Long cou, bec cornu et large envergure, la silhouette du charognard-volant tournoi, guettant le faible,le malade et le mourant. Annonciateur de la mort imminente, il attend patiemment le trépas pour fondre sur la carcasse, déchiqueter les peaux et plonger dans les viscères. Souvent symbole du vil et de l’opportuniste, le vautour - comme bon nombre de bêtes - n’est pourtant pas aussi néfaste que les humains qui lui sont régulièrement comparés. « L’image des vautours n’a pas toujours été reluisante. Pourtant, rien ne justifie ce désamour puisque cette famille de grands rapaces est inoffensive pour les humains, et même pour les animaux vivants et en bonne santé. Le vautour n’est pas doté pour la chasse, mais sa morphologie et son régime exclusivement charognard lui permettent de jouer le rôle de nettoyeur efficace de la nature », précise Rachid El Khamlichi, président de l'Association Marocaine de Protection des Oiseaux et de la Vie Sauvage (AMPOVIS).
Agent de santé publique
Ces charognards volants sont actuellement le sujet principal de plusieurs campagnes de vulgarisation à travers le monde. « Cette Journée mondiale est une occasion justement pour mettre en avant le rôle écologique des vautours ainsi que les services qu’ils rendent. Dans un monde sans vautours, les carcasses d’animaux morts se décomposeraient pendant un long moment à l’air libre, ce qui constitue un risque sanitaire considérable de transmission de maladies et de pollution de l’environnement. Grâce à leurs capacités de vol et de détection des cadavres, les vautours nettoient les milieux naturels des carcasses et évitent ainsi des risques sanitaires aux humains et aux animaux », explique le naturaliste. Les effectifs des différentes espèces de vautours qui vivaient au Maroc ont cependant drastiquement chuté durant le siècle dernier à cause de la multiplicité de menaces auxquelles elles continuent à faire face.
Les vautours menacés
« Les vautours sont menacés par plusieurs facteurs. On peut citer les risques d’électrocution qui sont surtout valables pour les pylônes de moyenne tension. Il y a également les éoliennes mal placées qui se trouvent par exemple au cœur d’un couloir de migration et dont les palettes en mouvement tuent régulièrement des vautours de passage », énumère Rachid El Khamlichi. Si ces menaces semblent liées à l’utilisation de technologies, d’autres facteurs de risques plus « anciens » restent encore d’actualité. « On peut également évoquer la dégradation des habitats et des sites potentiels de nidification, ou encore la persécution qui peut prendre plusieurs formes et qui est souvent liée à une méconnaissance de cette famille d’espèces », poursuit notre interlocuteur. C’est ainsi que les espèces sédentaires de vautours se sont retrouvées au bord de l’extinction. C’est notamment le cas de l’impressionnant gypaète barbu dont l’observation est un grand sésame dans le milieu des ornithologues, ou encore le vautour percnoptère classé « en danger » par l’Union Internationale de Conservation de la Nature (UICN).
Les efforts de conservation
Il n’en demeure par moins que ces dernières années ont été marquées par plusieurs bonnes nouvelles concernant les vautours au Maroc. « Durant des années, nous avions remarqué que les vautours en migration vers l’Europe étaient parfois bloqués à Jbel Moussa (lorsque les conditions météorologiques n’étaient pas favorables) et étaient obligés de prendre des risques pour se nourrir, que ce soit en se déplaçant vers des zones à éoliennes ou vers des décharges. Nous avons donc initié en 2017 un projet de nourrissage à travers des cadavres, notamment de sangliers, pour les maintenir en place », raconte le naturaliste. Depuis, le projet, appuyé par l’Agence Nationale des Eaux et Forêts (ANEF), a permis de dépasser les objectifs assignés. « Nous avons constaté avec bonheur que plusieurs vautours fauves ont commencé à nidifier dans la zone. En février 2023, nous avons constaté une première reproduction à l’état sauvage. C’est la première depuis plus de quarante ans ! », se réjouit Rachid El Khamlichi. Durant ce mois d’août 2023, l’oisillon (qui est devenu un juvénile) a pris son premier envol. Les naturalistes de l’AMPOVIS s’attendent à ce que d’autres lui succèdent durant les prochaines saisons.
