En rétablissant ses relations avec Israël, le Maroc a également mis en branle une dynamique de collaboration dans le domaine archéologique. Premier fuit du travail conjoint entre les chercheurs marocains et israéliens, la fouille de la synagogue de Tamanart a livré, il y a quelques semaines, un nombre considérable d’objets et d’artefacts qui attestent de l’important enracinement de la communauté juive qui vivait jadis dans la région.
L’équipe qui a révélé ces découvertes est, entre autres, composée du Pr Saghir Mabrouk, enseignant-chercheur à l’Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine (INSAP), de Yuval Yekutieli et Orit Ouaknine, anthropologues affiliés à l’Université Ben Gurion en Israël, de David Goeury, géographe à la Sorbonne de Paris, et de Salima Naji, architecte et militante pour la préservation du patrimoine.
À l’origine de cette mission archéologique, une visite de prospection effectuée il y a plusieurs mois, qui a convaincu l’équipe de l’importance d’effectuer une fouille urgente au vu des menaces de détérioration que les intempéries faisaient peser sur le site.
Des milliers de fragments
« Nous avons demandé l’autorisation au ministère de la Culture afin de commencer les fouilles. Après quelques mois d’attente, nous avons enfin pu commencer en novembre 2021. Il y avait bien sûr les fragments de documents qui étaient éparpillés sur le sol de la synagogue en ruine, qui nous avaient initialement convaincus de la nécessité d’effectuer les recherches, mais le plus gros des découvertes était enfoui », nous explique Pr Saghir Mabrouk. C’est ainsi que les chercheurs ont pu récupérer, analyser et classer des milliers de fragments et d’objets de toutes sortes.
«Malheureusement, une partie des documents et du mobilier ont été pillés bien avant notre mission, car la synagogue était en ruine. Nous avons cependant réussi à récupérer beaucoup d’objets liturgiques, notamment des fragments de textes relatifs à la vie religieuse et quotidienne de la communauté juive qui vivait dans le Mellah. Certains fragments se présentent sous forme d’amulettes, avec des inscriptions en hébreux, mais également en arabe », relate l’archéologue.
Première étape accomplie
« Nous avons récupéré pratiquement 19 grands cartons remplis de fragments et d’objets divers. Après une première analyse, il s’est avéré que la datation des pièces que nous avons trouvées se situe entre les 16ème et 20ème siècles. La majorité des pièces datent cependant des 18ème et 19ème siècles », précise le chercheur qui souligne que la présence des communautés juives dans la région est beaucoup plus ancienne puisqu’elle remonte à plusieurs milliers d’années.
Après cette première étape de la campagne de recherche, les pièces archéologiques trouvées dans la synagogue de Tamanart ont été remises à la Direction régionale du ministère de la Culture de Souss-Massa qui les a stockées dans un complexe culturel à Ait Melloul. L’équipe de recherche prévoit de commencer une étape d’analyse approfondie de ces pièces en février prochain en ayant recours notamment à des technologies numériques avancées pour reconstituer et déchiffrer les fragments les plus abîmés. Un article scientifique sera également publié afin de livrer les conclusions et résultats du travail d’analyse.
La synagogue restaurée
En attendant, l’édifice de la synagogue a été restauré grâce à des travaux de consolidation des murs, de la toiture et de la porte principale. « La restauration de la synagogue fait partie de la mission. C’est pour cette raison que ce genre de campagne s’appelle fouille préventive. C’est-à-dire qu’on y procède à des fouilles, à la récupération, au classement, à la publication et à la restauration en même temps », commente l’enseignant-chercheur.
À ce stade, l’équipe pense encore trouver d’autres objets intéressants dans le même site, mais également dans des endroits annexes du Mellah. « Le travail va bien évidemment continuer à Tamanart, mais nous comptons également explorer d’autres zones, notamment à Ifrane dans l’Anti Atlas ou encore au niveau d’un Mellah très intéressant à Tahala dans la province de Tiznit. Notre ambition est aussi de pouvoir mener des prospections dans d’autres régions du Royaume, notamment dans la région de l’Oriental où subsistent encore plusieurs sites prometteurs », nous confie notre interlocuteur.
