Le séisme le plus intense que le Royaume ait connu a frappé plusieurs régions le 8 septembre à 23h11. Une catastrophe majeure qui peut surprendre puisque notre pays n’est pas recensé parmi les territoires connus pour leurs activités sismiques intenses. Le rapport final de l’Institut National de Géophysique (ING), affilié au Centre national de recherche scientifique (CNRS) de Rabat, évoque un séisme d’une magnitude de 7.2 degrés. « La secousse, dont l’épicentre a été situé dans la commune d’Ighil, à 80 km au Sud-Ouest de Marrakech, a été ressentie dans plusieurs villes marocaines, dans un rayon de plus de 400 km autour de son épicentre », a par ailleurs commenté Nacer Jabour, chef de division à l'Institut National de Géophysique (ING). « Pour connaître l’intensité et la localisation d’un séisme, le Maroc dispose d’un certain nombre de géophones à l’échelle nationale, qui sont implantés dans le sol, géoréférencés, et qui transmettent toutes les données de vibration du sol de façon instantanée », explique pour sa part Mohammed Kalai Tlemcani, géophysicien séismologue.
Des données à analyser
C’est à travers ce réseau que l’Institut National de Géophysique a déterminé l’épicentre du séisme à une profondeur de 10.7 Km au niveau de la latitude 30.9896 et de la longitude -8.4140. « Le Maroc est traversé par un certain nombre de failles qui sont bien recensées. On peut en dénombrer quelques-unes qui sont considérées comme majeures et qui représentent le contact entre le Haut Atlas, le Moyen Atlas et l’Anti Atlas. Ce sont des failles bordières dont l’une est la faille sud-atlasique qui part d’Agadir et se prolonge dans la partie orientale jusqu’en Algérie et en Tunisie », poursuit notre interlocuteur. A ce stade, plusieurs informations circulent dans les réseaux sociaux et dans la presse internationale concernant la faille active concernée. « Il est certain que seul le CNRS marocain dispose des données nécessaires pour se prononcer de manière précise. Il y aura certainement une analyse approfondie des données afin de répondre aux diverses questions », précise Mohammed Kalai Tlemcani.
Quid d’autres secousses ?
« Lorsqu’un séisme se produit, soit il advient au niveau d’une faille que l’on connaît, qui est active et bien recensée, soit il s’agit d’une nouvelle faille qui est par la suite cartographiée et recensée. Cela dit, je pense que le séisme est probablement lié à la faille sud-atlasique. La même qui a provoqué le séisme d’Agadir et qui n’est pas sous forme d’une seule ligne, mais d’un réseau de petites failles qui communiquent entre elles », explique le géophysicien séismologue. Actuellement, une large partie du grand public se pose la question de la possibilité d’occurrence d’autres secousses majeures. « Tout séisme est suivi d’un certain nombre de répliques. Le premier mouvement déséquilibre la croûte terrestre, et les répliques sont justement là pour rétablir cet équilibre. D’après tous les séismes qui se sont produits à l’échelle mondiale depuis l’aube des temps, ces répliques sont avec des intensités de moins en moins importantes », tient à rassurer la même source.
Est-ce prévisible ?
Les réseaux sociaux véhiculent par ailleurs un certain nombre de « fake news », dont l’une spécule sur la possibilité que des indices auraient permis de prévoir le séisme à l’avance. Une assertion vite balayée par Mohammed KalaiTlemcani : « C’est se leurrer que de penser qu’il y ait quelqu’un capable de prévoir un séisme bien à l’avance. À ma connaissance, l’évolution des techniques et des technologies ne permet pas encore de prédire un tremblement de terre. Il existe des moyens permettant d’anticiper un événement de ce genre quelques minutes le temps de génération de l’onde de choc, mais c’est très court pour pouvoir prévenir », souligne le géotechnicien séismologue. Alors que les missions de recherche des survivants se poursuivent toujours à l’écriture de ces lignes, si les données disponibles actuellement ne permettent pas encore de faire l’analyse détaillée et approfondie des causes du récent séisme, il n’en demeure pas moins certain que le réseau instrumental déployé par les séismologues marocains n’a jamais enregistré un tel niveau de sévérité sismique.
3 questions à Ali Irizi
Enseignant à l’Ecole Nationale d’Architecture d’Agadir, Ali Irizi répond à nos questions concernant la résistance des édifices aux séismes, notamment ceux qui sont construits en terre.
Quelle est votre perspective d’architecte concernant les dégâts qui ont été engendrés par le séisme ?