3 questions à Rachid El Khamlichi « L’image d’un vautour qui enlève un bébé ou un agneau vivant n’est qu’un mythe »
Ornithologue et naturaliste passionné, Rachid El Khamlichi est également président de l'Association Marocaine de Protection des Oiseaux et de la Vie Sauvage (AMPOVIS). Il répond à nos questions.
Les vautours peuvent-ils être opportunistes et s’attaquer à des animaux vivants ?
- Non, jamais. D’autres rapaces peuvent être qualifiés d’opportunistes, mais ce n’est pas le cas des vautours. Nous avons fait une expérience à Jbel Moussa et avons constaté que les vautours ne s’attaquaient jamais à des poussins (de poulet) même s’ils en avaient l’occasion. Les vautours se nourrissent de cadavres ou d’animaux qui sont agonisants. C’est-à-dire blessés ou immobilisés par une maladie ou par une extrême fatigue. L’image d’un vautour qui enlève un bébé ou un agneau vivant n’est qu’un mythe.
Aviez-vous pour objectif, lorsque vous aviez débuté votre projet de nourrissage des vautours, que certains d’entre eux finissent par nidifier sur site ?
- Non, ce résultat a dépassé nos attentes et objectifs initiaux. Au début, il était simplement question de protéger les vautours qui attendaient pendant plusieurs jours que les conditions météorologiques soient favorables avant de traverser le détroit. En leur fournissant des carcasses, nous pouvions éviter de les voir se hasarder à chercher de quoi manger dans des zones risquées comme les décharges ou les sites des parcs éoliens. Force est de constater que notre projet a permis de réunir les conditions nécessaires pour que 4 couples de vautours fauves nidifient sur site et qu’un de ces couples réussisse à se reproduire.
C’est un résultat qui a été relayé dans plusieurs sphères scientifiques et ornithologiques…
- En effet, et nous en sommes ravis. Cela dit, il faut souligner que c’est le fruit d’un travail collectif et constructif. Je tiens à cet effet à remercier les partenaires sans lesquels ce projet n’aurait certainement pas abouti, en l’occurrence l’Agence Nationale des Eaux et Forêts, la population locale, le ministère de l’Intérieur, Les Forces Armées Royales et la Gendarmerie Royale.
- Non, jamais. D’autres rapaces peuvent être qualifiés d’opportunistes, mais ce n’est pas le cas des vautours. Nous avons fait une expérience à Jbel Moussa et avons constaté que les vautours ne s’attaquaient jamais à des poussins (de poulet) même s’ils en avaient l’occasion. Les vautours se nourrissent de cadavres ou d’animaux qui sont agonisants. C’est-à-dire blessés ou immobilisés par une maladie ou par une extrême fatigue. L’image d’un vautour qui enlève un bébé ou un agneau vivant n’est qu’un mythe.
Aviez-vous pour objectif, lorsque vous aviez débuté votre projet de nourrissage des vautours, que certains d’entre eux finissent par nidifier sur site ?
- Non, ce résultat a dépassé nos attentes et objectifs initiaux. Au début, il était simplement question de protéger les vautours qui attendaient pendant plusieurs jours que les conditions météorologiques soient favorables avant de traverser le détroit. En leur fournissant des carcasses, nous pouvions éviter de les voir se hasarder à chercher de quoi manger dans des zones risquées comme les décharges ou les sites des parcs éoliens. Force est de constater que notre projet a permis de réunir les conditions nécessaires pour que 4 couples de vautours fauves nidifient sur site et qu’un de ces couples réussisse à se reproduire.
C’est un résultat qui a été relayé dans plusieurs sphères scientifiques et ornithologiques…
- En effet, et nous en sommes ravis. Cela dit, il faut souligner que c’est le fruit d’un travail collectif et constructif. Je tiens à cet effet à remercier les partenaires sans lesquels ce projet n’aurait certainement pas abouti, en l’occurrence l’Agence Nationale des Eaux et Forêts, la population locale, le ministère de l’Intérieur, Les Forces Armées Royales et la Gendarmerie Royale.