L’équipe qui a révélé ces découvertes est, entre autres, composée du Pr Saghir Mabrouk, enseignant-chercheur à l’Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine (INSAP), de Yuval Yekutieli et Orit Ouaknine, anthropologues affiliés à l’Université Ben Gurion en Israël, de David Goeury, géographe à la Sorbonne de Paris, et de Salima Naji, architecte et militante pour la préservation du patrimoine.
À l’origine de cette mission archéologique, une visite de prospection effectuée il y a plusieurs mois, qui a convaincu l’équipe de l’importance d’effectuer une fouille urgente au vu des menaces de détérioration que les intempéries faisaient peser sur le site.
Des milliers de fragments
« Nous avons demandé l’autorisation au ministère de la Culture afin de commencer les fouilles. Après quelques mois d’attente, nous avons enfin pu commencer en novembre 2021. Il y avait bien sûr les fragments de documents qui étaient éparpillés sur le sol de la synagogue en ruine, qui nous avaient initialement convaincus de la nécessité d’effectuer les recherches, mais le plus gros des découvertes était enfoui », nous explique Pr Saghir Mabrouk. C’est ainsi que les chercheurs ont pu récupérer, analyser et classer des milliers de fragments et d’objets de toutes sortes.
«Malheureusement, une partie des documents et du mobilier ont été pillés bien avant notre mission, car la synagogue était en ruine. Nous avons cependant réussi à récupérer beaucoup d’objets liturgiques, notamment des fragments de textes relatifs à la vie religieuse et quotidienne de la communauté juive qui vivait dans le Mellah. Certains fragments se présentent sous forme d’amulettes, avec des inscriptions en hébreux, mais également en arabe », relate l’archéologue.
Première étape accomplie
« Nous avons récupéré pratiquement 19 grands cartons remplis de fragments et d’objets divers. Après une première analyse, il s’est avéré que la datation des pièces que nous avons trouvées se situe entre les 16ème et 20ème siècles. La majorité des pièces datent cependant des 18ème et 19ème siècles », précise le chercheur qui souligne que la présence des communautés juives dans la région est beaucoup plus ancienne puisqu’elle remonte à plusieurs milliers d’années.
Après cette première étape de la campagne de recherche, les pièces archéologiques trouvées dans la synagogue de Tamanart ont été remises à la Direction régionale du ministère de la Culture de Souss-Massa qui les a stockées dans un complexe culturel à Ait Melloul. L’équipe de recherche prévoit de commencer une étape d’analyse approfondie de ces pièces en février prochain en ayant recours notamment à des technologies numériques avancées pour reconstituer et déchiffrer les fragments les plus abîmés. Un article scientifique sera également publié afin de livrer les conclusions et résultats du travail d’analyse.
La synagogue restaurée
En attendant, l’édifice de la synagogue a été restauré grâce à des travaux de consolidation des murs, de la toiture et de la porte principale. « La restauration de la synagogue fait partie de la mission. C’est pour cette raison que ce genre de campagne s’appelle fouille préventive. C’est-à-dire qu’on y procède à des fouilles, à la récupération, au classement, à la publication et à la restauration en même temps », commente l’enseignant-chercheur.
À ce stade, l’équipe pense encore trouver d’autres objets intéressants dans le même site, mais également dans des endroits annexes du Mellah. « Le travail va bien évidemment continuer à Tamanart, mais nous comptons également explorer d’autres zones, notamment à Ifrane dans l’Anti Atlas ou encore au niveau d’un Mellah très intéressant à Tahala dans la province de Tiznit. Notre ambition est aussi de pouvoir mener des prospections dans d’autres régions du Royaume, notamment dans la région de l’Oriental où subsistent encore plusieurs sites prometteurs », nous confie notre interlocuteur.