- Il est certain que le tremblement de terre a causé des dommages importants, surtout au niveau des anciennes constructions, notamment dans les zones rurales. Cela dit, il est indéniable qu’il existe une lueur d’espoir et des points que nous pouvons considérer comme positifs puisque les agglomérations les plus denses et où se trouvent des constructions en hauteur n’ont pas connu d’effondrements catastrophiques. Cela confirme que les efforts qui ont été déployés depuis les années 60 afin de consacrer des normes de construction parasismique ont globalement donné leurs fruits. Il n’en demeure pas moins que ce tremblement de terre a montré la vulnérabilité de certaines constructions en milieu rural. Pas parce que la construction avec les matériaux locaux (pisé notamment) est en soit fragile, mais parce que les savoir-faire en termes de construction et d’entretien régulier n’ont pas été respectés.
Donc, les constructions en terre peuvent résister aux séismes si elles sont bien réalisées et bien entretenues ?
- Certainement ! La preuve en est que certaines constructions en terre situées au cœur de l’épicentre du séisme ont résisté de manière remarquable au tremblement de terre. Le savoir-faire ancestral lié à la construction en pisé intègre une multitude de règles techniques qui garantissent une excellente solidité des constructions. Hélas ! Ces savoir-faire ne sont pas systématiquement respectés pour plusieurs raisons. Il en va de même pour les normes de constructions parasismiques appliquées aux constructions en terre. Ces normes existent et doivent théoriquement être consacrées, mais les réalités inhérentes au monde rural font qu’il est souvent difficile de contrôler toutes les constructions afin d’éviter l’édification anarchique.
De quelle manière est-il possible d’assurer que les constructions dans le rural s’alignent aux bonnes pratiques parasismiques ?
- Je pense qu’il est plus que nécessaire de mettre en place une dynamique de mise à niveau qui doit s’adapter aux différents contextes que nous pouvons trouver dans le milieu rural. Un travail de ce genre demandera du temps et des moyens, mais je suis certain qu’un bon nombre d’architectes et d’experts seront prêts à contribuer à ce chantier, même de manière bénévole, car il en va de la sécurité de nos concitoyens et de la sauvegarde de notre patrimoine architectural. L’erreur serait de choisir une solution de facilité en interdisant ou en limitant la construction en terre, car le vrai problème ne réside pas dans cette technique elle-même, mais plutôt dans les moyens de l’appliquer et de la maintenir. Nos ancêtres ont construit des édifices qui ont pu traverser les siècles tout en étant les mieux adaptés à l’environnement local. Il est temps de rendre justice à ces techniques ancestrales en ressuscitant la rigueur de ses savoir-faire, tout en intégrant les normes du règlement parasismiques appliquées à la construction en terre.
- Il est certain que le tremblement de terre a causé des dommages importants, surtout au niveau des anciennes constructions, notamment dans les zones rurales. Cela dit, il est indéniable qu’il existe une lueur d’espoir et des points que nous pouvons considérer comme positifs puisque les agglomérations les plus denses et où se trouvent des constructions en hauteur n’ont pas connu d’effondrements catastrophiques. Cela confirme que les efforts qui ont été déployés depuis les années 60 afin de consacrer des normes de construction parasismique ont globalement donné leurs fruits. Il n’en demeure pas moins que ce tremblement de terre a montré la vulnérabilité de certaines constructions en milieu rural. Pas parce que la construction avec les matériaux locaux (pisé notamment) est en soit fragile, mais parce que les savoir-faire en termes de construction et d’entretien régulier n’ont pas été respectés.
Donc, les constructions en terre peuvent résister aux séismes si elles sont bien réalisées et bien entretenues ?
- Certainement ! La preuve en est que certaines constructions en terre situées au cœur de l’épicentre du séisme ont résisté de manière remarquable au tremblement de terre. Le savoir-faire ancestral lié à la construction en pisé intègre une multitude de règles techniques qui garantissent une excellente solidité des constructions. Hélas ! Ces savoir-faire ne sont pas systématiquement respectés pour plusieurs raisons. Il en va de même pour les normes de constructions parasismiques appliquées aux constructions en terre. Ces normes existent et doivent théoriquement être consacrées, mais les réalités inhérentes au monde rural font qu’il est souvent difficile de contrôler toutes les constructions afin d’éviter l’édification anarchique.
De quelle manière est-il possible d’assurer que les constructions dans le rural s’alignent aux bonnes pratiques parasismiques ?
