pour la sécurité routière pour catalyser ce financement.
Si la coopération est la clé de voûte pour atteindre les objectifs, le ministre du Transport et de la Logistique, Abdessamad Kayouh, a conduit une série de rencontres bilatérales avec des ministres et de hauts responsables étrangers. Les rencontres avec ses homologues suédois, bangladais, égyptien ou encore turc ont permis d’instaurer les bases de partenariats durables en la matière, comme en témoigne le mémorandum d’entente avec Ankara visant à établir un cadre de coopération et d’échange d’expertise entre les deux parties et définir les modalités de déploiement des tachygraphes digitaux.
Côté sensibilisation, le ministre istiqlalien a longuement insisté sur le rôle de la sensibilisation, à très jeune âge, faisant de la sécurité routière une partie intégrante des programmes pédagogiques. Dans ce sillage, la tutelle a inauguré, à la veille du lancement de la Conférence, le village de la sécurité routière afin de mettre en lumière les efforts déployés par le Maroc en matière de sensibilisation. «Des ateliers dédiés aux enfants y sont organisés, sachant qu’à Marrakech seulement, plus de 22.000 élèves âgés de 5 à 11 ans bénéficient de programmes d’éducation au bon comportement routier», nous a confié le ministre, notant par ailleurs que son département accompagne les usagers en mettant en place des contrôles de vue, des analyses de tension et d’autres actions préventives visant à renforcer leur sécurité sur la route.
3 questions à Dr El Khalil Cherif, représentant du Global Youth Coalition for Road Safety : «L’engagement «Zéro décès» est risqué, mais il vaut la peine»

- La déclaration de Marrakech aspire à réduire le taux de mortalité de 50%. De votre côté, vous estimez que le Maroc peut atteindre 0 décès routier. Ce cap n’est-il pas utopique ?
Absolument pas ! Il faut d’abord contextualiser. Les accidents de la route constituent une préoccupation majeure au Maroc, qui enregistre à peu près un taux de 11 décès pour 100.000 habitants. Un chiffre alarmant, notamment en raison de l’âge des victimes et du nombre de personnes handicapées touchées. C’est pour cela qu’à la veille de la 4ème Conférence ministérielle sur la sécurité routière, nous avons présenté un exposé devant le ministre du Transport et de la Logistique, lors de la 3ème Assemblée mondiale des jeunes pour la sécurité routière, qui vise «zéro décès» en accidents de la route. Un objectif difficile, mais il y a des expériences internationales réussies dans ce sens, notamment en Suède, premier pays à opter pour «Zéro mort». Si le Maroc, comparé à d’autres nations, affiche des indicateurs de gravité élevés en matière de motorisation et de taille du parc automobile, il est essentiel de mieux appréhender les défis de la sécurité routière, en particulier pour les jeunes. Mais ceci requiert une stratégie avec des lois plus strictes, une sensibilisation plus accrue et une implication sérieuse de la société civile, car elle est plus proche des citoyens.
- Lors de votre rencontre avec le ministre de tutelle, quels sont les engagements qui ont été formulés dans ce sens ?
Il a été très respectif et intrigué par la vision «Zéro décès». Il a dans ce sens affirmé que son département travaillera avec la NARSA pour formuler une feuille de route applicable sur le terrain. Il est vrai que l’engagement «zéro décès» est risqué, surtout politiquement, car à chaque sinistre, les yeux seraient virés sur la tutelle, mais il n’en demeure pas moins qu’il y a une volonté à prendre ce risque, car l’important c’est de sauver des vies en fin de compte.
- Que pourrait être l’apport des jeunes dans ce chantier de «sécurité routière» ?
L’engagement des jeunes dans les processus décisionnels apportera une nouvelle dynamique au développement, à la mise en place et à l’exécution des objectifs de sécurité routière. Leur implication peut jouer un rôle clé dans la sensibilisation des communautés et renforcer l’efficacité des actions gouvernementales en la matière. De plus, prendre en compte leurs perspectives contribuera à moderniser la gestion des infrastructures routières et à réduire le nombre d’accidents. L’intégration des jeunes dans la stratégie nationale de sécurité routière aura un impact significatif non seulement à l’échelle régionale, mais elle positionnera également le Maroc comme un pays valorisant et impliquant sa jeunesse dans l’ambition d’atteindre l’objectif «Zéro décès» dans les années à venir.
Recueillis par S. A.