Pierre angulaire du chantier stratégique de renforcement de la sécurité hydrique du Royaume, les projets de transfert de l’eau se poursuivent après le succès remarquable de la tranche prioritaire qui a permis de raccorder le barrage de garde au niveau du bassin hydraulique du Sebou au barrage Sidi Mohammed Ben Abdellah (SMBA) situé dans le bassin hydraulique du Bouregreg. Cette première étape permet déjà d’assurer une partie substantielle de l’approvisionnement en eau potable de Rabat et sa région. Ainsi, le transfert de l’eau sur une distance de 67 kilomètres permet désormais d’acheminer un débit quotidien qui avoisine un million de mètres cubes d’eau vers le barrage de SMBA, pour un total qui dépasse les 400 millions de m³ depuis l’entrée en service de cette infrastructure en septembre 2023. « L’objectif actuel est d’augmenter le débit de transfert pour passer de 15m³/s (mètres cubes par seconde) à 45m³/s », nous explique M. Abdelaziz Zerouali, directeur de la recherche et de la planification de l’eau au ministère de l’Équipement et de l’Eau.
De l’eau pour Casablanca
La sécurité hydrique de la capitale économique du Royaume est également en phase d’être renforcée grâce au transfert de l’eau à partir de la station de dessalement - mise en place par le groupe Office Chérifien des Phosphates (OCP) - à Jorf Lasfar vers la station de traitement de Daourat. Cette infrastructure de transfert se décline sous la forme d’une canalisation de 54 kilomètres de long et de 1.600 mm de diamètre qui transportera l’eau dessalée, en plus d’une conduite de raccordement entre les stations de traitement Daourat et Seoer d’une longueur de 11,4 kilomètres et d’un diamètre de 800 mm. « Actuellement, les travaux de ce projet sont achevés puisque la conduite et la station de pompage sont pratiquement prêtes. Nous finalisons en ce moment les dernières opérations de rinçage de la conduite et nous espérons que, dans quelques semaines, le transfert de l’eau débutera et couvrira une partie des besoins en eau potable de la ville de Casablanca », poursuit notre interlocuteur.
De l’eau pour Tanger
La région du Tangérois est également sur le point de voir sa sécurité hydrique renforcée pour chasser définitivement le spectre du déficit en eau potable, dont l’une des tristes illustrations a eu lieu en 1995 lorsqu’il a fallu en venir à alimenter la ville et sa région à raison de bateaux chargés d’eau potable en provenance de Jorf Lasfar. En attendant la finalisation de l’usine de dessalement de l’eau de mer prévue dans la région, les travaux de raccordement du barrage Lakhrofa au barrage Oued El Makhazine vont également bon train. « Nous sommes actuellement à 52% d’avancement des travaux pour ce raccordement important réalisé par une équipe 100% marocaine, sachant que les lots qui demandent le plus de temps, notamment ceux relatifs aux équipements électromécaniques, sont pratiquement à 90% de réalisation », souligne le directeur de la recherche et de la planification de l’eau, qui prévoit une mise en œuvre avant la fin de l’année en cours et pouvoir ainsi acheminer près de 100 millions de mètres cubes par an.
Projets complémentaires
Ainsi, sous la conduite éclairée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le Maroc poursuit la mise en œuvre des chantiers stratégiques pour assurer un approvisionnement stable en eau potable pour l’ensemble de la population, tout en satisfaisant les besoins en irrigation. Des milliers de chevilles ouvrières s’y attellent au quotidien, dans une approche à multiples facettes dans le cadre d’une planification bien établie. A noter que les projets de transfert d’eau, notamment à partir des bassins excédentaires vers les bassins déficitaires, se compléteront avec la mise en place d’autres infrastructures dédiées aux eaux non-conventionnelles. C’est le cas notamment des stations de dessalement d’eau de mer, dont 9 nouvelles sont prévues pour une capacité globale de 202 millions de m³/an au profit de la population de plusieurs villes, en plus du lancement des travaux de 6 stations de dessalement pour une capacité globale de 360 millions de m³/an pour sécuriser principalement l’alimentation en eau au niveau de Casablanca, Settat, Berrechid, entre autres.
3 questions à Abdelaziz Zerouali : « Les études doivent composer avec des contraintes complexes, notamment celles liées à l’optimisation et à la topographie »
Directeur de la Recherche et de la Planification de l’eau, relevant du ministère de l’Équipement et de l’Eau, M. Abdelaziz Zerouali répond à nos questions.
- La capacité du barrage Oued El Makhazine permet-elle de prélever ces volumes et de les transférer?
