L'Opinion Maroc - Actuali
Consulter
GRATUITEMENT
notre journal
facebook
twitter
youtube
linkedin
instagram
search



Actu Maroc

Un couple kurdo-syrien mort lors de sa traversée de Nador à Melilla en jet ski


Jeudi 17 Septembre 2020

Kozal et Mala Hussein, un jeune couple kurdo-syrien s’est noyé lors de sa traversée de Nador aux îles Chafarinas à bord d’un jet ski. Selon les informations diffusées par les médias espagnols, le conducteur du jet ski, d’origine marocaine, leur a garanti qu'il les emmènerait de Nador à Melilla, mais, les a jetés avant d'atteindre les îles.



Des proches et des travailleurs du cimetière de Melilla prient devant le corps de Kozal Ahmad. ©️ ANTONIO RUIZ, El Pais
Des proches et des travailleurs du cimetière de Melilla prient devant le corps de Kozal Ahmad. ©️ ANTONIO RUIZ, El Pais
Ni Kozal, âgée de 28 ans, ni son mari, âgé 37 ans, ne savaient nager. Le couple n'avait pas envisagé de prendre la mer, mais était contraint de le faire. Leur voyage depuis la côte de Nador a été enregistré, le 30 août à 17h30, par les caméras du détachement militaire espagnol. Celles-ci ont repéré l’entrée de la moto, a deux milles marins de la côte marocaine, alors qu’elle faisait le tour de l’île du Roi, la plus orientale des trois îles de l’archipel. Trois personnes voyageaient à bord. Quelques minutes plus tard, la moto réapparaît à l’écran, avec seul le pilote aux commandes. Ensuite, le corps d’une femme est vu flottant dans les vagues.

«Le trafiquant les a dupés», s’indigne Hoshman Nassan, le frère aîné de Mala Hussein, un Kurdo-syrien originaire de Kobane (Syrie) et réfugié en Allemagne depuis cinq ans. «Il leur a dit qu'il les emmènerait de Nador à Melilla et les a jetés avant d'atteindre les îles. Il s'est retourné et est parti ». «Quand il était au Maroc, nous lui parlions et il nous disait qu'il attendait de passer le poste frontière à Beni Ensar», se souvient Hoshman Nassan. «Nous lui avons dit: ne risquez pas, ne partez pas par mer, et il a lui-même dit non», ajoute-t-il.

Le corps d'un homme échoué sur la plage de San Lorenzo, l'une des plus fréquentées de Melilla, a été ramassé. Hoshman attend un appel pour identifier son frère. Il a déjà fait de même avec le corps de sa belle-sœur, dont le passeport a été retrouvé dans un sac. Cependant, une orthodontie révèle que le naufragé noyé n'est pas son frère.

La fermeture, imposée par la pandémie, de la frontière entre Melilla et le Maroc a rendu impossible l'accès des demandeurs d'asile au bureau de protection internationale, situé à côté du passage de Beni Ensar, par voie terrestre. La mer est la seule alternative pour de nombreuses personnes qui sont venues à Nador avec l'intention d'atteindre l’Espagne. Seulement neuf personnes ont pu accéder cette année, à la ville de Melilla en nageant, en jet ski ou en bateau. Ceci représente 97% de moins qu’en 2019.

Kozal et Mala n'avaient pas d'enfants. Ils espéraient rejoindre l'Espagne, puis se rendre en Allemagne, où vit le reste de leur famille, qui a quitté Kobane en 2015 après avoir combattu les djihadistes de l'État islamique. Ils sont entrés au Maroc depuis l'Algérie en janvier et ont tenté, sans succès, de traverser la frontière. En mars, ils ont été confinés. Profitant de la fin de l'été, ils ont payé 3 500 euros chacun pour en repartir par la mer, malgré les avertissements.

Au milieu d'un café, trois jours après son arrivée à Melilla, un coup de téléphone interrompt la conversation de Hoshman. La Garde civile l'informe qu'ils ont trouvé un corps à la dérive près des îles. Joma, d'origine kurde vivant à Séville, accompagne Hoshman et l'aide en tant que traducteur à faire face à la bureaucratie. Il décrit les vêtements que Mala portait sur le jet ski : «Short gris et chemise à manches courtes ».

L'entretien initial se transforme en un va-et-vient d'appels à ceux qui sont encore au Maroc et qui ont connu le couple, à ceux qui attendent des nouvelles en Allemagne et à ceux qui tentent d'organiser le rapatriement des corps en Syrie.

Quelques heures plus tard, les doutes seront dissipés: le corps retrouvé près des Chafarinas est celui de Mala Hussein. Malgré les réticences de leur environnement, le couple est enterré au cimetière musulman de Melilla, deux semaines après avoir quitté Nador. Les corps étaient en si mauvais état qu'ils ne pouvaient pas être rapatriés dans leur pays d'origine. Joma, le traducteur, se lamente: «Ils n'ont survécu à la guerre que pour mourir de ne pas savoir nager».