- Je pense qu’il est plus que nécessaire de mettre en place une dynamique de mise à niveau qui doit s’adapter aux différents contextes que nous pouvons trouver dans le milieu rural. Un travail de ce genre demandera du temps et des moyens, mais je suis certain qu’un bon nombre d’architectes et d’experts seront prêts à contribuer à ce chantier, même de manière bénévole, car il en va de la sécurité de nos concitoyens et de la sauvegarde de notre patrimoine architectural. L’erreur serait de choisir une solution de facilité en interdisant ou en limitant la construction en terre, car le vrai problème ne réside pas dans cette technique elle-même, mais plutôt dans les moyens de l’appliquer et de la maintenir. Nos ancêtres ont construit des édifices qui ont pu traverser les siècles tout en étant les mieux adaptés à l’environnement local. Il est temps de rendre justice à ces techniques ancestrales en ressuscitant la rigueur de ses savoir-faire, tout en intégrant les normes du règlement parasismiques appliquées à la construction en terre.
Monde : Un puzzle de 53 plaques tectoniques en constant déplacement
Certaines zones du monde sont beaucoup plus exposées que d'autres à la survenue de tremblements de terre. L'explication est principalement due au fait qu'elles se trouvent sur les failles des plaques tectoniques. Ainsi, la planète Terre est composée d’un large jeu de 53 plaques tectoniques qui sont loin d’être immobiles puisqu’elles sont marquées par des déplacements incessants, à travers une dynamique de lentes déformations, dont les heurts et frottements sont à l’origine des séismes. Entre 1990 et 2022, l'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique (NOAA) a enregistré 58 séismes, dont quatre d'une magnitude de sept ou plus. En tête de ce classement, on trouve deux pays asiatiques, la Chine (182) et l'Indonésie (162). L'Iran fait également partie des pays ayant enregistré le plus grand nombre de tremblements de terre (108), comme le montre notre graphique basé sur les données de la NOAA. En Europe, l'Italie fait partie des régions les plus exposées avec 23 secousses sismiques.
Réglementation : Vers une unification de l’approche et du zonage sismique ?
Après le séisme d’Agadir du 29 février 1960, il a fallu attendre quarante ans avant qu’une véritable réglementation sismique officielle ne voie le jour au Maroc. Ainsi, le premier « règlement de construction parasismique » (RPS) a été officiellement diffusé en 2000, puis révisé dix ans plus tard avant qu’il ne soit officiellement diffusé en 2011. Si cette version du RPS s’applique uniquement aux bâtiments, un autre texte officiel a été diffusé durant la même année pour s’appliquer aux constructions en terre.
Les ouvrages d’art (ponts, viaducs, tunnels, etc.) quant à eux sont couverts par un autre guide de zonage sismique basé sur la réglementation européenne. Diffusé en 2007, ce guide prévoit un zonage sismique légèrement différent de celui établi par le RPS. À l’avènement du séisme violant d’Al-Haouz, les études disponibles de l’aléa sismique devraient manifestement être révisées. Les trois règlements nécessitent une unification de l’approche et du zonage sismique. L’exemple qui peut illustrer le résultat d’une démarche de ce genre est « l’Eurocode 8 » qui est le texte applicable (en Europe) pour le calcul des structures aux séismes. Ce texte fournit les règles de construction parasismique aussi bien pour les bâtiments que pour les ouvrages de génie civil.
À la différence du RPS, il détaille de façon approfondie les catégories des ouvrages en fonction de leur importance. Il traite également des aspects techniques de manière scientifiquement rigoureuse tels que l’aléa de la liquéfaction qui peut concerner les sols granulaires que l’on retrouve particulièrement à Rabat ou à Tanger.
Les ouvrages d’art (ponts, viaducs, tunnels, etc.) quant à eux sont couverts par un autre guide de zonage sismique basé sur la réglementation européenne. Diffusé en 2007, ce guide prévoit un zonage sismique légèrement différent de celui établi par le RPS. À l’avènement du séisme violant d’Al-Haouz, les études disponibles de l’aléa sismique devraient manifestement être révisées. Les trois règlements nécessitent une unification de l’approche et du zonage sismique. L’exemple qui peut illustrer le résultat d’une démarche de ce genre est « l’Eurocode 8 » qui est le texte applicable (en Europe) pour le calcul des structures aux séismes. Ce texte fournit les règles de construction parasismique aussi bien pour les bâtiments que pour les ouvrages de génie civil.
À la différence du RPS, il détaille de façon approfondie les catégories des ouvrages en fonction de leur importance. Il traite également des aspects techniques de manière scientifiquement rigoureuse tels que l’aléa de la liquéfaction qui peut concerner les sols granulaires que l’on retrouve particulièrement à Rabat ou à Tanger.