Oussama ABAOUSS
Repères
Les amulettes d’un autre temps
Selon les chercheurs, une des amulettes trouvées dans la synagogue de Tamanart était manifestement destinée à protéger une femme en travail et son nouveau-né. Une deuxième aurait été écrite pour protéger son propriétaire des ennuis et des maladies. Une autre amulette contenait des citations du livre de la Genèse et de la bénédiction sacerdotale. « Les textes de ces amulettes sont basés sur des formules trouvées dans le Livre de Raziel, un ancien livre kabbaliste », a expliqué au média israélien Haaretz l’archéologue Orit Ouaknine.
Les immolés de Tamanart
Dans son article sur les découvertes effectuées dans la synagogue de Tamanart, le média israélien Haaretz explique que le village est également connu pour un incident tragique qui s’y est produit en 1792, lorsque 50 membres de la communauté juive se sont jetés dans une fournaise ardente après que le dirigeant local les a obligés à choisir entre la conversion à l’islam et la mort par le feu. Depuis lors, ces 50 membres sont appelés «les immolés». Leurs cendres auraient été enterrées dans l’ancien cimetière local de Tamanart.
L'info...Graphie
Identité
Réhabilitation de la facette judaïque de l’identité marocaine
Le Maroc n’a pas attendu le rétablissement des relations avec Israël pour oeuvrer à la sauvegarde de son patrimoine judaïque. Depuis 2010, près de 170 sites funéraires juifs ont été réhabilités dans diverses régions du Royaume. Ces efforts se poursuivent actuellement dans le cadre d’un plan de réhabilitation de certains lieux de culte et sites sacrés de la religion juive au Maroc.
Ce plan prévoit par ailleurs la rénovation de centaines de synagogues, le rétablissement des noms juifs initiaux de certains quartiers historiques, et la réhabilitation de cimetières et de sites appartenant à la communauté juive du pays. À noter qu’avant 1948, entre 250.000 et 300.000 juifs vivaient au Maroc.
Malgré un départ en masse des familles juives marocaines vers Israël, entre autres, le Royaume continue à ce jour à abriter la plus grande communauté juive d’Afrique du Nord, avec environ 2200 personnes. La communauté juive marocaine la plus active est principalement située dans la ville de Casablanca.
Ce plan prévoit par ailleurs la rénovation de centaines de synagogues, le rétablissement des noms juifs initiaux de certains quartiers historiques, et la réhabilitation de cimetières et de sites appartenant à la communauté juive du pays. À noter qu’avant 1948, entre 250.000 et 300.000 juifs vivaient au Maroc.
Malgré un départ en masse des familles juives marocaines vers Israël, entre autres, le Royaume continue à ce jour à abriter la plus grande communauté juive d’Afrique du Nord, avec environ 2200 personnes. La communauté juive marocaine la plus active est principalement située dans la ville de Casablanca.
Tourisme
Vers une valorisation touristique des sites archéologiques inconnus ?
En plus de l’amélioration des connaissances relatives à la culture et aux populations judéo-marocaines qui ont vécu dans plusieurs régions du Maroc, les campagnes de fouilles et de restauration des anciens sites et monuments peuvent jouer un rôle prépondérant dans le développement de circuits touristiques dédiés.
Au-delà de la composante culturelle judéo-marocaine, plusieurs zones de notre pays font actuellement l’objet de fouilles archéologiques afin de mettre en lumière des sites et des artefacts datant de périodes historiques différentes. Si les sites emblématiques comme Lixus, Volubilis ou Chellah jouent déjà le rôle d’attractions-phares du tourisme culturel, les autres sites en cours d’étude peuvent renforcer le maillage de ces destinations historiques particulièrement appréciées par les touristes.
