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Culture

Témoignage: Kacem Bellouchi, le médecin passionné de littérature


Rédigé par Abderrahman TENKOUL le Mercredi 12 Mai 2021



C’est au début des années 80 que j’ai connu le cardiologue et écrivain Kacem Bellouchi. Je le savais un peu fatigué et usé par la maladie, mais je ne pensais pas qu’il allait nous quitter de façon si brusque. Quatre choses tout au moins constituaient une source formidable de sa longévité : la cardiologie (quoique déjà en retraite depuis quelques années), la passion de l’écriture et de l’art, la générosité, la fidélité à l’amitié.

Toute cette alchimie faisait de lui un homme extrêmement attachant, tout à la fois discret et débordant d’une grande gentillesse. J’appréciais beaucoup chez lui son sens de l’humour et, tout particulièrement, sa défense quasi absolue des principes d’équité et d’égalité. Il avait horreur de l’abus de pouvoir et de tout ce qui va avec : corruption, népotisme et passe-droit. Humble, il détestait le luxe et les vernis du paraître social. Son livre, Portraits d’hommes politique du Maroc (publié aux éditions Afrique Orient), est très instructif à cet égard. Il nous offre une analyse des plus fines et des plus audacieuses tant des qualités de ceux qui ont servi avec loyauté le pays, que des basses manoeuvres de ceux qui se sont servis de ses richesses pour une exploitation encore plus féroce de ses hommes et de ses femmes.

Bellouchi n’avait pas seulement le courage de ses idées, mais aussi une certaine manière foncièrement singulière de les exprimer : tantôt avec verve et talent et tantôt à fleuret moucheté ou dans un style acide et percutant. Dans les quelques livres qu’il a publiés, il s’était appliqué à étudier notre société à travers le prisme de ses hommes de lettres, de ses acteurs politiques, de ses artistes, de ses leaders du sport… En observant méticuleusement les attitudes des uns et des autres, il s’était imposé, d’une part, comme un portraitiste hors pair et, d’autre part, comme un analyste des plus perspicaces de certaines questions, tout autant délicates qu’épineuses, de notre temps.

A le lire, on ne peut ne pas penser que le choix d’un tel registre d’écriture manifestait clairement sa volonté de ne pas être dans les sentiers battus. Ecrire relevait en effet pour lui d’un engagement qui ne se conçoit pas sans la recherche d’une vision et d’une esthétique qui lui est intrinsèque. Ainsi, pourrait-on dire aujourd’hui, qu’il n’écrivait pas seulement pour le plaisir. Ce qui le préoccupait en tout premier lieu, c’était de s’efforcer de pointer de nouveaux modes de questionnement des rouages sociopolitiques et de compréhension de l’imaginaire qui en est le fondement. Mieux, il voulait en quelque sorte mener un travail de longue haleine très peu abordé : sonder l’inconscient collectif de notre société. Avec son départ, le champ intellectuel du pays perd sans nul doute un décrypteur exceptionnel qu’il importe de redécouvrir.



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