Rapaces charognards : Les vautours marocains, entre nicheurs et espèces de passage
Les espèces classées dans la famille des vautours sont nombreuses et parfois très différentes. Le Maroc compte actuellement deux espèces nicheuses de vautours : le gypaète barbu et le vautour percnoptère. Le vautour fauve les a récemment rejoints après une première reproduction signalée dans la région de Jbel Moussa. Le Royaume compte également plusieurs espèces de vautours de passage, c’est-à-dire qui traversent son territoire sans nidifier ou se reproduire.
Il s’agit notamment du vautour de Rüppell et du vautour à dos blanc qui ont commencé à apparaître parmi les grands groupes de vautours fauves depuis quelques années. Deux autres espèces, le vautour charognard et le vautour moine, sont également signalées sporadiquement sur le territoire marocain.
À noter que les effectifs de certaines espèces sédentaires sont parfois renforcés par des individus de passage. C’est le cas pour le vautour percnoptère et, récemment, du gypaète barbu dont un individu venu d’Espagne a traversé le détroit pour visiter le Rif marocain avant de rebrousser chemin.
Il s’agit notamment du vautour de Rüppell et du vautour à dos blanc qui ont commencé à apparaître parmi les grands groupes de vautours fauves depuis quelques années. Deux autres espèces, le vautour charognard et le vautour moine, sont également signalées sporadiquement sur le territoire marocain.
À noter que les effectifs de certaines espèces sédentaires sont parfois renforcés par des individus de passage. C’est le cas pour le vautour percnoptère et, récemment, du gypaète barbu dont un individu venu d’Espagne a traversé le détroit pour visiter le Rif marocain avant de rebrousser chemin.
Société civile : Un centre dédié à la réhabilitation et à la réintroduction des vautours
L’Association Marocaine pour la Protection des Oiseaux et de la Vie Sauvage (AMPOVIS) a été fondée à M’diq le 13 janvier 2017. L’organisation se dédie à l’étude et la conservation des rapaces, en particulier, et de la vie sauvage, en général. Ses membres participent activement à plusieurs projets nationaux de conservation et entretiennent des relations de coopération avec des institutions internationales.
Grâce à un continuel travail de terrain, l’AMPOVIS fournit des informations précieuses sur les mouvements des vautours (au Maroc et dans d’autres pays de la Méditerranée et de l’Afrique subsaharienne) dans le but de contribuer à la conservation de ces espèces menacées grâce à des projets spécifiques tels que le suivi scientifique par des dispositifs GPS et de marquage alaires, ainsi que la réintroduction ou l’encouragement au retour d’espèces disparues dans le pays.
Depuis 2020, les membres de l’AMPOVIS cogèrent un centre de réhabilitation de rapaces qui est doté d’une grande volière, d’une salle de soins pour les vautours, d’un affût pour l’observation et d’un espace d’exposition des photos ornithologiques. Ce centre permet en outre de réhabiliter annuellement une quarantaine de vautours (mal en point) après leur récupération dans l’ensemble du territoire marocain. Ce centre, financé par l’Agence Nationale des Eaux et Forêts (ANEF), est également adossé à une plateforme de nourrissage des rapaces, qui est régulièrement approvisionnée avec des carcasses pour attirer les différentes espèces de vautours de passage et favoriser leur installation.
Grâce à un continuel travail de terrain, l’AMPOVIS fournit des informations précieuses sur les mouvements des vautours (au Maroc et dans d’autres pays de la Méditerranée et de l’Afrique subsaharienne) dans le but de contribuer à la conservation de ces espèces menacées grâce à des projets spécifiques tels que le suivi scientifique par des dispositifs GPS et de marquage alaires, ainsi que la réintroduction ou l’encouragement au retour d’espèces disparues dans le pays.
Depuis 2020, les membres de l’AMPOVIS cogèrent un centre de réhabilitation de rapaces qui est doté d’une grande volière, d’une salle de soins pour les vautours, d’un affût pour l’observation et d’un espace d’exposition des photos ornithologiques. Ce centre permet en outre de réhabiliter annuellement une quarantaine de vautours (mal en point) après leur récupération dans l’ensemble du territoire marocain. Ce centre, financé par l’Agence Nationale des Eaux et Forêts (ANEF), est également adossé à une plateforme de nourrissage des rapaces, qui est régulièrement approvisionnée avec des carcasses pour attirer les différentes espèces de vautours de passage et favoriser leur installation.