« Il existe dans notre pays plusieurs sites très intéressants du point de vue historique et archéologique, mais qui sont encore peu connus. Dans la région de Khénifra par exemple, il existe plusieurs villes médiévales extraordinaires. De même pour les régions de l’Oriental ou de Tata. Actuellement, la mise en place de circuits touristiques dédiés à ce genre de sites se fait progressivement. C’est le cas par exemple dans la région de Guelmim qui a récemment bénéficié de la mise en place d’un circuit touristique de ce genre. Une dynamique de valorisation est actuellement en place et le défi est de pouvoir répliquer les bonnes expériences dans d’autres régions du Royaume », estime Pr Saghir Mabrouk.
Au-delà de la composante culturelle judéo-marocaine, plusieurs zones de notre pays font actuellement l’objet de fouilles archéologiques afin de mettre en lumière des sites et des artefacts datant de périodes historiques différentes. Si les sites emblématiques comme Lixus, Volubilis ou Chellah jouent déjà le rôle d’attractions-phares du tourisme culturel, les autres sites en cours d’étude peuvent renforcer le maillage de ces destinations historiques particulièrement appréciées par les touristes.
« Il existe dans notre pays plusieurs sites très intéressants du point de vue historique et archéologique, mais qui sont encore peu connus. Dans la région de Khénifra par exemple, il existe plusieurs villes médiévales extraordinaires. De même pour les régions de l’Oriental ou de Tata. Actuellement, la mise en place de circuits touristiques dédiés à ce genre de sites se fait progressivement. C’est le cas par exemple dans la région de Guelmim qui a récemment bénéficié de la mise en place d’un circuit touristique de ce genre. Une dynamique de valorisation est actuellement en place et le défi est de pouvoir répliquer les bonnes expériences dans d’autres régions du Royaume », estime Pr Saghir Mabrouk.
3 questions à Saghir Mabrouk, archéologue
« Nous avons donc travaillé ensemble pendant plusieurs jours dans des conditions assez difficiles parce qu’il y avait des risques d’effondrement de l’édifice en ruine »
Enseignant chercheur à l’INSAP, spécialiste en archéologie médiévale et islamique, Pr Saghir Mabrouk répond à nos questions sur les conditions de la campagne de fouille à Tamanart.
- Dans quelles conditions avez-vous pu chercher et récupérer les objets découverts à Tamanart ?
- Après l’obtention de l’autorisation, il nous fallait travailler rapidement pour pouvoir récupérer un maximum d’objets afin d’éviter leur déperdition, à cause des intempéries notamment. Nous avons donc travaillé ensemble pendant plusieurs jours dans des conditions assez difficiles parce qu’il y avait des risques d’effondrement de l’édifice en ruine. L’engagement et la persévérance de chaque membre de l’équipe nous ont cependant permis de réussir cette première étape de la mission avec succès.
- Les habitants de la région se souviennent-ils de la communauté juive qui vivait à Tamanart à l’époque ?
- Dans le cadre de notre travail, nous effectuons des entretiens avec les habitants d’un certain âge qui se rappellent encore de la présence de la communauté juive marocaine. Il y a eu par ailleurs une scène extraordinaire, quand on était à Tamanart : des femmes marocaines très âgées sont spontanément venues à notre rencontre pour saluer les chercheurs juifs.
- Ont-elles livré leurs témoignages sur leur vécu avec les familles juives marocaines ?
- Les femmes âgées étaient nostalgiques des familles juives voisines qu’elles ont perdues. Elles gardent encore à ce jour en mémoire leurs noms, et les petites histoires de leurs vies communes. À un moment, elles ont enlacé Orit, qui est d’origine marocaine, et ont pleuré après avoir évoqué avec beaucoup de nostalgie les relations très fortes qu’elles avaient avec des familles juives qui ont quitté la région. C’était très émouvant mais compréhensible, car, à l’époque, les familles des deux religions vivaient ensemble dans le Mellah de Tamanart d’une manière fusionnelle.
Recueillis par O. A.