C’est effectivement le cas.Il s’agit d’un barrage qui fournit déjà de l’eau potable pour quelques agglomérations (Larache, Ouazzane, et d’autres centres ruraux), en plus d’un volume qui est dédié à l’irrigation. Cela dit, on constate qu’une partie importante de l’eau (une moyenne de 140 millions de m³ par an) qui provient du barrage El Makhazine continue son chemin vers l’océan. C’est pour cela d’ailleurs qu’un autre barrage est prévu en amont de Oued El Makhazine afin de tirer le meilleur profit de cette ressource hydrique, notamment à travers le transfert d’eau depuis Oued Laou vers Loukkos, puis de Loukkos vers Sebou comme annoncé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’Assiste.
- Quel est le projet qui devrait compléter le transfert initié entre le Sebou et le Bouregreg ?
Le transfert entre le Sebou et le Bouregreg devrait être complété par un projet tout aussi important, à savoir le raccordement du barrage SMBA au barrage Al Massira (pour un débit de 30 m³/s). Concernant cette tranche en particulier, les études sont en cours de finalisation, sachant qu’il s’agit d’études qui doivent composer avec des contraintes complexes, notamment celles liées à l’optimisation et à la topographie. Nous avons toutefois pratiquement figé le tracé, et nous sommes actuellement en train de faire les travaux de reconnaissance.En principe, l’étude sera prête vers le mois de mars prochain.
- Quelle est la phase qui devrait suivre cette dynamique à terme ?
La phase suivante consiste à transférer l’eau depuis Oued Laou vers Oued Loukkos, puis depuis Oued Loukkos vers Sebou. Il s’agit de la deuxième phase pour compléter le projet de transfert à partir de la région Nord vers le barrage Al Massira au centre du pays. Pour cela, nous disposons d’études qu’il faut d’abord actualiser. Là encore, la géologie et la topographie de la région sont des défis à relever, notamment les charriages importants, puisqu’il ne s’agit pas de terrains plats, contrairement au projet liant le barrage de SMBA vers Al Massira par exemple. La finalisation des études devra prendre un peu plus de temps, mais les défis seront relevés dans les règles de l’art et dans les meilleurs délais.
Infrastructures : Une meilleure solidarité entre les bassins hydrauliques
Projet stratégique par excellence, le vaste chantier d’interconnexion des bassins de Sebou, Bouregreg, Oum Er Rbia et Tensift vise à assurer une souplesse et une meilleure gestion intégrée des ouvrages hydrauliques et renforcer la robustesse des systèmes hydrauliques face au changement climatique. Nécessitant un investissement estimé entre 3 et 5.4 milliards de dirhams, ce projet permettra également de mieux valoriser les ressources hydriques en sécurisant l’approvisionnement en eau potable de la zone côtière Rabat-El Jadida et du Grand Marrakech et réduire ainsi le déficit en eau structurel enregistré notamment dans les périmètres irrigués des Doukkala et du Haouz Central-N’fis. La première phase, achevée le 28 août 2023, a permis d’interconnecter le barrage de garde du Sebou au barrage Sidi Mohammed Ben Abdellah au niveau du bassin de Bouregreg. La deuxième phase permettra pour sa part d’assurer l’interconnexion du barrage Sidi Mohammed Ben Abdellah et du barrage Imfout au niveau du bassin Oum Er Rbia.
Margines : Lutter contre la pollution pour réussir les projets de transfert de l’eau
Pour la réussite des projets de transfert de l’eau, la lutte contre la pollution est un défi majeur à relever. Un projet de délocalisation des unités des huileries du Sebou vers Aïn Baida a été lancé en 2022, sous la supervision de la régie d’eau de Fès, afin de limiter les rejets de margines. En attendant son achèvement, des solutions ont été déployées pour réduire la pollution dans les provinces de Taounate, Ouazzane et Fès. Pour sa part, l’Agence du Bassin Hydraulique de l’Oum Er-Rbia (ABHOR) déploie plusieurs activités pour lutter contre la pollution causée par les rejets de margines. L’agence mène chaque année, « en coordination avec divers acteurs, des campagnes de sensibilisation autour des dangers liés aux déchets des huileries et des mesures concrètes pour y remédier. Ces campagnes se déroulent dans les provinces relevant de sa zone d’action », souligne un récent communiqué. Parmi les solutions proposées figurent « l’installation de bassins imperméables dans les huileries pour l’évaporation des margines et le traitement des résidus d’olives ». En parallèle, l’agence soutient activement les initiatives de gestion des déchets en offrant un accompagnement technique et en participant au financement de certaines stations de traitement, dans le cadre de conventions de partenariat. À noter que les propriétaires d’huileries risquent des sanctions sévères en vertu de la Loi sur l’eau 36-15 s’ils persistent à polluer les ressources en eau avec leurs déchets, avec des amendes comprises entre 10.000 et 500.000 dirhams.